samedi 17 septembre 2022

Je vous écris de très loin 2

 




Tandis que sous mes fenêtres ronfle la climatisation d’un camion frigorifique, arrêté pour livraison mais sans couper son moteur, mes yeux regardent le ciel qui laisse filtrer quelques gouttes de merveilleuse fraîcheur.


« Comme un chien pisse et aboie, comme un rossignol chante, un cerf brame, un éléphant barrit... un chasseur sonne du cor, un vil dragueur siffle une femme... un fabricant répand ses produits et crie dans le plus de volume possible la publicité de leur excellence prétendue. Chacun s'expanse dans l'espace. Ils pissent dans la piscine. Même le fumeur, même l'adolescent amateur du tintamarre émané de son deux-roues... crient la même affirmation de soi dans le volume ainsi envahi de volutes ou de sons: ego, ego, pète la moto de l'ado, révolté obéissant, puisque imitant servilement les proprios de son espace et de son temps, télé, pub et radio. Ses pets sortant d'un pot dut d'échappement, tout aussi bien nommé, je l'ai dit, que le fondement naturel ou, des vestales, la porte stercoraire. Inondé de pub, qui, assourdi, ne voit un anus dans le baffle d'un haut-parleur ? », écrivait Michel Serres (Le mal propre, Polluer pour s'approprier ? Editions Le Pommier, 2008)


Ils pissent sur la terre

Ils pissent dans les cieux

Laissent leurs étrons 

Ils pissent et chient

Voilà la nature de l’homme moderne

Bouffer pisser puis enfin chier


Puis aller s’étonnant de la chaleur intense

Du dessèchement de l’herbe

Râlant quand enfin il pleut

Pestant de ne plus trouver de neige l’hiver

Dénaturés par l’industrie de consommation

Déracinés de toute appartenance à la planète


Nous voici en cette extrême urgence

Refusant de voir le mur qui s’approche

Oubliant de frapper à la porte

Des fortunes qui veillent au naufrage


Xavier Lainé


2 septembre 2022


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire