mardi 5 septembre 2023

Un été sur la Terre 13

 



XL-Un été sur la Terre



Je m’égare.

Par mégarde je m’égare.

Je croyais, naïf, trouver réponse.

Je l’ai reçue.

Sans appel, je l’ai entendue.

Rien de mieux qu’un savant patenté pour donner réponse.

Réponse comme condamnation définitive n’est point satisfaction du curieux.

Que m’importe qu’untel fut d’opinions répréhensibles.

Il n’empêche que son nom est là, avec plaque sur son domicile de naissance.

Si ses opinions furent tellement odieuses, il s’est trouvé maire et quidam pour célébrer dans ma ville sa naissance et sa célébrité.

Certes la célébrité…

Nous savons de quoi il en retourne : on brille un été au panthéon des bons bourgeois, mais c’est pour mieux disparaître de leur paysage au premier propos douteux.

La bonne bourgeoisie qui s’affirme historienne ou scientifique ne cherche plus à comprendre.

Elle déboulonne les statues mais ne va pas jusqu’au bout de ses actes.

Si une célébrité ne la méritait pas, à quoi bon en conserver la mémoire ?

Si donc, mémoire perdure, la science et l’histoire devraient s’allier pour en expliquer l’acte et la mémoire, non ?


Je m’égare.

Je m’égare par mégarde.

Je me pose les questions qu’il ne faut pas poser.

Je suis hors sujet aux yeux de bien pensants.

Ma curiosité à leurs yeux pourrait passer pour conversion.

Car, dans leur monde, chercher à savoir, à comprendre, c’est prendre parti.

Tout le contraire de ce que philosophie, science et histoire nous enseignent.

La curiosité aux yeux des biens pensants demeure un vilain défaut.

Un vilain défaut que je passe mon temps à cultiver.

Pour comprendre en quel monde, en quel été sur Terre je vis, je me dois de m’égarer, parfois par mégarde.

Puis la mégarde n’en est plus une, je m’égare volontairement, justement du fait de la condamnation sans appel de ma mégarde.

Me voici traversant un été sur Terre sur le rafiot du Hors-sujet.

Il y a des questions qu’on ne doit pas poser aux gens qui prétendent savoir.

C’est sans doute question de savoir vivre dans le beau monde.


*


J’irai avec mes valises

Mes baluchons

Mes sacs à dos

Visiter des vallées improbables

Histoire de contempler de plus près

Les cimes qui caressent tendrement le ciel d’azur


J’irai en ma résidence portative

Observer les pluies d’étoiles

Par dessus les frondaisons

Puis dormir loin du monde

Attendre sous un sourire de lune

Que l’aube effleure de ses doigts fins

Mes rêves bercés au rythme de mes pas


*


Mon plus grand étonnement : de vous voir si sereins par des températures étouffantes.

Comme si même vous arriviez, je ne sais par quel miracle, à vous réjouir de la souffrance de la Terre.

Tandis que le moindre de mes gestes me voit en nage, je ne suis bien qu’à l’ombre de mes volets croisés, parmi mes livres qui font un excellent isolant.

L’été sur Terre est la traduction de sa révolte.

Kenneth White parti, de quelle poésie pourrions-nous nous saisir pour attirer l’attention, crier au risque majeur avant qu’il ne soit trop tard ?


Sur mon avenue, la circulation se calme à peine.

Motos et voitures roulent à vive allure, font ronfler toute la puissance de leurs moteurs.

Quel frein mettre, quelle bride tirer pour au moins réduire cette folie ?


Je rêve d’un temps loin de ce temps, d’un temps réinventé où nous saurions reprendre notre place au sein de l’espace naturel sans chercher à en dominer la vie.

Mais je rêve, c’est tout ce que je sais faire, et secouer la tête de dépit au passage rugissant de vos mécaniques.



Xavier Lainé

13 août 2023


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