vendredi 8 septembre 2023

Un été sur la Terre 16

 



XL-Un été sur la Terre



Un été sur cette Terre et dans le monde qui la mine, commence toujours dans un mouvement de colère.

Absurdes murs informatiques dressés entre humains qui ne se respectent plus.

Mépris des métiers pourtant jugés « indispensables ».

Parcours du combattant pour simplement être payé de son « travail ».

L’été est de plus en plus chaud sur cette Terre, mais ça se comprend : la colère chauffe, parfois momentanément déborde.

Mais rien ne bouge, rien ne change sinon toujours en pire.

Rupture nette de ce qui tisserait encore du lien, du commun.

Quand une société n’entretient plus ce qui relie encore les humains qui la composent, il ne faut pas s’étonner que les désertions se fassent en nombre !

Ce qui nous caractérise encore comme humains, sur cette Terre qui nous fait bien sentir sa colère, c’est notre capacité à créer du lien, du commun.

Rien à voir avec un mode d’organisation où chacun seul doit considérer l’autre comme un concurrent.

La concurrence de tous contre tous, de chacun contre tous n’est que le signe de notre suicide collectif.

Que le climat s’y mette et ce monde là se déclinera dans les livres de triste histoire.

Seuls pourront survivre ceux qui auront encore un peu le souci de ce qui nous relie, entre humains, avec le monde vivant qui nous accueille.

Ne pas comprendre cette équation, c’est nous précipiter dans un gouffre.


Poursuivez donc, individualistes de tous poils, poursuivez donc cette route sans issue !

Que vous soyez administratifs appliquant à la lettre des règles ineptes, « responsables politiques ou économiques » penchés sur la ligne de vos profits, vous ne serez pas sauvés par les lois que vous défendez !

Face à la révolte qui gronde, vos papiers et vos raisons d’Etat ne feront pas le poids.

La Terre ne regardera pas la nature de vos pouvoirs.

Elle vous laissera tomber dans le gouffre que vous aurez ouvert sous vos propres pieds.


*


Bien entendu, on me dira qu’il ne fallait pas.

Que ce n’était pas convenable de hausser le ton.

Pas convenable de dire ce qui est.

Pas convenable du tout.

Que je n’aurai donc pas de réponse.

Pas de réponse à ma requête.

Que pour être payé de ce qu’on fait, mieux vaut faire profil bas.

« Oui not’bon maître, oui not’Monsieur »

Jamais dire en face ce que tout le monde pense tout bas.

Ne jamais revendiquer de remettre l’administration sur ses pieds.

De revendiquer qu’elle soit au service du citoyen et non l’inverse.

« Oui not’bon maître, oui not’Monsieur »

Jamais 


*


Un numéro s’affiche que tu ne connais pas.

Tu hésites un instant, tu réponds quand même.

Voilà que quelqu’un, une voix te réponds.

Non, pas une des ces voix numériques au ton glacial, une voix.

Une voix de quelqu’un de vivant.

Une voix, une vraie, qui te propose de t’aider.

Qui ne fait pas que proposer, qui t’aide à trouver solution.

Solution dans les méandres d’une informatique sans humanité.

Que notre humanité soit suspendue à des lèvres numériques, voilà qui nous précipite un peu plus vers la gouffre ouvert.

Qu’une voix, une vraie te parle et modère ta colère, voilà qui rend un instant l’été sur cette Terre plus fréquentable.


*


 Et l’Eté brûlant ne modère point ses ardeurs

—° —

Dans le Midi de la France, la sécheresse cause même quelques inquiétudes pour les vignobles

—°—

(L’été en 1923 ; in Le cahier de vacances de Gallica)


Mais alors si déjà en 1923 ?

Quel progrès avons nous accompli tout ce temps ?


L’été sur Terre maltraitée, déjà en 1923.


Faire un retour arrière jusqu’au XVIIè siècle anglais…

Et peut-être découvrir les fautes commises par les avares et avaricieux ?

Découvrir ce que contenait déjà les grossiers appétits de nos esclavagistes forcenés, tirant les leçons de l’esclavage pour mieux berner leurs ouvriers en leur faisant croire que percevant salaire, ils étaient mieux considérés que les premiers.


Vertige de vivre assez longtemps pour constater la cécité orchestrée.

Les seuls convaincus de la lutte des classes, sont ceux qui en détiennent les rouages.

Les autres ne sont que négationnistes dont l’attention est détournée au profit des premiers.


Le problème est ici : les victimes des colères de la Terre ne seront pas du côté de ses responsables, mais du côté de leurs esclaves aveuglés.


*


Ici je butine…


Un petit tour chez Kenneth White : me sens géo-poète !


Un autre chez Edouard Glissant : me voici de ce Tout Monde.


Je crée un archipel de savoirs, une galaxie de questions, un foisonnement de réponses, toutes aussi insatisfaisantes.


Un jour je m’égare entre les pages  de Kropotkine, j’y bois, bien avant que David Graeber & David Wengrow ne s’en mêlent, la boisson évidente de l’entraide comme moyen du vivant de demeurer vivant.


Un autre je me glisse entre les pages de Morizot, en faisant un détour par la philosophie anarchiste, qui en soit n’est déjà plus telle, une fois proclamée cette identité.


Mes mots fermentent, dans la torpeur d’un été sur notre Terre trop longtemps sacrifiée.

Je vais et je m’égare, je suis les sentiers buissonniers, arpente des montagnes où l’esprit se coltine avec l’effort.

Je porte mon fardeau de voyage, ma résidence portative qui me permet de dormir n’importe où.

Je m’étonne d’être si vieux et si jeune pour aller, de mon pas tranquille, chargé comme un Sherpa, découvrir les lieux retirés, où me laisser gagner par le silence, mon complice en terre de poésie.



Xavier Lainé

16 août 2023


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