Il faut bien l’avouer
Parfois je ne sais pas quoi dire
Ou plutôt
À force de me retenir de dire
Je ne sais plus si mes mots
Auraient encore quelque chose à dire
Il faut bien l’avouer
Vous l’avouer
Je suis parfois devant le spectacle du monde
Écoutant les discours et lisant des livres
Inquiet de ma propre parole
De la résonance qu’elle saurait trouver
Il faut bien l’avouer
C’est une prétention abusive
Que de se mettre à dire
Quand tant et tant ont déjà dit
Ont déjà souligné le gouffre ouvert
Sous nos pas d’humains désormais soumis
À cet étrange monde réduit à être un marché
Il faut bien l’avouer
Je ne revendique aucune place particulière
Juste être parmi ceux qui en sont privés
Celui qui saurait encore dire
Pour ne pas moi aussi plier l’échine
Devant la privatisation de la parole
De la culture réduite à n’apparaître
Qu’avec « l’écrivain » érigé en gourou
Capable d’avoir avis sur tout
Quand l’objectif à travers lui
N’est que de faire vendre des livres
Il faut bien l’avouer
Je ne me reconnais pas dans cette apparence des choses
Je ne me reconnais pas non plus autorité à en critiquer l’aspect
Je ne me reconnais pas
Mais je ne cesse d’écrire depuis des années
Sans que mes mots ne semblent trouver place
Dans ce « marché » où tout se vend
Y compris nos âmes si elles veulent exister
Il me faut bien vous l’avouer
Très souvent je reste sans voix
Comme tant d’autre causant en moi-même
Pesant le pour et le contre d’aligner sur ma page
Des mots qui au fond n’ont rien à dire
Tant la violence extrême qui se déploie partout
L’absence de dénonciation des pouvoirs abusifs
Les heurtent et les inciteraient à
Ne pas dire
Dans une splendide autocensure
Qui laisserait ce monde marcher droit vers le précipice
Laissant sur son chemin la ruine fumante de notre humanité
Vendue comme esclave sur les places financières de la honte
Xavier Lainé
9 mai 2024
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