Patience & langueur des temps 6

 

XL-La femme assise, Karl-Jean Longuet (1922)

Bien sûr vents debout

Ils s’en vont combattre fièrement les idées rances

Bien sûr

Mais seulement après

Avoir soufflé sur les braises

En avoir banalisé l’existence

Bien sûr vents debout

Ils s’en vont guerroyer contre les mufles hideux

Bien sûr

Mais cinquante ans après

En avoir accepté le jeu pervers 

Sous le mauvais masque

Du mot « démocratie »

Vidé de tout sens

Bien sûr vents debout

On s’offusque de voir monter

La gangrène et la peste

Après en avoir adopté

Le vil profil 

Bien sûr

Bien sûr

*

Alors j’ouvrirai mes pages

À tous ces mots inconnus

Prononcés dans des langues

Dont je ne comprends pas les subtilités

Je serai là

À l’écoute d’un monde

Qui dit les mots du coeur

Et les décline

À l’infini

Des lèvres

Des gorges déployées

Ils me diront la souffrance et l’amour

Et la délivrance aussi

Lorsqu’une oreille se fait attentive

À leur chant sans véritable destinataire

Je me contenterai d’être là

Assis sur la pas de ma porte

À attendre et entendre

Les douces mélopées

Les sourdes complaintes

Que les humains savent composer

Pour dire leur étonnante migration

Les souffrances qu’ils s’imposent eux-mêmes

Ce seront des chants d’espoir 

Lancés sous les étoiles compatissantes

Nous saurons un jour nous libérer du joug 

Posé sur nos épaules par les pires d’entre nous

Xavier Lainé

6 septembre 2023

Patience & langueur des temps 5

 

XL-La femme assise, Karl-Jean Longuet (1922)

Patiente femme nue

Au parvis de la place

Qui attend sereine

Quelque chose qui ne vient pas

*

J’ai voyagé

Certes pas très loin

Suivi le long cortège de ceux

Qui s’en vont chaque matin

En chaque grande ville

Rejoindre leur labeur

Lourde pagaille

Fastidieuses attentes

Xavier Lainé

5 septembre 2023

Patience & langueur des temps 4

 

XL-La femme assise, Karl-Jean Longuet (1922)

Je rentre en Terre de lassitude

Les discours vont bon train

Mais le train des mesures 

Est en retard

Je rentre en Terre de lassitude

Aimerait poursuivre l’art de la lecture

À l’ombre d’un temps retrouvé

* 

Je vous admire

D’oser parler d’amour

Quand

En tant d’endroits

L’amour est absent

Je vous admire

D’oser parler de tolérance

Quand

En tant de lieux

La tolérance s’efface

Je vous admire

D’oser parler de compréhension

Quand

En tant d’espaces

La compréhension est vain mot

Je vous admire

D’oser parler de paix

Quand

De partout monte

Le bruit des bottes et des bombes

Je ne cesse de vous admirer

Moi

Je n’ose plus

Sans doute par épuisement

Je n’ose plus

Me heurtant depuis si longtemps

Aux murs

De la haine

De l’intolérance

De l’incompréhension

Des guerres et violences en tous genres

*

Il suffit parfois d’ouvrir la porte

La bonne porte s’entend

De pousser un peu

Pour découvrir 

Qu’au coeur même de ce monde

Bien d’autres vivent cachés

*

Tentation du désespoir

Lorsque tant de regards passent

Indifférents au jeu d’un monde

Courant à sa perte

Tentation du désespoir

Lorsqu’enfermés dans la fatalité

Vont les esprits privés et dépossédés

Rendus incapables d’imaginer leur monde

Tentation du désespoir

Ne pas y céder

Dresser les barricades de mots

Pour conjurer les tristes vagues

Submergeant de leur indigence

Les esprits encore en alerte

*

Vis

Prends à bras le corps 

Destin et sortilèges

Accueille ce qui vient

D’amour et de tendresse

D’élan des bras 

Du corps et du coeur

À coeur battant

Jamais ne cesse d’aimer

Xavier Lainé

4 septembre 2023