lundi 13 décembre 2021

Effeuiller les jours (Ou la vie sous contrainte) 11

 




C’est le jour où avant, tu t’asseyais prendre café en terrasse.

C’était avant.


C’est le jour où, entre deux répétitions, tu allais siroter une bière en observant les passants sur la place.

Mais ça, c’était avant.


C’est donc le jour où, même si tu le pourrais, tu refuses de faire usage du passe-partout que tous semblent trouver normal.

C’est d’ailleurs ce qui saute aux yeux : tu ne dois pas être le seul.

Les terrasses ne rameutent plus les foules.

Les affidés de la propagande sont finalement moins nombreux qu’il n’y paraît.


C’est un jour où tu marches.

Un jour où tu suis de braves vielles dames.

Un jour où tes oreilles, qui trainent toujours partout, les entendent :

- Tu as fait la troisième dose, toi ?

Silence gêné de l’autre.

Si même la vieillesse est accroc à sa dose, pas étonnant que le monde se mette à tourner au carré !


C’est un jour où tu traines un peu entre les rayons de bandes dessinées.

Un jour où, avec jeune et jolie, la conversation s’engage.

- Vous faites quoi dans la vie ?

- Infirmière !

- Ha ! Suspendue alors ?

Silence gêné. 

Comme quoi on peut être jeune est jolie mais soumise comme presque tout les monde.

Il faut vivre quoi !


C’est le jour où tu aimerais justement ne plus vivre ça.

Ne plus vivre sous l’épée de Damoclès d’un pouvoir qui abuse.

Ne plus vivre en pays dominé par ses peurs.

À commencer par la peur de soi-même, puisque par pouvoir médical interposé, plus le droit de s’assumer en bonne santé.

Toute personne est désormais un malade qui s’ignore !

… Et qui, du même coup, se rend malade, rien qu’à cette supposition : et si moi qui vais bien, j’étais porteur de l’infamie virale qui contaminerait plus fragile que moi ?


C’est le jour de cette apothéose.

Un monde où le pouvoir appartient aux Diafoirus qui s’en vont par les rues, courant après leurs patients :

- Votre dose, votre dose, vous dis-je ! Sans votre dose point de salut en ce monde sous contrôle !

N’imaginez donc pas une vie sans contrôle !


C’est le jour où ton pas se fait rageur.

Où tes yeux lisent moult ouvrages qui pourtant disent les mêmes choses que toi.

Que la vie est bien plus que ce que nos contrôleurs en prétendent.


C’est un jour où même si tu pouvais tu ne ferais pas usage d’un passe partout, pour la seule revendication de vivre hors de cette banalité du joug que tous, lentement mais surement, semblent accepter.


C’est un jour où tu retournes vite entre tes parenthèses de liberté.

Où tu refuses de plonger dans les eaux glauques d’une qui serait sans relief, vidée de son sens.


Xavier Lainé

1 commentaire:

  1. La liberté est où n’est pas.
    Tu ne te soumets pas, tu es libre.
    Le reste n’est qu’une prison qui ne dit pas son nom et qui revêt en ces temps la figure d’un pass. Le pass c’est l’impasse. D’ailleurs la langue française est merveilleuse...elle dévoile tout : un pass.

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