Au total ne pas prendre pour sérieux ce qui ne l’est pas
Avant d’écrire il me faut chaque jour renouer le fil
Non avec ce qui précède où viendra
Mais avec moi-même
Tremper ma plume en mon propre coeur
Suivre les méandres de mon âme indécise
Sans jamais pouvoir en découvrir les contours
Puisqu’elle vit et vibre en des abîmes
Où parfois nulle lumière ne lui parvient
Renouant le fil constater
Que trop souvent le monde ressemble
À des abysses profonds où vivent d’étranges créatures
Elles me frôlent
Puis m’entraîne par le fond
Il me faut tourner les pages plus vite
Capter l’essentiel du texte
Pour couper le cordon qui me relie
À leur force prodigieuse qui me tire
Puis vite remonter à la surface respirer
Avant que de leurs tentacules gluants de conviction
Elles ne me reprennent et m’entraînent par le fond
Il me faut reconnaître que les instants de respiration
À la surface lisse où apparaît le ciel bleu
Se font de plus en plus brefs et rares
C’est pourtant dans la respiration qu’écrire prendrait un sens
Sans me donner la moindre permission d’avoir raison
*
Dis
Papa
C’est quand que tu seras écrivain
Faudrait d’abord savoir ce que c’est
Mon fils
Faudrait savoir
Et
Faute d’être « écrivain »
On peut rester « écrivant » toute une vie
Quelle importance
Pourtant ce serait bien
Papa
Que tu sois écrivain
J’en connais un
Il est venu dans notre classe
Il était très fier de ce qu’il écrivait
Il nous a dit d’écrire comme lui
Il nous a montré
C’est bien mon fils
Que tu aies eu cette chance
D’en rencontrer un
Ça m’est arrivé aussi
Mais
Je n’ai jamais su écrire comme eux
Alors au lieu d’être « écrivain »
Écrivant comme un écrivain
Je suis resté « écrivant »
Écrivant comme je peux
Xavier Lainé
16 mars 2024
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire