mercredi 28 juin 2023

Pousser les portes du devoir (Un chemin étroit avec Gide) 6

 



Vierge voilée de Giovanni Strazza (XIXème sicèle)

(Photographie glanée ici : Livingstone)


« C’est par peur d’une perte d’amour que parfois j’ai pu sympathiser avec des tristesses, des ennuis, des douleurs que sinon, je n’aurais qu’à peine endurés. Laisse à chacun le soin de sa vie. » André Gide, Les nourritures terrestres


Toujours j’y reviens.

Même quand on m’invite à regarder je ne sais quoi sur « Netflix » !

Pas le temps, pas l’envie.


Seul l’amour saurait me faire dévier.

Mais j’en sais bien trop la fragilité et l’inconstance.

Alors, je me blottis contre celui que je construits en dedans.

Je ferme les yeux et le voilà qui m’apparaît, fragile et tendre.


Au moins, celui-là, pas de risque de le perdre.

Il est le pur produit de mon imaginaire.

Tant de fois il s’est brisé sur le mur d’un réel bien moins doux !


On s’y cramponne, à l’amour.

C’est cette ténacité qui nous cause souffrances sans nom.

Reprochez-moi la tristesse si vous le souhaitez.

Elle n’est que le strict pendant de l’intensité de mon amour quand il retombe.


La tristesse, c’est comme un train, une locomotive qui tire derrière elle, outre le chagrin d’avoir cru en quelque chose, ses wagons de douleurs et d’ennuis.

Il faut le tirer, ce cortège là.

Il ne te laisse jamais tranquille.

Pour ne pas trop en souffrir, il ne te reste qu’à retourner à ta farouche solitude, à ta carapace d’apparences trompeuses qui t’offrent moyen de survivre à tes errements.

Quand tu fermes les yeux : tes amours sont là qui te sourient.

Sauf qu’ils ne sont plus que dans tes souvenirs.


Ainsi vont les amours qu’ils se perdent si souvent.

De plus en plus souvent on dirait.

On dirait même que les solitudes finissent par être si courante.

Pour ne pas en vouloir à l’une.

Pour ne pas honnir l’autre.

Pour ne pas finir en guerre de l’un contre l’autre.

On préfère ne pas.


Mais on succombe quand même à ce vertige si humain.

Aimer et être aimé, c’est tellement dans notre nature profonde.

Que ça en devient étrange cette manie de mettre le désamour sur le dos de l’une, sur les épaules de l’autre, mais jamais sur la responsabilité d’un mode de vie (pour ne pas dire système et paraître toujours victime) qui ne sait que corrompre nos existences.

Le mur sur lequel se brisent nos amours, c’est celui d’un quotidien qui ne s’acharne plus, qui ne peut plus s’acharner à en renouveler la fougue, tant la préoccupation est à vivre quand même et malgré tout.


Une fois l’amour brisé sur les récifs du vivre, on s’en retourne à ses chagrins, à sa tristesse, à ses ennuis et ses douleurs.

On n’ose même pas en parler.

On ne trouve pas les mots.

Car les mots parfois se font mauvais procès.

Quand l’amour vacille, on n’a pas envie de procès.

On rêve de réconfort.


On revient à tenter de vivre dans l’attente de…

Nul ne sait combien de temps ça dure, l’attente de…

On sait que parfois, ça peut durer toute une vie.

C’est long une vie à attendre.

Alors on « laisse à chacun le soin de sa vie. »


On avance quand même, dans l’amertume.

On rêve d’amour, et ça nous remplit.



Xavier Lainé

6 juin 2023


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