lundi 20 février 2023

Homme (ou femme) mais humains (peut-être) 1

 


XL - Enigmatiques assises 1


L’humain⁠1 de février arpentait les rues et parlait.

Il disait toute l’amertume d’oeuvrer à la fonction commune mais sans retour gratifiant.

Il criait sa douleur de devoir vivre chichement en travaillant tellement qu’il ne sentait plus son corps au crépuscule.

Il sentait d’ailleurs ce crépuscule le saisir dans ses froides tenailles.


L’humain de février par lassitude s’asseyait sur le pavé gelé.

Il tendait une main tremblante aux passants indifférents.

Il dormait comme il pouvait, où il pouvait.

Il ne croyait ni en Dieu ni en diable mais chaque soir sous un porche, il priait pour être encore en vie le lendemain matin.

Car Février avait sorti ses griffes et ses gelées mordantes.

Il est tellement naturel, ce froid hiver.

Il est tellement moins naturel que dans un pays prétendu riche, des hommes et des femmes de février grelottent sous les porches.

Il est tellement moins naturel que d’autres passent, leur panier à provision à bout de bras et feignent l’indifférence devant les mains tremblantes.


L’humain de février rejoignait ses ami(e)s sur les boulevards.

Une banderole lui tenait la tête haute.

Il n’était donc pas si seul, l’humain de février.

D’autres, s’ils ne grelotaient pas encore dans la rue, tremblaient d’effroi devant la chute brutale, non du thermomètre mais de leur capacité à payer ce qu’ils doivent.

C’est un miracle des siècles d’injustice que de devoir d’autant plus que vous gagnez moins.

Et certains, inhumains passant devant l’humain de février ironisaient sur cette chute mortelle d’un piédestal social si souvent branlant.


L’humain de février ouvrait les yeux aux aurores, heureux d’être encore vivant.

(1er février 2023 — 1 — 6h46)


*


L’homme comme la femme de février, outre greloter et contempler son panier à provision qui s’amenuise, doit affronter le mépris de classe d’un monarque qu’il a laissé élire par dépit.

Il faut reconnaître à l’homme comme à la femme de février qu’en l’espace de cinquante années, peu de choses ont été faites pour leur faciliter la vie.

Au contraire même, on dirait qu’il y a, de la part des monarques successifs, un savant plaisir à compliquer la vie de ceux qu’ils considèrent de haut, comme n’étant rien ou pas grand chose.

Il va de soi qu’en cinquante années de turpitudes et de déceptions, la tendance au repli et l’isolement protecteur est un réflexe compréhensible.


L’humain de février donc, a appris depuis fort longtemps et à ses dépends qu’il n’a rien à attendre de personne et surtout pas d’un Etat au service des inhumains qui se l’accaparent.


(1er février 2023 — 2 — 9h17)


Xavier Lainé



1 J’avais écrit « l’homme », mais alors pour satisfaire aux couleurs du temps, il m’aurait fallu, pour ne pas être accusé de sexisme, ajouter « ou (et) la femme ».

J’ai hésité, procrastiné, puis j’ai changé pour mettre « l’humain » à la place de tous les genres.

Mais peut-être viendra-t-on me reprocher de ce masculin du genre humain que je n’arrive pas à contourner.

Me faudra-t-il ajouter « les humaines », pour satisfaire à la platitude de l’extinction des genres ?

Je ne sais pas. Je suis d’accord avec l’idée de ne pas privilégier un genre sur un autre, mais la langue me joue des tours.

Alors peut-être me faudra-t-il un jour m’abstenir d’écrire pour ne pas qu’ »iels » me tombent dessus ?

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