jeudi 29 juin 2023

Pousser les portes du devoir (Un chemin étroit avec Gide) 7

 



Vierge voilée de Giovanni Strazza (XIXème sicèle)

(Photographie glanée ici : Livingstone)


« La mélancolie n’est que de la ferveur retombée. » André Gide, Les nourritures terrestres


Ferveur et passion.

Deux versants d’un engagement.

De la passion naît la ferveur.

On avance.

Puis parfois, pris de passion, gagné par le ferveur, on ne voit pas le mur.

On ne mesure pas les obstacles.

On s’imagine invincible.


Le mur heurté, la ferveur comme la passion se relèvent.

Avec des bleus à l’âme et le corps meurtri.


Combien de fois m’a-t-il fallu me relever.

Me faire phénix surgissant de ses cendres ?

Une vie complète à lutter avec ferveur pour tenter de vivre de mes passions.

Puis me retrouver dans le vide abyssal.


On m’avait dit l’homme bon.

On m’avait raconté que la société ne cessait de le corrompre.

On m’avait dit de lire Rousseau.

On m’avait expliqué qu’il n’y avait pas d’âmes mauvaises.

Et je l’ai cru.


Ferveur et passion étaient mes armes.

Avec la poésie et la philosophie dans mes bagages.

Une poésie et une philosophie en auto-construction.

Comme certains construisent leur maison, je me suis forgé une pensée, une éthique de vivre.

Et je me suis cogné au mur, déchiré sur les récifs.


On me dit mélancolique.

On me dit de me secouer.

De sortir de ce sentiment étrange et parfois délicieux.

Mais c’est pour ne rien gâcher de mes rêves.

Alors laissez-moi avec.


Je navigue entre ferveur et mélancolie.

Ce sont mes îles, mes refuges.

Elles me sont havre de paix dans un monde devenu étrange à mes yeux.

Peut-être trop.

Trop poète, ou trop rêveur.

Bien que je ne me sente ni l’un ni l’autre, juste…


Juste dans cet état qui voudrait croire encore en une grandeur humaine.

À l’heure des guerres et des barbaries, des profits honteux et du cynisme gouvernemental, je veux y croire encore avec ferveur.

C’est ma boussole dans la dernière ligne droite.

Tous mes actes vont à l’unisson de cette ferveur.

Même si les récifs mettent à mal la coque de mon navire, je voudrais encore rêver et transmettre ce rêve.

Tout n’est pas pourri en notre humanité.

Il en est qui, comme moi, s’échinent à réparer sans cesse la coque pour que les plus déshérités ne se noient pas.


Qu’importent les lendemains qui déchantent.

Qu’importent les pitoyables moqueries des cyniques et des corrompus.

Oscillant entre mélancolie et ferveur, ayant eu le culot de donner naissance, c’est à eux qu’un jour je transmettrai le flambeau de ce rêve prétendu fou.

Nous avons autre chose à faire que nous soumettre à la jungle débridée des humains devenus pire que les bêtes qu’ils considèrent comme inférieures.


Pour ce, il n’est qu’un arme : celle d’aimer, envers et contre tout.

Et à l’envers de ce monde, en suggérer un autre d’où l’humain sortira meilleur.



Xavier Lainé

7 juin 2023


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