dimanche 23 juin 2024

Pas dire 31

 





Mois de mai sans relief

Loin de toutes protestations visibles

Quand je dis visibles

C’est médias dominants n’en disent rien

C’est comme s’il ne se passait rien

Ou

Lorsqu’ils en parlent

C’est avec un ton méprisant

Accusant les « semeurs de troubles »

D’être des ennemis

Voire même des « terroristes »

Quelle horreur


Mois de mai sans relief

Il me fallait souligner

Cet interdit de dire

Cet interdit du dire

Qui est le propre du néo-totalitarisme

Celui promu par jeunes dirigeants

Très « comme il faut »

Dont les vieillards cacochymes

Aimeraient faire leur gendre

Coincés en costumes trois pièces

Formatés aux grandes écoles

De défunte République

Défunte « res publica »

Affaire commune oubliée

Sacrifiée sur l’autel du saint profit


*


Nous sommes pourtant les enfants du dire

Humains qui sans parole perdraient leur dignité

Paroles dites

Paroles tenues

Voilà le cauchemar des arrogants

Convaincus de tenir dans la poigne de leurs dogmes

L’alpha et l’omega d’un avenir sans


D’un avenir sans parole

Donc sans humanité

Avenir portes et fenêtres fermées

Où doivent demeurer enfermées

Les paroles contraires

Celles qui s’ourdissent au plus secret des coeurs

Car c’est encore de coeur qu’il s’agit

Qui se soulève de nausée

Au spectacle de ce qu’ils font

De notre si belle planète


Leur avenir est dans la destruction

Au triomphe de leur puissance

Dans la guerre généralisée de tous contre tous

De toutes contre toutes

De tous contre toutes

De toutes contre tous

C’est leur seul horizon


C’est ici que notre devoir est de flamme

Pour préserver la parole et le dire

Nommer

Nommer même l’innommable

Pour qu’un jour peut-être

Nous puissions nous glorifier

Du beau titre d’humains


*


En guise de post-face :


« On ne peut donc jamais dire : il n’y a rien à voir, il n’y a plus rien à voir. Pour savoir douter de ce que l’on voit, il faut savoir voir encore, voir malgré tout. Malgré la destruction, l’effacement de toute chose. Il faut savoir regarder comme regarde un archéologue. » Georges Didi-Huberman, Ecorces, Les éditions de minuit, 2011


« Nous avons peur.

Nous sommes à deux doigts de crier au barbare, aux tyran, et d’ajouter du bruit au bruit, étouffant sous un seau de chaux vive et de cendres les petites braises encore vivantes de l’esprit. » Camille de Toledo, Le hêtre et le bouleau, éditions du Seuil, 2009


« L’apathie, l’impassibilité, le non-lieu des sentiments et l’impuissance sous toutes ses formes, non seulement n’empêchent pas les relations des êtres, mais conduisent ces relations au crime, qui est la forme ultime et (si l’on peut dire) incandescente de l’insensibilité. » Maurice Blanchot, La communauté inavouable, Les éditions de minuit, 1983



Xavier Lainé

31 mai 2024


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