Faudra bien quitter la rive
Quitter l’an qui passe
Aborder l’an qui vient
Sans rien saborder à nos chances de vivre
Faudra bien aller de l’avant
Puisque le temps ferme les portes derrière
Faudra bien
Il n’y a que les yeux et le coeur
Pour regretter ce qui fut
Sans savoir ce qui vient
Faudra bien quitter ce monde un jour
Faudra bien mais le plus tard possible
Même si parfois observant ce qu’il devient
On aimerait ne pas trop s’attarder
On se dit au fond de soi
Qu’il serait toujours possible
D’en tirer un autre jus
Que le brouet immonde servi
Par quelques ignobles qui souillent de leur présence
L’idée qu’on se fait de l’humain
On voudrait lancer le grappin
Pour ralentir la course
Prendre le temps de construire
Tandis qu’eux ne cessent
De démolir et de salir
On voudrait juste pouvoir
Ouvrir les yeux sur des lendemains qui chantent
Quand depuis des années
C’est la même ritournelle
Qui nous chavire le coeur
Devant la complainte des misères
On voudrait juste
Mais à l’heure de pousser la porte
On se prend à la méfiance
Tant de fois on a mangé notre chapeau
Qu’on n’ose imaginer
Quelque chose de plus gai
Où s’étire le chapelet
Des tristes nouvelles répandues
(31 décembre 2022 — 1 — 14h42)
*
Il reste si peu de l’année qui fut.
Nous avons traversé tant de murs.
Nous avons vu se dresser tant de frontières.
Masqués, bâillonnés, interdits d’étreinte et de baisers ; interdits de vivre, sommés de marcher au pas imposé, au nom d’un délire de sécurité sans limite, c’est la vie elle-même qui est jetée aux orties.
Trois années après le grand choc, la pandémie de bêtise poursuit sa route.
On se prendrait presque à vouloir rester là où nous sommes.
Mais peut-être l’ignoble prenant la parole en aura ainsi décidé.
Voilà ce que c’est de ne l’avoir pas écouté : peut-être a-t-il annoncé que nous en resterions à l’année qui se termine ; que nous pourrions ainsi bénéficier de vingt quatre mois de salaire supplémentaire…
La plaisanterie serait presque crédible tant nous avons traversé d’ordres et de contre-ordres à nous rendre fous.
Il reste si peu de l’année qui fut.
Qu’on rêverait à une suspension du temps.
En demandant le plus, nous obtiendrons peut-être le moins : au moins son ralentissement.
Ce serait oeuvre de salubrité publique que de ralentir.
(31 décembre 2022 — 2 — 23h40)
Xavier Lainé
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