mercredi 1 avril 2020

Jour 13 : dispersion des confins



Dans cette multiplication de confins, nous sommes comme des îlots qui n’ont pas encore trouvé ce qui les relie.
Nous n’avons pas trouvé les points, les souterrain où notre liberté pourrait cheminer sans être vue, ni détectée par les antennes des totalitaires du marché central.
Dans le confinement, lentement s’élaborent les mises en relation propres à voir germer le monde de demain.
Celui qui ne nous verrait pas retomber dans l’ornière du passé.
Nous connaissons l’impasse de laisser nos vies décidées par délégation de pouvoir.
Nous connaissons celle de vouer nos vies à un consumérisme qui sacrifie la terre, les espèces et sans doute la vie elle-même (bien qu’il soit possible de parier que finalement, elle pourrait s’en remettre : il suffit de voir comment grâce à ce confinement déjà, l’air devient plus respirable, le ciel plus clair, les oiseaux plus nombreux).
Grâce à cette réclusion involontaire, nous mesurons aussi combien produire sans passion ne faisait qu’accroître notre dépendance à votre monde, celui qui nous maintient dans le rien de vos confins décrétés.
Si seulement cette méditation imposée pouvait nous aider à trouver les passerelles virtuelles pour faire de nos îlots de confinement des archipels de beauté et de bonheur !

Les enfants pédalaient dur histoire de dépenser une énergie confinée.
Vous étiez si jolie qui couriez autour de vos immeubles avec petit sourire à la clef à chacun de vos passages.
D’autres allaient et venaient. Nul besoin de parler, il s’établissait de regards en regards des passerelles de complicité.
Jusqu’ici nous ne trouvions jamais le temps de nous croiser. 
Peut-être voici jaillir, d’un instant d’après-midi, les archipels complices d’où pourraient naître nos vies renouvelées ?
C’est ainsi que les confins ne sont jamais verrouillés derrière des frontières. 
Ils ne sont que pointillés sans étanchéité.
Ils autorisent la libre circulation de la parole et des rêves.
C’est ainsi, dans cette libre circulation des regards complices que nous grandissons en humanité.
Si nos voix ne se mêlent pas encore, de confinement en confinement, pour entonner le chant qui proclamera notre libération, c’est que nous n’en sommes qu’à l’échange de timides sourires.
Il faut du temps pour réapprivoiser voisins et voisines, trouver langage qui sache se nouer par delà les distances qui nous isolent.
C’est un lent apprentissage, d’ouvrir les murs maîtres qui nous confinent, de lancer passerelles de fenêtres en fenêtres jusqu’à nous rejoindre, par juste sympathie ou possible amitié ou amour.
C’est un lent processus. Il aura fallu la crainte d’un tout petit virus pour nous rejeter des avenues que nous occupions, aux confins où nous habitons. Il aura fallu quelques jours à peine pour que déjà nos lèvres esquissent des sourires lors de nos fortuits croisements.
La lumière qui brille dans les yeux qui savent se reconnaître ne peut être simple étoile filante.
Elle est ce ponton qui nous permettra d’accoster sur les rives d’un lendemain qui ne devra plus ressembler à rien de connu.
Nous ne savons pas ce qui pourrait venir ou advenir. 
On nous dit que le tout petit virus pourrait avoir raison de nos vies fragilisées par les microparticules d’un système allergène.

Nous changerons de mode de production, il le faudra : ne plus se satisfaire de cette vie de néant qui conduit à la destruction de toute vie. 
« Produire (travailler)selon les lois de l’utilité, mais que cet utile ne serve à travers tous qu’à la personne de la poésie. (Valable pour un, un encore, un ensuite, un tout seul… Ah ! S’efforcer ici de n’être pas nouveau - fameux - mais de retoucher au même fer pour s’assurer de son regain guérisseur.) »
René Char, Recherche de la base et du sommet, A une sérénité crispée


28 mars 2020

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