mardi 26 octobre 2021

Peindre dans l’air du temps (trilogie) Tome 1 - Théodore entre deux temps 27

 



Le baiser - Théodore Géricault




Tu vois, je perds pied, parfois je m’absente, je n’arrive plus à suivre.

Une vie si courte et tant d’oeuvres léguées à la postérité.

Un tel jaillissement en phase totale avec ton monde.

Tout juste trente années avant que la camarde ne t’emporte.

Le dix-neuvième siècle jaillit des ruines d’un passé agricole, aristocrate.

Tu en mesures mais moins qu’Eugène la folie.

Ça viendra.


Nous sommes nous à l’autre bout de cette démesure.

A l’autre bout d’une chaine qui d’un trop plein donne naissance à du vide.

Nous ne savons plus très bien de quoi remplir nos existences.

Alors on va par milliers contempler ton radeau de la Méduse.

Voyons-nous le symbole ironique posé là sur le mur d’un musée ?

Sommes-nous à ce point vidé de notre substance que nous ne savons plus lire sur la toile, la folie qui gagne ?

Qui s’intéresse encore vraiment à toi, Théodore, peintre de cet intermède entre un monde et un autre.

Les monstres sont là pourtant qui nous regardent.


Nous arrivons au terme de cette démesure.

Regarde, Théodore, nos vies qui s’étiolent sur une terre épuisée.

Regarde ces gens qui fuient sur combien de radeaux d’infortune et que nous n’avons même plus la dignité de voler à leur secours.

Combien de radeaux de la Méduse, combien de capitaines de pays qui ne seront eux jamais jugés à l’instar du capitaine de la frégate Méduse.

C’est ce qu’il nous faut apprendre à lire dans les regards affolés de ta toile devenue célèbre, mais qu’on ne fait plus que regarder en passant.

Nous ne savons plus lire, Théodore, dans les symboles pourtant brandis sous nos yeux.

Tu ne fus sans doute pas le premier à vouloir nous ouvrir les yeux.


Xavier Lainé


28 juillet 2021 (1)


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