Parfois le temps te saisit et ne te lâche plus, particulièrement la nuit et le matin.
Parfois.
Pas souvent, mais parfois.
Alors la déambulation commence mal car tu sais que le temps devant toi fait état d’une minceur famélique.
Qu’il va être l’heure d’aller ouvrir ta porte, de poser tes mains sur les échines fourbues devant l’âtre où vacillent les fragiles flammes d’humanité.
Tu déambules quand même et tant pis pour le temps.
Car tu sais.
Tu sais que sans ces instants volés ou dans le silence de ton antre, avec le cliquetis de la pluie sur le vasistas, ta journée n’en serait que plus pitoyable.
Tu n’aurais plus rien à attendre que gestes machinaux quand tu t’y refuses.
De ce conflit entre toi et toi ne pourrait jaillir qu’un inconfort pathogène et tu serais happé par le sort de tes « patients ».
Ecrire est ta respiration.
Tu en uses et abuses.
Tu n’écris pas pour autre chose que laisser trace de ta déambulation, de ta traversée d’un monde qui ne va résolument pas dans le sens voulu.
« Le royaume du grand cul par dessus tête », écrirait Julie d’Aiglemont1.
La vie n’est que traversée : on pourrait rêver que ce soit voyage radieux, mais non, au terme de ton voyage, tu es bien obligé de constater que tu n’as jamais cessé d’essuyer les tempêtes.
(21 décembre 2022 — 1 — 8h10)
*
Une pluie continue
Les pieds gelés sur le sol pourtant sec
Le feu dans l’âtre qui ne sait aller tout doux
Tant les nuées en attisent la flamme
Je ne suis pour pas grand chose dans l’ordre ou le désordre des choses.
Que dit un corps qui se raidit ?
Puis le même qui peu à peu accepte de ne plus lutter contre la gravité ?
Je n’y suis pour rien dans l’abolition de vos plaintes.
J’enregistre juste vos moments de répits
(21 décembre 2022 — 2 — 9h54)
*
C’est qu’on n’envisage jamais les choses sous cet angle : un corps qui apprend.
Apprendre, pour nous, c’est purement intellectuel, notre état corporel est maintenu hors champs.
Les choses ne commencent à s’améliorer qu’à partir de l’instant où nous ne cherchons plus à diriger, que nous nous laissons aller à voguer sur nos sensations.
C’est à ce moment que nous commençons à apprendre.
Comme le petit enfant qui ouvre les yeux et commence à suivre du regard le sein qu’il désire, nous devons retrouver cette liberté de nous inventer vivants en mouvement.
C’est éminemment poïétique2.
(21 décembre 2022 — 3 — 11h32)
Xavier Lainé
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