dimanche 15 janvier 2023

Poéthique (une déambulation) 28

 



Photographie : Xavier Lainé - Le poème déchiré - 2012


Parfois on déambule et on se perd.

On croit suivre le bon chemin, mais on revient irrémédiablement sur nos pas.

Ơn erre, on ne sait pas trop par quoi commencer, vers où aller.

On termine l’an avec l’amertume d’avoir le meilleur derrière.

Avec l’amertume de constater les obstacles dressés devant nos pas.


L’hiver nous fuit.

On n’y prête guère attention, mais l’hiver nous fuit : quels présages allons-nous savoir lire dans le ciel trop clément ?

Saurions-nous encore lire ou sommes-nous devenus analphabètes ?


L’hiver nous fuit.

L’édile du coin pérore en attitude de boxeur.

Un tsar de toutes les Russies pérorait de même avant de jeter le monde au bord du gouffre.

Les imbéciles font toujours de la vie un combat.

Ils nourrissent leur esprit dans le sang versé.

Ils posent pour leur propre gloire sur les sentiers de leurs guerres.

Mais toujours, dans les fossés de l’histoire, gémissent les « riens » laissés pour compte à leur agonie.

Eux vont devant, avec leurs gants de boxe et prennent le monde pour un ring.


Celui qui tente encore de penser déambule, moitié hagard, moitié ébrieux d’avoir trop bu à la bouteille offerte pour trois achats de chaines.

Les maillons se resserrent sur le cou des errants.

Les édiles devant leur miroir rient de se voir si beau.

Ils ne voient rien de la laideur du monde qu’ils laissent derrière eux.


(28 décembre 2022 — 1 — 8h52)


*


Non, je ne monterai pas sur le ring, ni viendrai vous voir boxer.

Ce n’est pas ma conception du monde ni des relations humaines.

La mâle assurance qui triomphe d’un « adversaire », qui le roue de coups sous les acclamations d’une foule ivre de sang n’est pas mon idéal.


J’irai plutôt déambuler solitaire, dans l’attente des bras ouverts où déposer mon âme chagrine.

Chagrine d’avoir tant vécu pour voir ce monde s’effondrer quand mes luttes envisageaient les choses autrement.


Je n’irai pas non plus au bal des ego.

Je n’ai rien à faire de la gloire éphémère de tous ces gens qui promènent le « A » de leur détermination artistique et se présentent comme les meilleurs pour ne défendre qu’eux-mêmes.


Je ne sais que déambuler discrètement, longer les murs désertiques de ma ville sans âme.


(28 décembre 2022 — 2 — 10h00)


*


Au fond des ruelles obscures, la lumière se dépose.

Elle affleure aux murs du pauvre.

Elle se reflète dans les fenêtres trop peu ouvertes.

L’air est si rare où l’homme doit retenir son souffle pour ne pas pleurer sur son sort.


Au fond des ruelles obscures, j’ai jeté l’encre de mes mots.

J’ai trempé ma plume dans le chagrin des misères.

Ma page se fait frêle esquif à ceux qui voudraient passer d’une rive à l’autre.

Désespoir au delà, espoir en deçà.

Tout le problème est de ne pas finir le voyage déçu.


Au fond des ruelles obscures, l’amour se tient coi.

Il attend l’âme en sommeil qui viendrait s’échouer de ce côté.

L’amour est patient et se laisse si mal apprivoiser !

C’est un problème d’apprentissage que de savoir l’approcher.

Ou de rester immobile et silencieux pour qu’intrigué il s’approche.

L’amour passe le gué des ans en sages déambulations.

Furtif il ne se dépose jamais longtemps aux coeurs qui voudraient le garder pour eux et eux seuls.


L’amour demeure au fond de la ruelle des mots échoués.

Il attend son heure qui dure parfois une vie, parfois se fait éphémère instant de grâce vite oublié.


(28 décembre 2022 — 3 — 17h02)


Xavier Lainé



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