jeudi 4 novembre 2021

Peindre dans l’air du temps (trilogie) Tome 1 - Théodore entre deux temps 31




Le baiser - Théodore Géricault




Me voici devant ton ultime soupir.

Hurlement de douleur de tes amis, Eugène en tête qui tente de sauver ce qu’il peut de ton oeuvre.

Même pas de tombeau au cimetière du Père Lachaise.

Faudra attendre la mort de ton père.


Juste une inscription et Horace qui lance une souscription.

Il rêve d’un monument à ta gloire.

Gloire passagère tant les temps demeurent agités.

On glisse lentement vers des temps de révolutions.

Les restaurés se disputent le trône.

Le peuple rêve d’être quelque chose.

Les bourgeois cherchent encore leur place, rechignent à s’acoquiner avec la noblesse qui revendique toute la place.

Il faudra attendre encore un peu.

Tu te reposes enfin.


Ton fils veille qui rêve lui aussi d’un monument.

Car il devient ton fils après ton dernier souffle.

Le chagrin d’un père pousse à la reconnaissance d’un petit-fils.

Le chagrin d’un père demeuré vivant tandis que le fils repose, entre deux tombes, non loin d’un mur qui n’est pas encore celui des fédérés.


Il faut attendre que Georges s’en aille, si peu de temps après, pour que tu trouves enfin place à ses côtés.

Horace dresse un monument, bientôt retiré, puis Georges-Hyppolyte le sien sur le même modèle.

Nous demeurons sur le radeau terre, tandis que le tien trône au musée.

Nous sommes ces êtres déchirés par la tempête. Nous sommes les enfants de ces ruptures jamais consommées. Ton oeuvre anticipe nos angoisses.


Xavier Lainé


31 juillet 2021


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