Alors je suis resté en panne
Là
Sous la pluie bienfaisante
Des nuées noires roulaient dans la nuit sans fin
Je ne trouvais pas mes mots
Je restais sans voix
Sur le bord de ce chemin creux
Mes oreilles aux aguets
Écoutaient et entendaient
Un murmure gagnait la Terre
Un murmure mêlé de plaintes
Un chant montait qui disait
D’une voix rauque
Toute la tragédie d’exister
De se savoir en devoir de devenir
Humains tournant le dos aux pires
Tournant le dos
Aux empires
À ce que certains nomment
Civilisation
Construite dans le sang et la sueur
Des esclaves plus ou moins consentants
Alors je suis resté en panne
Là
Sous la pluie bienfaisante
Du bord de la route
Je faisais signe
Mais vous passiez sans ralentir
Peut-être même ne me voyiez vous pas
L’attention tellement fixée
Sur vos impératifs de survie
Sous le joug millénaire
De la mâle domination
Sous cette pluie battante
J’écoutais
J’entendais
Les sourdes plaintes ancestrales
Des esclaves plus ou moins consentants
Les mots montaient en chant
En hymne à la mémoire des riens
Des laissés pour solde de tous comptes
Dans la marge des empires
Des fortunes colossales
Inutiles paravents
Masques de perversité
Posé sur les mufles hideux
Qui faisaient leurs choux gras
De l’exploitation sans limite des autres
Et l’autre à leurs yeux n’avait rien de semblable à eux
L’autre était cette variable d’ajustement dans les lignes
D’un chiffre d’affaire honteux
Moi
Perdu sur le bord de la route
Sous la pluie battante des détresses
Mon chant puisait à cette source
Celle où notre humanité commune se reconnaît
Hors des coffres et des bonnes fortunes
Xavier Lainé
10 février 2024
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