samedi 27 novembre 2021

Effeuiller les jours (Ou la vie sous contrainte) 5

 




C'est un jour de parole difficile, où tu ne sais que répondre lorsqu'il s'agit de valeur de ton acte. Qui donc peut en avoir une idée, sinon celle ou celui qui le reçoit ?


C'est un jour de parole difficile, où tes yeux observent la scène qui se referme sur les agoras défiant le temps.

Le liesse vient couvrir les mots sous les yeux amusés d'un élu qui n'en demandait pas tant.

Mais on te dit que non, que rien n'est volontaire dans ce chevauchement.

La liesse, pourquoi pas ?

La bravade d'un café pris en terrasse qui ne demande rien d'autre que la valeur d'un café (mais combien ça vaut, vraiment un café sous l'épée de Damoclès d'un interdit ?), pourquoi pas ?

L'indifférence notoire des consuméristes du samedi, pourquoi pas ?


C'est un jour où, tandis que la liesse accompagne les mariés, tu ressens ton divorce consommé d'avec un monde qui plie sous la perversité : on ne t'interdit pas, on fait en sorte que...

On ne t'oblige pas, on fait en sorte que...


C'est un jour où tu voudrais que tous les vernis de façade, les apparences trompeuses, s'écroulent.

Un jour où tu voudrais savoir confondre les hypocrisies qui mènent à accepter de vivre sans visage, éternellement cachés sous un masque de honte bue, avalée, digérée.

Un jour où ton allergie à la perversité d'une langue travestie sous la sensure (merci, Bernard Noël) explose sous un soleil d'automne.


C'est un jour de feuillets vains emportés dans la nuit d'un temps qui tolère l'obscur en prenant l'artifice des sunlights pour la lumière solaire des esprits libérés.

Un jour où la liberté s'assoit où nul n'a dressé son couvert (merci René Char), tant le mot n'est plus qu'ombre de lui-même.


C'est un jour qui ressemble tant à la nuit que tu te demandes si un jour la pensée serait en mesure de se réveiller, de s'étirer, puis d'aller mettre un grand coup de pied dans la fourmilières des conformités.


Xavier Lainé

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