mercredi 27 novembre 2024

Temps étranges 31

 





Lorsque tes mains se posent

Elles sentent

Elles écoutent


Parfois il y a ce filet de vie

Qui se dessine sous la peau

Se faufile entre muscles et squelette

Font que c’est comme un courant

Qui passe dans tes mains

Suit à la trace les accidents de parcours


Parfois tu restes silencieux

Comme le corps entre tes mains

Qui résiste et se défend

Ne laissant aucune place

Au fil de vie pourtant là

Caché quelque part 

Dans les traces et strates laissées

Par une vie qui ne fait que rarement cadeaux


Lorsque tes mains se posent

Elles cherchent

Ne cherchent pas à comprendre

Juste à sentir

Parfois les mots sont maigres

À évoquer ce qui se trame

Dans leurs paumes attentives

Si souvent on te demande

D’expliquer cette chose inexplicable

Qui est comme un flot vivant



Xavier Lainé

31 octobre 2024


mardi 26 novembre 2024

Temps étranges 30

 





De tes lèvres ne sortent que des silences

Le jour se passe

Que tu tentes de traverser

Dans un grand geste d’humaine compassion


Au crépuscule d’automne

Tu demeures coi

Sur le bord du chemin

Les mots te manquent

Ne te reste que le martèlement du monde

Qui ne cesse de se déchirer

Sous les innombrables jougs

Posés serrés pour qu’il étouffe


Tes lèvres énumèrent

La longue liste des tragédies

Mais c’est juste pour rappeler

À ceux qui désespèrent

Que la vie à plus d’un tour dans son sac

Encore faut-il ne pas céder

Sous les mauvais coups

Qui ne tiennent pas du destin

Mais du cynisme d’une frange infime

De l’humanité sous domination



Xavier Lainé

30 octobre 2024


lundi 25 novembre 2024

Temps étranges 29

 





Tu aimerais pouvoir expliquer

Ce qui dans nous autres êtres vivants

Parmi tous les êtres vivants

Qui de ce point de vue sont nos semblables

Mais différents 

Ce qui fait que rien ne se perd de la vie

Si tu te mets en posture d’apprendre


Tu aimerais pouvoir expliquer

Ce que deux mains posées sur une vie

Lisent de ce qui n’est ni dit ni écrit

Mais pourtant se traduit

En multiples crispations

Te rejetant hors toi-même


Tu aimerais

Expliquer ces choses

Qui ne s’expliquent pas vraiment

Sauf à couper chaque être

En infimes parcelles 

Qui perdent alors tout lien

Avec ce qui nous fait vivants

Justement vivants

Donc toujours pétris 

De nouveaux mondes possibles



Xavier Lainé

29 octobre 2024


dimanche 24 novembre 2024

Temps étranges 28

 





Tu pourrais…

Je ne sais pas

Moi

Mais tu pourrais


Vaudrait mieux te taire

C’est ça

Oui

Te taire

Pour ne pas…


*


Mais quand même

Te voilà invité

Alors tu causes

Puis te tais

Tu ne le sens pas

Ce mot qu’il faudrait dire

Au moment propice

Tu ne le sens


*


C’est partout la même plainte

Les passionnés découragés

Dans un monde incapable

De les soutenir



Xavier Lainé

28 octobre 2024



samedi 23 novembre 2024

Temps étranges 27

 





Lâche oui

Lâche d’arriver en bout de vie

Avec amertume


Paranoïaque sans doute aussi

À voir tant d’acharnement

Pour rendre vie impossible


Certes tu pourrais

Ou pas

Si souvent pas


Car enchaîné

Sous la coupe

Les liens toujours plus serrés


De quoi faudrait-il te libérer

Sinon de tous liens

Qui t’étouffent et t’emprisonnent


Alors


Lâche oui

De cette lâcheté commune

À celles et ceux enchainés par la vie


Et l’habitude des contraintes

Est une chaîne plus sûre

Que toutes les prisons



Xavier Lainé

27 octobre 2024


vendredi 22 novembre 2024

Temps étranges 26

 





Relégué dans l’ombre du monde

Puisque sur le devant de la scène

Pérorent les fiers d’eux-mêmes

Qui ne savent pas grand chose

Au dilemme de la création


Alors ils parlent de culture

Comme d’un produit commercial

Gèrent les lieux de culture

Sur des critères comptables

Ne savent de l’art que sa gloire


Ils réunissent autour d’eux

Ceux qui approuvent leurs projets

Éliminent sans vergogne les artistes

Qui ne se croient pas artistes

Mais ne peuvent s’empêcher de créer


N’adhérant pas aux vues étroites

Tu vis en relégation entre tes murs

Au milieu de tes livres de connaissance

Qui ne te donnent aucun droit de parole

Car tu n’es sûr de rien


Sûr de rien

Ombre parmi les ombres

Proie rêvée des langues de vipères

Qui ne prennent pas le temps de te connaître

Mais déjà te jugent et vitupèrent


*


Toujours tu écris dans la marge de ce monde

Les codes d’accès oubliés

Tu n’as pas même l’intention d’y pénétrer

Pas l’envie non plus


À chacune de tes sorties

La violence des comportements devient palpable

Alors tu tentes de te protéger

Pour garder encore un peu la tête froide

Ne pas te laisser gagner 

Même si parfois

D’un coup de klaxon bien senti

Tu ne peux t’empêcher de protester


Tu ne te sens pas intégré

Dans cet univers du chacun pour soi

Où chacun tire gloire

De l’écrasement de l’autre

Jugé à priori comme étranger

Étranger comme nous le sommes tous

Sur cette planète que nous piétinons

Du haut de nos idées de « progrès »



Xavier Lainé

26 octobre 2024