samedi 8 mai 2021

Les pieds dans le plat

 



Le printemps a des allures d'arbre mort.

Je sais, je ne devrais pas.

Je ne devrais pas écrire ce qui fâche.

Je ne devrais pas mettre les pieds dans le plat, 

ni jouer les empêcheurs de tourner en rond

dans le bocal hors sol des dictatures soft.


Le printemps a des allures d'arbre mort,

mort exsangue en Palestine ou en Syrie

mort Ouïgour dans les camps modernes de la mort

mort en Colombie d'avoir trop voulu sourire et puis vivre


Je sais, je ne devrais pas.

Je ne devrais pas vous jeter sous les yeux,

le résultat tangible et visible de nos petites indifférences

de nos soupirs d'impuissance : je ne devrais pas vous fâcher

dans le doux matin d'un printemps d'arbres morts

morts de soif et morts d'avoir voulu vivre.


Je ne devrais pas, dès votre petit déjeuner

gâcher vos tartines et votre beurre

avec la tristesse d'un monde d'où l'humanité s'est enfuie

tandis que vous alliez avec écharpe tricolore

vanter les mérites de vains patriotismes

vaines fiertés mal placées quand,

quelles que soient les guerres et les cultures,

ce sont toujours les mêmes qui souffrent et tombent,

le nez dans le ruisseau, sans que Rousseau n'y puisse rien


Pardonnez-moi de vous faire fuir devant mes âpres mots. 

Mais si vous arrivez encore à dormir 

quand on crève si près de chez vous,

je n'écris pas pour vous.

J’écris pour les âmes sensibles

celles propres à la révolte et à l'insoumission :

pas celle qui trône comme une marque déposée

aux vaines assemblées qui ignorent le peuple.

Celle qui se révolte et se réveille mutilée,

dans les geôles de prétendues démocraties.


Mes mots roulent en cascades 

mes mots se voudraient barricades

mes mots se voudraient remparts

douce protection pour tous les délaissés de l'histoire.


Xavier Lainé


9 mai 2021



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