dimanche 8 janvier 2023

Poéthique (une déambulation) 21

 



Photographie : Xavier Lainé - Le poème déchiré - 2012



« De toutes les choses au monde, il n’y en a aucune qui abatte davantage l’esprit des hommes, et qui leur cause de plus sensibles déplaisirs, que la pauvreté ; soit qu’elle fasse manquer de commodités nécessaires à l’entretien de la vie, ou qu’elle soustraie celles qui servent à soutenir le rang et la dignité des conditions. Et bien qu’il n’y ait personne qui ne sache que les moyens se doivent acquérir par l’industrie et se conserver par le bon ménage ; toutefois, il est ordinaire à ceux qui se trouvent dans la disette de rejeter sur le mauvais gouvernement de l’Etat la faute de leur fainéantise et de leur prodigalité, comme si les malheurs du temps et les trop grandes exactions publiques étaient cause de leur misère particulière. Cependant les hommes doivent considérer, que non seulement ceux qui n’ont aucun patrimoine, sont obligés de travailler pour vivre, mais aussi de combattre pour avoir le moyen de travailler⁠1. »


Etonnant discours qui dit tout et son contraire.

On pourrait jouer au petit jeu des devinettes : ne regardez pas la note en bas de page et imaginez dans quelle bouche contemporaine on pourrait implanter un tel mépris des pauvres.


1642 - 2022 : le temps passe, les états d’esprit ne changent guère.


(20 décembre 2022 — 1 — 11h45)


*


Vous donnez votre langue au chat ?

Je le vois qui se lèche les babines (sauf que mon chat s’est carapaté depuis un moment déjà pour mourir seul quelque part).

Mais dans ma tête, j’ai tout un bestiaire que je peux sortir à volonté et selon les besoins.


Mon bestiaire, c’est comme mes voyages.

Si mon enfance fut nomade, depuis fort longtemps, les moyens s’amenuisant, voyager ne relève plus que du rêve.

Alors, il me suffit de fermer les yeux et me voici parti vers des horizons lointains.

A l’aide des livres lus, je peux m’intégrer aux Jivaros, aux incas (ou leurs descendants), aux tibétains sur les plateaux immenses de leur pays inaccessible aujourd’hui.

Je combats parfois aux côté des femmes kurdes, j’erre un moment dans la vieille ville de Sfax où mes pas d’enfant sont déjà allés, je retrouve l’empreinte de mes pieds sur les plages de Gabès, sur le Chott el Djerid. 

J’erre  entre deux eaux turquoises au large de la Catalogne.

Je lance ma ligne de pêche entre deux îles grecques.


Puis je reviens.

Mes pas montent rejoindre le siège offert par les racines du grand chêne.

Je m’y blottis un instant et le monde alors me semble plus respirable.


(20 décembre 2022 — 2 — 15h12)


*


C’est délicat d’avancer la tête dans un hall de gare !

Heureusement, il semble que les trains tardent à y entrer !


Avec ces résonances particulières de calebasse, le crâne ne permet pas la plus grande lucidité.

Et chaque rendez-vous devient une épreuve qui cogne aux parois, dans l’espérance que tout va s’arrêter bientôt.


Mais impossible, voyez-vous, de déclarer forfait sans reporter les soins sine die dans un agenda qui ressemble à un métro à l’heure de pointe.


(20 décembre 2022 — 3 — 18h01)


Xavier Lainé



1 Thomas Hobbes, Du Citoyen, XII - IX

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