dimanche 30 juin 2024

Un goût amer 6

 





L’insupportable qu’il te faut supporter quand même

Alors tu éteins le poste pour ne pas subir

Les stupides amusements de gens qui vont droit sur le mur

Et chantent encore leurs cantiques au progrès sans limites


Insupportable litanie à l’approche de l’été

Insupportable bonheur qui atteignent les sommets

Dans l’indifférence la plus totale

De la tragédie en cours sous nos yeux


Tu éteins le poste

Tu préfères le silence au bruit des fausses joies

Au tumulte des stupides plaisirs

Qui nient ce que la vie montre de plus cruel


*


J’avoue

J’avoue ne plus pouvoir écrire 

Ce que certains pourraient nommer « poésie »

Qui se vendrait sur un « marché »

Qui pour les besoins de ses lois

Qui ne sont que de commerce

Se met à interdire poésie d’un peuple

En proie à génocide


J’avoue 

J’avoue ne plus pouvoir supporter

Les hypocrisies d’une « culture »

Qui se trouve bâillonnée

Pour les besoins d’un « commerce »

D’où toute parole contraire serait exclue


J’avoue

J’avoue me moquer éperdument

De savoir si ce que j’écris

Relève de la notion bourgeoise de « poésie »

Ce monde devenu proie facile

Sous le joug des ignorances et des censures

Pour la poignée d’individu

Ayant rompu d’avec l’humanité


Je m’en moque

D’être lu et compris

Je me moque que mon nom signifie quelque chose pour quelqu’un

Je refuse que mes mots comme lui 

Soient trainés dans la boue de ce siècle

Capable de vaquer à ses petits soucis quotidiens

Tandis qu’on crève devant sa porte

Capable d’ergoter en longs discours « cultivés »

Tandis que sous ses yeux 

On tue des enfants innocents


J’avoue

J’avoue ne plus supporter cette tragédie

D’entendre vos rires insuffisants à couvrir

Le cri des victimes de tous les crimes

Contre notre humanité non encore acquise



Xavier Lainé

6 juin 2024


samedi 29 juin 2024

Un goût amer 5

 





Toujours je m’inquiète

Pour le monde en général

Pour vous en particulier


Vous n’en savez rien

Mais je m’inquiète

Vous êtes si nombreux

En cet état précaire


Je m’inquiète

Je cherche à m’en défaire

Mais cette inquiétude me poursuit

Jour et nuit je vous suis

Je m’interroge sur mes actes

Sur ce que j’ai fait

Sur ce que j’aurais pu faire

Pour vous rendre la vie

Au moins

Un peu plus supportable


Je m’inquiète

Je n’ai pas le savoir

Je ne sais rien de ce que notre état de vivant

Nous réserve comme surprises

Ce qui jaillit d’une relation d’entraide

Je ne sais pas


Alors je m’inquiète de mes insuffisances

De mes mains malhabiles 

De mon savoir si maigre



Xavier Lainé

5 juin 2024


vendredi 28 juin 2024

Un goût amer 4

 





Je dirai le temps qui toujours manque

J’entendrai vos discours moralisateurs

Me disant qu’il est toujours possible

De le trouver quand on veut

Certes


Mais quand vous ouvrez un oeil fatigué

Devant la liste interminable des tâches

Nécessaires pour tout simplement ne pas

Ne pas se noyer ne pas tomber sous la charge

Ne pas


Je préfère ne pas

Ne pas énumérer ici les heures passées

À compter pour éviter la déroute

Je préfère ne pas


C’est tellement banal et si peu poétique

Cette lutte de chaque jour et de chaque heure

Pour ne pas


*


J’ouvre ma boite aux lettres

J’y trouve une liasse électorale


J’y découvre qu’en notre beau pays démocratique 

On peut ouvertement mener campagne raciste et homophobe

Sans qu’aucune plainte des « défenseurs des droits de l’homme » ne soit déposée


Je me dis que peut-être je devrais

Mais que vaudrait ma plainte solitaire

Devant le rouleau compresseur

Qui invite tout un peuple

À confier son âme au diable 


Je devrais pourtant

Au nom de la justice

Au nom de la mémoire

Au nom de mes enfants et petits-enfants

Qui vont devoir marcher

Au pas cadencé de l’ordre fasciste


Je prends le risque de l’écrire

Depuis trop longtemps et de tous bords

On a laissé la gangrène gagner le pays

À commencer par ceux qui n’ont jamais cessé

De répandre la misère économique 

La misère sociale

La misère culturelle


Je ne voudrais pas attendre

Le verdict du tribunal de l’histoire

Tandis que chaque jour

Tant d’âmes se perdent

Par ignorance ou rancoeur


*


Ce à quoi j’assiste, médusé :

La dissolution de toute ce qui nous fait humains

Dans les miasmes et la fange des profits d’une poignée d’individus

Qui ont depuis longtemps rompu avec la vie commune.



Xavier Lainé

4 juin 2024


jeudi 27 juin 2024

Aux luttes, citoyens, sortez de vos réserves, éradiquez vos peurs !

 




C’est aussi travail de mémoire que d’aller voter

C’est travail de culture et d’ouverture

Non de fermeture et de rancoeur

Un travail de citoyen qui agit au quotidien

Mais aussi dans les urnes avec intelligence

En cultivant la clairvoyance 

Ôtant les masques qui savent se vendre

Sous visages avenants

Mais ne proposent que poudre aux yeux

À ceux qui s’y laissent prendre

(Notre histoire récente en a fait la triste expérience)


Alors…


Alors tu sais

Je vois monter la haine depuis si longtemps

Depuis si longtemps j’invite à ne pas flancher

À ne pas prendre ce qui est délictueux 

Pour des idées honorables

Je vois venir depuis si longtemps

Cette suspicion et ces doutes

Tandis que la misère au ventre

Vont ceux que je soigne sans illusion

Car comment aller bien quand tout va mal


Alors tu sais

Je ne peux que glisser dans l’urne

Un bulletin d’espoir encore

En notre humanité commune

Un bulletin qui s’oppose à la banalité du mal

Qui honore Hannah et laisse Pétain à son enfer

Un bulletin qui trace une route nouvelle

Visant à réparer ce qui a été détruit

Par de jeunes ignorants nourris

Au biberon du profit


Alors tu sais

Mon front a moi

Il a goût d’hommage aux résistants de toujours

Il demeure fidèle au mouvement de mes ancêtres

Apatrides malgré eux mais devenus français

Pour cultiver la mémoire de Voltaire Hugo ou Rousseau

Par goût d’appartenir au pays des droits de l’homme

Par hommage aux révolutionnaires de 1848

Suivant les pas des communards au risque de l’exil

Sous la férule des versaillais qui pointent

Sous le triste masque du rassemblement de la haine


Alors tu sais

Je glisserai dans l’urne

Un bulletin main tendue

À tous ceux que ce monde opprime

Pour qu’ensemble nous fassions oeuvre humaine commune

Pour que « plus jamais ça » ne soit pas un vain mot

Ou qu’un discours de circonstance

Mais un chemin tracé ensemble vers plus d’humanité


Alors tu sais

Je ne me tromperai pas de cible

Je ferai effort pour comprendre

Ce ras-le-bol qui est tien devant l’accumulation des injustices

Devant la peur instituée en mode de gouvernement

Avant même que la bête immonde masquée 

Sous les traits avenants d’une jeunesse ignorante

Ne menace de prendre avec le pouvoir

Celui de brimer un peu plus nos libertés élémentaires

Je ferai effort pour comprendre ton dépit et ta colère

Sans pour autant accepter que tu te livres sans un regard

Aux pires résurgences d’un passé si douloureux


Mon bulletin dans l’urne

Dont je pense qu’il n’est qu’un maigre pouvoir

Quand il nous faut chaque jour repousser

Avec l’énergie du désespoir la suspicion qui nous gagne

Car l’élu qui prétendait faire barrage

N’était qu’une digue de pacotille

Prêt à ouvrir la porte au mufle hideux de la haine

À la première occasion qu’il aurait créée

Nous y sommes

Il nous reste un maigre bulletin

Pour ne pas sombrer pour longtemps


Alors il ne s’agit pas seulement de faire barrage

Mais de renforcer les digues à grand renforts de nouvelles espérances

Espérances qui seraient notre oeuvre commune

Tournant le dos aux forces du passé


Et l’espérance ne suffisant pas à nous rendre humains

Ce sont nos manches qu’il faut retrousser

Pour nous mettre à l’oeuvre sans attendre

Construire les digues infranchissables

Aux délits de xénophobie racisme et homophobie



Xavier Lainé

27-28 juin 2024