lundi 20 septembre 2021

Mon cri est un cri de papier

 




« Je veux être ici-bas libre, ailleurs responsable,

Je suis plus qu’un brin d’herbe et plus qu’un grain de sable ;

Je me sens à jamais pensif, ailé, vivant. »

Victor Hugo, La légende des siècles, Les grandes lois V


« Défendre le vivant, c’est à un égard précis comme éduquer un enfant, il s’agit d’oeuvrer à sa propre inutilité comme éducateur ou aménageur : c’est travailler à son propre effacement. » Baptiste Morizot, Raviver les braises du vivant


J’ai l’impression, parfois, de naviguer dans une indicible nuée.

En cet endroit, j’entends les mots, mais sont-ils bien des mots ?

Je vois, derrière la révolte, ce sommet d’impuissance où nous jettent ceux qui acceptent la responsabilité du pouvoir sans en assumer les conséquences.

Il y a cette inconséquence qui fait mur, bien après que les murs soient tombés.

Je me vois prendre parole, sans trop savoir pourquoi, ni comment, juste pour ne plus me taire.

C’est peut-être un tort.

Ça pourrait aisément m’être reproché car, justement, l’inconséquence et le défaut de responsabilité font que toute parole contraire peut subir l’affront d’être cataloguée déviante.

Ce n’est pas nouveau.

Alors on ne va pas au bout de nos maux et de nos mots.

On s’arrête en chemin.

C’est ce que j’ai fait.

J’ai été « militant », la belle affaire, mais humain, je l’ai été quand ?

Quand je faisais des discours vibrants pour une cause ?

Quand j’ai fini par m’effondrer seul et que les « amis », militants comme moi, se sont détournés ?

Quand je me suis tu pendant toutes ces années, me réfugiant en vaine littérature de révolte qui ne peut trouver place dans l’univers littéraire, car on peut dire, parfois, mais écrire !

Quand je reprends la parole, d’abord un peu hésitant, parce que je me trouve à côté du micro et que les mots se mettent à sortir avec l’assurance d’une colère sourde, tapie dans l’ombre depuis longtemps ?

C’est quand que j’ai fait preuve d’humanité ?

Parce que comme tous, j’y ai cru, que ce qui faisait société était ce ciment démocratique et social, et je me suis tourné vers les autorités « élues » en me posant la question de leur indifférence.


Alors je lis. 

Je lis et je réponds :


« Certes, il est fort probable que les choses bougent tant au niveau de l’Europe qu’ailleurs.

Mais le problème est celui-ci : hier des milliers de soignants, de pompiers, de professionnels du monde médico-social n’ont pu se rendre à leur travail.

Chez les libéraux, il est bien difficile de se faire une idée : la répression est plus lente et plus complexe à mettre en place.


Mon mail à l’ordre a visiblement été interprété (mais je ne suis certainement pas le seul à avoir écrit) comme des menaces.

Ce qui m’amène à réfléchir au-delà de ce qui se présente à nos yeux, des ce qui souillé nos vies.

Il y a, depuis le début de cette histoire une sorte de rhétorique de l’irresponsabilité : ceux qui détiennent les pouvoir à tous les niveaux prennent des décisions, celles-ci ont des conséquences désastreuses dans nos vies, mais lorsque nous parlons de responsabilité, les voici qui inversent les rôles.

Ainsi les gilets jaunes furent les responsables des blessures qu’ils ont reçues, les manifestants contre les lois retraites ou chômage qui ont é&té réprimés et blessés n’auraient pas du aller au devant des LBD, les soignants qui refusent, non les vaccins mais les conditions de coercition vaccinale, sont responsables de la désorganisation de la santé publique…

Nous pourrions citer une multitude d’exemple où les responsables retournent leur veste en faisant porter le chapeau à ceux qui n’en ont aucune mais au contraire, par conscience pure, tentent de limiter les dégâts.


Je me posais la question de savoir ce que nous, soignants, nous avions fait de si grave qu’on puisse nous en vouloir à ce point.

Aurions nous du, comme certains l’ont fait, ne nous occuper que de nous-mêmes ? Aurions-nous du comme certains l’ont fait, abandonner les patients, rompre avec notre éthique du soin ?

Ne le prenez pas mal, si j’écris comme certains l’ont fait, il ne s’agit pas de juger mais de placer le débat où il doit, à mon sens, être placé.

De quoi sommes-nous responsables ?


J’ai déjà exprimé cette filiation libérale qui relie le 11 septembre 1973 à ce que nous vivons par le lien d’une « stratégie du choc ».

Je mee pose des questions quand à mon propre échec, depuis quarante ans, à faire avancer l’idée que nous aurions à grandir en humanité en mettant en commun ce qui doit l’être. Comment en sommes nous arrivés là ?

Il me semble important d’y réfléchir pour ,ne pas retomber dans le piège facile de nos passivités. Nous en sommes là parce que, vraisemblablement nous nous sommes laissé déborder par la stratégie des médiocres communicants nous mettant devant notre supposée impuissance, et surtout en oubliant que si l’humanité a survécu jusqu’ici, ce n’est pas ben organisant des guerres mais au contraire en y faisant face par la solidarité.


A l’heure où s’invite la Terre dans le débat, il est peut-être bon de réfléchir au monde dans lequel nous souhaitons vivre.

Et dans ce monde, les décisions ne pourront plus être seulement prises à l’assemblée européenne ou nationale, ou régionale, ou départementale, mais dans des aller-retours permanent entre nos besoins de vivre ici en créant du commun et en rétablissant la responsabilité qui incombe aux décisionnaires.

Être élu, ce n’est pas qu’un honneur, c’est aussi une responsabilité. Ce débat de conscience me semble urgent à ouvrir. »


Je lis et je réponds, mais peut-être est-ce un tort de lire et répondre, parce qu’on finit par lire en pensant à la réponse qu’on fera.

De quelle sincérité puis-je me targuer en apportant réponse ?

De quelle vérité serais-je dépositaire ?

Si, bien sûr, comme on nous l’a si bien appris, nous croyons encore en la vérité, cette chose multiforme qu’on ne peut saisir qu’un instant mais qui avance toujours masquée.

Alors ai-je une seule bonne raison d’avoir répondu ?

Quelles excuses pourrais-je formuler pour ces réponses prétentieuses et vaniteuses qui ne me ressemblent pas, qui ne sont qu’ébauche de maigre pensée, toujours prompte à se fracasser contre les rochers du temps ?

Est-ce poser là la pensée d’un instant, en attente de je ne sais quelle approbation de nature à me rassurer ?

Et elle vient, bien évidemment, mais est-ce l’approbation qui puisse être attendue, ou au contraire la contradiction qui permettrait à la pensée de grandir encore et encore ?

Elle vient…

Elle vient et je réponds encore, en parfait intellectuel prétentieux qui se met, devant le micro invisible de la page, à vomir sa belle raison :


« Ils nous veulent comme des papillons de nuit se heurtant à des lumières qu’ils prennent un malin plaisir à déplacer.

Ils font durer le plaisir qu’ils éprouvent à nous voir brûler peu à peu nos ailes, nous épuiser à courir en tous sens, les uns en quête de « justice », les autres de « démocratie », ou d’une responsabilité que seraient capables encore d’avoir élus et leurs subordonnés, formatés à l’indifférence.

Quand nous tombons, épuisés, ils passent à ce qu’ils considèrent comme la suite de leur programme : ils viennent à Corbières, ils parlent d’autre chose comme si l’incident était clos.


Ils nous veulent dépendants de leurs décisions, sont prêts à tout utiliser pour garder leur place au soleil : regardez donc Bolloré avaler Lagardère !

Leur monde continue à tourner et produire des richesses sans fondement réel.

Leur vie hors-sol se poursuit. Si nous, nous nous brûlons les ailes, eux sont aveuglés par les profits qu’ils génèrent sur nos souffrances, sur nos peurs, nos naïvetés.

Il n’y a rien à attendre de ces spectres d’un passé d’illusion « progressiste » sur une Terre limitée.

Vous les voyez, ces trois ou quatre richissimes, s’offrir ce qu’ils prennent pour un luxe et un message d’avenir an allant trois jours en orbite, « plus loin, plus haut que l’ISS, comme s’exclament admiratifs les médias dont ils sont les propriétaires » !


Pourrions-nous apprendre à voler sans nous laisser attirer par leurs pacotilles ?

Leurs ancêtres, arrivant sur le nouveau continent, offraient à ceux qu’ils prenaient pour des sauvages des pierres et des verreries sans qualité pour obtenir de l’or qui n’avaient de valeur qu’à leurs pauvres yeux de dominants néolithiques.

Les prétendus « sauvages » ne voyaient aucun prix dans ce qui brille. Ils cherchaient à préserver un accord avec la Terre.

Ils étaient et leurs descendants avec eux, des Terrestres. 

Les ancêtres du CAC 40, avec le sabre et le goupillon, usaient du génocide pour assurer une domination mercantile.

Ils en font autant aujourd’hui : il leur faut des peuples bien sages, bien dociles, avançant courbés et masqués sous le joug de la peur.


Nous n’avons rien à attendre d’eux, mais tout de nous-mêmes.

Rien que le fait de devoir demander la permission pour nos agoras du samedi, relève déjà d’une soumission qui, certes, lorsque nous sommes nombreux, peut permettre d’éviter que leur maréchaussée ne s’en mêle : mais quel symbole qu’une parole qui se veut libre surveillée par gens en armes (gendarmes) ?


Pour ma part, je ne met rien ni personne ni sur un piédestal comme sauveur « suprême », ni aucune organisation dont les schémas sont hérités d’un passé sanglant.

Je ne rêve que d’une chose : que nous apprenions à prendre en main nos existences, unique moyen de vivre mieux, de repousser les affres de la souffrance endurée comme une fatalité. Que nous apprennent nos maladies (et en particulier Covid) de nos façons de vivre ?

Quel travail et combien de choses encore à apprendre, n’est-ce pas ? »


Je réponds, je relis pour vérifier qu’il n’y ait pas trop de faute, et je passe à côté de l’erreur fondamentale que nous commettons tous, les prétentieux « penseurs » : parler à la place de.

Écouter mais déjà, parce que nos esprits sont ainsi formatés, nous fourbissons nos armes, nous pensons à la réponse.

D’autres viennent et je lis.


Je lis et je relis.

Je lis et je relis et je me retiens de répondre.

Je ne sais plus quoi de la forme ou du fond pourrait avoir encore la moindre importance.

Je me dis qu’il vaudrait mieux me taire, regarder le micro de loin, mais surtout me taire, car je ne détient aucune parole qui soit de vérité.

Je regarde le soleil qui affleure après les pluies de la nuit.

Dans un instant j’irai fouler de mes pieds l’humus encore humide.

J’ai besoin de sentir le sol sous mes pieds, d’évacuer de ma tête le moindre embryon de réponse, d’éjecter une fois de plus ma volonté inconsciente d’agir encore sur le monde, quand il me faut assumer de n’être qu’un parmi les autres.

Je ne veux pas être approuvé ni suivi, ni précédé, ni guidé.

Comprendrez-vous ?

J’ai besoin de me coltiner avec mes misérables lâchetés, mes vagues heures de plaisir à vous parler.

Je n’ai pas besoin d’être approuvé ni de devenir le guide de je ne sais quel mouvement qui se heurtera aux murs que les puissants ne cessent de construire.

Je contemple, les pieds dans l’humus, notre humanité s’agiter et secouer d’impressionnants épouvantails.

Je mesure depuis si longtemps les souffrances endurées que je voudrais simplement laisser parler mes mains : elles en savent bien plus long que moi sur notre humanité qui s’agite en tous sens sans prendre le temps de se poser au pied d’un chêne pour réfléchir.


J’ai envie de laisser les irresponsables nier les conséquences de leurs actes.

J’ai envie de vous laisser cheminer comme vous l’entendez, naviguer entre forme et fond, sans intervenir d’avantage.

J’ai traversé plein d’épreuves dont nul n’a jamais et n’aura sans doute jamais connaissance, parce qu’il me fallait d’abord et prétentieusement « soigner ».

J’ai appris que le seul soutien à trouver était ici, enfoui dans les racines d’un chêne, dans les chemins creux de l’existence.


À débattre de la forme comme du fond, à causer et puis causer, qu’est-ce que je change au monde qui va droit sur le mur de nos prétentions ?

C’est dans ma vie de chaque jour que je peux agir, en mesurant les contraintes et les concessions qui me sont imposées.

Je ne suis pas certain que nous puissions gagner devant ces gens hors-sol qui ne vivent déjà plus sur la même planète que nous.

Je ne suis pas certain d’avoir raison en écrivant ce que j’écris.

J’écris parce que je ne sais pas faire autrement.

J’écris comme on réfléchirait à voix haute, juste pour me prouver que j’existe encore et qu’ils n’ont pas encore eu ma peau.

J’écris pour mesurer le chemin parcouru et le peu qui reste devant, dont mes enfants et mes petits enfants seront les dépositaires.

C’est à eux qu’il incombe de façonner le monde. 

Où était, hier, la jeunesse ?

Et si elle était absente, muette, en quoi mes vibrants discours pourraient y changer quelque chose puisque tout contribue à ce que transmission soit rompue.

La vie seule dira de quoi nous aurons, ceux comme nous, été capables, à condition que vie humaine parmi les vivants soit encore possible.


Ne m’en veuillez pas : je serai là désormais, mais je rejoins les rives de silence. Mes mots rejoignent leur magma originel, là au plus profond de mes tripes. Mon cri est un cri de papier.


Xavier Lainé


Pas de date, le temps n’a pas d’importance puisqu’il n’existe pas.



6 commentaires:

  1. Bonjour Xavier
    Je ne connais pas les détails de votre détresse, J'ai entendu votre cri.Mais vous êtes un homme d'écriture et de coeur et renoncer à ce que vous êtes c'est mourir. Alors ne renoncé pas , vous donneriez raison à ces gouvernants qui nous détruisent.

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    1. Le seul renoncement, serait celui de vivre, mais bien trop lâche pour aller vers cette extrémité.
      Quant à la raison des gouvernants, bien contraint de constater qu'ils en sont persuadés "quoiqu'il en coûte" dirait notre pervers élyséen.

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  2. Bonjour,
    Chacun devra bientôt se regarder en face et ce sera une douloureuse consolation pour des gens comme vous et moi. Cela rendra possible le pardon inenvisageable à ce stade. Je vous exprime ma compassion. Nicolas Zannin.

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    1. C'est à nous-mêmes qu'il faudrait trouver moyen de pardonner de n'avoir pas su éviter à nos enfants le triste spectacle d'un pays muselé et discriminé !

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    2. Pardonner en masse n'a pas de sens : c'est à un sujet, un à la fois, qu'il est possible de pardonner. Sinon nous retombons dans les logiques de masse qui ont mené les hommes jusque là.

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  3. �� vous êtes un homme fort et plein d'humanité. Vous êtes malgré vous un guide à lire au moins, à suivre pour qui le souhaite. Perclu de tristesse, touché dans son âme, usé, c'est cela votre humanité. Vos propos sont cohérents comme vos actes, personne ne peut faire taire un discours nécessaire. Au diable les jugements, auto censures et autres balivernes sournoises, nous sommes entre nous. A l'écoute, en réflexion, en action et avec nous. Merci

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