Mois de mai sans relief
Loin de toutes protestations visibles
Quand je dis visibles
C’est médias dominants n’en disent rien
C’est comme s’il ne se passait rien
Ou
Lorsqu’ils en parlent
C’est avec un ton méprisant
Accusant les « semeurs de troubles »
D’être des ennemis
Voire même des « terroristes »
Quelle horreur
Mois de mai sans relief
Il me fallait souligner
Cet interdit de dire
Cet interdit du dire
Qui est le propre du néo-totalitarisme
Celui promu par jeunes dirigeants
Très « comme il faut »
Dont les vieillards cacochymes
Aimeraient faire leur gendre
Coincés en costumes trois pièces
Formatés aux grandes écoles
De défunte République
Défunte « res publica »
Affaire commune oubliée
Sacrifiée sur l’autel du saint profit
*
Nous sommes pourtant les enfants du dire
Humains qui sans parole perdraient leur dignité
Paroles dites
Paroles tenues
Voilà le cauchemar des arrogants
Convaincus de tenir dans la poigne de leurs dogmes
L’alpha et l’omega d’un avenir sans
D’un avenir sans parole
Donc sans humanité
Avenir portes et fenêtres fermées
Où doivent demeurer enfermées
Les paroles contraires
Celles qui s’ourdissent au plus secret des coeurs
Car c’est encore de coeur qu’il s’agit
Qui se soulève de nausée
Au spectacle de ce qu’ils font
De notre si belle planète
Leur avenir est dans la destruction
Au triomphe de leur puissance
Dans la guerre généralisée de tous contre tous
De toutes contre toutes
De tous contre toutes
De toutes contre tous
C’est leur seul horizon
C’est ici que notre devoir est de flamme
Pour préserver la parole et le dire
Nommer
Nommer même l’innommable
Pour qu’un jour peut-être
Nous puissions nous glorifier
Du beau titre d’humains
*
En guise de post-face :
« On ne peut donc jamais dire : il n’y a rien à voir, il n’y a plus rien à voir. Pour savoir douter de ce que l’on voit, il faut savoir voir encore, voir malgré tout. Malgré la destruction, l’effacement de toute chose. Il faut savoir regarder comme regarde un archéologue. » Georges Didi-Huberman, Ecorces, Les éditions de minuit, 2011
« Nous avons peur.
Nous sommes à deux doigts de crier au barbare, aux tyran, et d’ajouter du bruit au bruit, étouffant sous un seau de chaux vive et de cendres les petites braises encore vivantes de l’esprit. » Camille de Toledo, Le hêtre et le bouleau, éditions du Seuil, 2009
« L’apathie, l’impassibilité, le non-lieu des sentiments et l’impuissance sous toutes ses formes, non seulement n’empêchent pas les relations des êtres, mais conduisent ces relations au crime, qui est la forme ultime et (si l’on peut dire) incandescente de l’insensibilité. » Maurice Blanchot, La communauté inavouable, Les éditions de minuit, 1983
Xavier Lainé
31 mai 2024
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