mardi 21 septembre 2021

L’écriture est une responsabilité

 






« Ni semaines, ni mois – mais les années

Se sont détachées. Et voici enfin

Le froid de l’actuelle liberté,

Et sur les tempes un diadème gris.

Plus de mensonges ni de trahisons

Et jusqu’à l’aube tu n’entends pas

Comme elle abonde, cette eau des preuves

De mon incomparable bon droit. »

Anna Akhmatova


« Je me réveille.

Paris.

Suis-je vivant

ou suis-je mort?

Suis-je vraiment mort à jamais?

Mais non...

C'est la police.

- Mais oui, monsieur.

- Mais non...

( C'est la France de Daladier,

la France de monsieur Bonnet,

l'hôtesse de Lequerica,

la France de la liberté.) »

Rafaël Alberti


Y aurait-il encore un intellectuel dans l’avion ?

Où sont passés les vigies, les lanceurs d’alerte, les « empêcheurs de penser en rond » ?

Ainsi donc va s’ouvrir aujourd’hui, à Manosque, la nouvelle édition du festival des Correspondances.

J’avais pris l’habitude de sillonner les rues et d’écrire mes « lettres sans correspondances ». 

J’ai du mal : l’auteur érigé en symbole, perché sur une scène, répondant au feu roulant des questions quand le chemin de l’écriture est si profond, si intime, si secret !

L’auteur, érigé en « conscience », ayant réponse à tous les questionnements, donneur de leçon en diable, ça ne me correspond pas vraiment.


Non sans ironie, cette année, le festival s’affiche ainsi : « Port du livre obligatoire ». 

C’était presque sympathique, en période où public va muselé, même quand on lui explique qu’en plein air, ce n’est pas vraiment nécessaire.

Mais la peur, ha ! La peur !

Dix neufs mois que les bourreaux au pouvoir nous manipulent avec elle.

Alors, nous sortons muselés, et depuis deux mois, il faut ajouter à ces visages rendus anonymes par leurs masques (même si certains jouent de l’élégance des couleurs, des tissus, déployant un savoir faire incroyable pour s’ajuster aux injonctions contradictoires, mais toujours avec la peur du flic de passage si prompt à vous rappeler à l’ordre !), il faut donc ajouter l’ignoble « pass-sanitaire », dernière trouvaille de notre pervers élyséen, histoire de bien stigmatiser les récalcitrants aux essais thérapeutiques en cours, sous couvert d’obligation vaccinale pour les uns, de coercition menaçante et privative de liberté pour les autres.

On trie, on sépare, on scinde familles et amitiés entre pro et anti, pro et anti quoi, parfois on ne sait plus, mais on sépare, c’est ça l’important : on sépare !

Un apartheid d’un nouveau genre nous est imposé dont le seul objectif est strictement politique : diviser. Car, pour les raisons « scientifiques », depuis que  certains ont découvert à leurs dépends que le vaccin ne les protégeait que des formes graves d’une maladie qui apparaît de plus en plus comme un moyen fabuleux de s’enrichir pour un petit nombre, et de s’assurer d’un pouvoir sans limite pour leurs représentants mal « élus », elles sont de plus en plus difficiles à soutenir.

On meurt parfois, certes, de ce charmant virus, mais on en meurt d’autant plus qu’on interdit à la médecine de « soigner », car l’important c’est le bénéfice des Pfizer, Moderna et autres qui planquent leur profits dans les paradis fiscaux.

Qu’allaient faire la mairie aux ordres du pouvoir et les correspondances qui zonent dans ses couloirs pour obtenir les subventions nécessaires à maintenir cette usine à gaz ?


La réponse est là, sur la page de la mairie :  « En raison du protocole sanitaire : Passe sanitaire nécessaire pour les rencontres en extérieur et les spectacles en salle. Un bracelet vous est proposé pour n'être contrôlé qu'une seule fois par jour. » !

Ainsi vous pouviez déjà vous rendre sans votre « ausweis » au supermarché, mais pas en médiathèque (les livres peuvent cacher tant de virus entre leurs pages !), ici, pour les correspondances, vous aurez mieux : le bracelet !

Pourquoi pas le bracelet électronique, tant qu’on y est ! Quitte à être moderne dans la « start-up nation », on pourrait envisager que les détenteurs de ce droit à vivre libre (si tant est que la liberté se limite aux zones autorisées : cafés, restaurant, cinémas, théâtres et autres lieux de prétendue culture limitée au divertissement) seraient soulagés de pouvoir se déplacer avec leur QR code agrafé au poignet : ce serait une belle libération pour ces gogos qui placent la liberté bien loin de l’intelligence.


Ainsi, donc, j’ai compté, 52 auteurs, 2 comédiens, 10 musiciens, 1 illustrateur, seront présents sur les diverses scènes de cet évènement sagement contrôlé.

52 auteurs, 2 comédiens, 10 musiciens, 1 illustrateur vont se trouver complices de cette forfaiture : un évènement qui se proclame ouvert à tous (ce dont nous n’avions jamais été dupes, car il s’agit plus d’un public captif, issu de la bonne bourgeoisie) mais va trier ceux qui auront droit à la parole divine et ceux qui n’y auront pas droit.

Beau symbole culturel dont je suis, en tant qu’auteur, ravi de n’y avoir jamais été convié. Et si tel avait été les cas, j’aurais décliné l’offre ou alors aurais refusé de monter sur scène pour rejoindre les parias laissés de l’autre côté des grilles.

J’ai honte !

J’ai honte pour les auteurs qui vont participer à cette parodie culturelle, honte pour les organisateurs qui acceptent ce joug imposé par l’Etat sans boussole et une mairie toute aussi déboussolée.

Et il y a de quoi l’être puisque le seul sujet digne d’intérêt c’est la montée de l’extrême droite, qu’on encourage à grands renforts médiatiques, puisque nous le savons : l’élection présidentielle n’a qu’un tour et c’est un tour de passe-passe où les oligarques choisissent leur président, les citoyens n’étant là que pour le decorum.

Ha ! On me dit dans l’oreillette que non, il y a deux tours aux élections présidentielles, mais bon, larguons l’oreillette et admettons une fois pour toutes qu’il n’y en a qu’un avec deux candidats désignés entre deux coffres forts. 


Gisèle Sapiro, sociologue très en vogue chez les organisateurs de l’évènement, qui était d’ailleurs venue enquêter sur son public (je ne sais où sont passées les conclusions de son enquête), avait écrit, en 2011, un ouvrage fort intéressant sur « La responsabilité de l’écrivain » (que j’avais découvert grâce aux Correspondances, d’ailleurs, et je les en remercie, ne soyons pas bégueule).

Dans ce volumineux ouvrage on trouve, page 683 ceci : « La liberté d’écrire implique (…) la liberté du citoyen. L’art de la prose ne peut s’accommoder de tous les régimes mais doit être solidaire du régime démocratique, le seul où il garde son sens. Si la responsabilité est l’aboutissement de la liberté créatrice, l’écrivain a en retour pour responsabilité de garantir la liberté. »


Que feront les 52 auteurs invités de leur responsabilité ?

Nous vivons une situation inacceptable, intolérable, imposée par un Etat dont le visage autoritaire et anti-démocratique est désormais dévoilé.

Si les 52 auteurs jouent le déni, le public, lui, devrait signifier à cette « élite » qu’il n’accepte pas de vivre avec cette discrimination.

Il me semble que le boycott total de cet évènement serait bienvenu et le signe que nous ne plions pas sous le joug.

A défaut, nous ne pourrons pas dire, lorsque les choses iront plus mal (car c’est vers ça, ce ça honni, que nous nous dirigeons, je l’entends et peut en attester) que nous ne savions pas.

Mais il est vrai que dans ce pays, les lanceurs d’alerte sont poursuivis.


Xavier Lainé


22 septembre 2021


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