mercredi 22 septembre 2021

Peindre dans l’air du temps (trilogie) Tome 1 - Théodore entre deux temps 22

 



Le baiser - Théodore Géricault



On fuit, on court à sa perte.

On laisse à bord quelques témoins, quelques gardiens d’un temple naufragé, dans l’espoir d’un hasardeux sauvetage.

Les autres, les élus, sont dans des canots.

Le reste descend sur le radeau, les uns devant tirer les autres.

Les uns amarrés aux autres.

Sans compter la tempête qui s’annonce et que nul ne voit venir dans le trouble du naufrage.

Les cordages se brisent, les canots rament comme ils peuvent vers les côtes désertiques.

Les autres vont à la dérive sur leur radeau, médusés, sidérés.


La sidération cède le pas à la mutinerie.

C’est à qui se saisira le premier des vivres, de la place.

Vivres qui viennent à manquer, l’eau se fait rare.

Alors on s’entretue, on se dévore, on ne sait plus que faire pour survivre.

On est en 1816. Un bateau apparaît qui sauve ce qui reste d’équipage.

On tient procès, le capitaine est condamné.


Théodore suit le procès.

Il esquisse, en marge, des croquis, à l’encre, à la craie.

Il saisit l’horreur et le symbole, la métaphore de son monde qui est aussi le nôtre.

Il expose la gigantesque toile au salon de 1819.

Elle terrorise le bourgeois.

Ce tableau est un cri contre notre inhumanité.

Celle qui demeure, qui traverse les siècles, montrant à quoi s’abaisse l’homme lorsqu’il joue la carte de son triomphe solitaire contre l’autre, contre tous les autres.

Le radeau de la Méduse entre dans la légende. 


Xavier Lainé


22-24 juillet 2021


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