mercredi 7 juillet 2021

Il n'est pas de sauveur suprême

 




Il est salutaire de ne plus croire au moindre sauveur suprême.

De ne rien attendre que tu n’aies construit de tes mains et intelligence.


Il est salutaire de ne plus prendre vessies des beaux discours,

Pour lanternes magiques qui te plongent un peu plus dans l’obscur.


Il est salutaire de ne plus suivre les idées des autres mais les tiennes.

De ne plus gober comme vérité des convictions surfaites.


Il est salutaire de te faire ta propre opinion sur toutes choses.

Sur toutes choses et même sur leur contraire pour ne pas stagner.


Il est salutaire de prendre le large, de ne pas marcher du pas imposé.

Pour ne pas tomber dans les précipices ouverts sous ton pas aveuglé.


Il est salutaire de ne pas prendre pour lumière ce qui n’est que projection

Sur le mur d’une caverne qui se fait geôle à qui refuse d’apprendre.


Il est salutaire donc de ne pas voter si tes opinions se trouvent bafouées

Lorsque l’urne s’ouvre sur le vide abyssal d’existences de misère.


Il est salutaire de mépriser ceux qui, du haut de leur pouvoir

Te traitent comme esclave, se moquent de ta pauvreté qu’ils affament.


Il est salutaire de ne plus aller où les panneaux te disent d’aller.

De refuser les publicités mensongères qui te promettent un autre avenir.


Il est salutaire de ne plus croire en un avenir radieux et lumineux

Lorsque depuis des années les promesses son si vite rangées et oubliées.



Xavier Lainé


29 juin 2021


mardi 6 juillet 2021

Pas de colère

 




Pas de colère non.

Juste une colérique compréhension des évènements.

Du résultat d’une absence de travail.

D’une absence, tout simplement.


Tellement englués dans le système.

Comment y voir clair et remettre en cause ton petit confort.

Ta petite maison acquise à fort surendettement.

Tes petites vacances payées par ton esclavage aux crédits.


Beaucoup ont déjà tout perdu.

Quand il ne reste rien, plus rien à perdre, demeurent les bases de la révolte.

Ça couve dans les sous-sols de ce monde.

Il n’y a pas que les volcans, les vrais qui se réveillent.

Il y a aussi la conscience d’être et d’avoir été trompé depuis longtemps.

Celle de n’obtenir jamais aucune satisfaction ni reconnaissance.


Que reste-t-il de la vie lorsqu’elle est réduite à si peu ?

Si peu qu’il ne s’agit plus d’en « profiter » ?

Si peu que chaque jour qui passe n’est qu’un instant de survie ?


Si facile pour qui ne manque de rien d’inviter à « s’adapter ».

Certain que devant le néant, l’instinct de survie résume toute existence.

Parfois avec un goût amer devant les sommes détournées.

Devant les petites malversations entre amis.

Lorsque ta révolte se termine par un oeil ou une main en moins.

Tandis que, juste à côté, d’autres ne sont inculpés de rien qui ont tout volé.

C’est ce sentiment profond d’injustice flagrante qui tue toute idée de démocratie.


Xavier Lainé


28 juin 2021


lundi 5 juillet 2021

Au paradis des humains arc-en-ciel

 




à PJ et l'association Manosqueer


Évadé un instant, j’entrais au paradis des humains arc-en-ciel.

Dans une musique étourdissante ils fêtaient leur bonheur d’être là.

Leur bonheur de s’aimer, à tort et à travers.

Ils sortaient des chemins creux de la clandestinité discriminante.


Pas besoin d’entrer, puisque le ciel d’été lentement se voilait.

Je rejoignais la table de mes hôtes arc-en-ciel.

Ils buvaient et grignotaient en riant de bon coeur.

Ils s’embrassaient et se câlinaient sous le ciel d’ombre.


Assis en bout de tablée, mes yeux contemplaient leur joie.

Les enfants arc-en-ciel sont les nouveaux lendemains enchantés.

Ils s’aiment tels qu’ils sont sans fard et sans lumières.

Ils ne cherchent pas à briller mais à vivre au grand jour.


Trop longtemps confinés au revers d’un monde hypocrite,

Les humains arc-en-ciel n’osaient clamer leur innocence.

Les voici au grand soir habillés pour la parade.

Ils clament leur droit à la différence dans un grand rire.


Évadé de ce monde sans joie, mes yeux contemplaient 

La beauté énigmatique assise un peu plus loin.

Je me faisais discret dans la nuit qui envahissait la cour.

L’un s’approche et se plaint de n’y rien voir avec lunettes de soleil.


Il te faudra des lunettes de lune, à cet heure, pour ne pas être ébloui.

Tu ne dis rien ? Je contemple. Et tu tires quelles conclusions ?

Je ne tire aucune conclusion, je me laisse emporter par ce maelström

D’amour et de tendresse qui présage un autre monde enfin.



Xavier Lainé


27 juin 2021


dimanche 4 juillet 2021

Regarder enfin la lune en face

 





Je ne suis pas mélenchoniste, je suis soignant.

Chaque jour depuis 1981, je vous reçois.

Chaque jour depuis des années, contre vents et marées je garde le temps nécessaire à vous écouter, à vous aider, vous épauler, vous apprendre comment faire de vos maux autre chose qu’une éternelle souffrance.

Il m’est arrivé de vivre à peu près confortablement de mon travail, mais ça c’était. Il y a longtemps, avant 1990.


Car depuis, et sous tous les gouvernements que cette République a pu inventer, je n’ai pu que constater la lente érosion mon niveau de vie.

Je continue pourtant à vous recevoir, consacrant une heure à chacun parce que vos difficultés méritent de prendre ce temps.

J’ai d’abord repris en main le ménage de ma maison, puis de mon cabinet.

Je ne suis plus parti en vacances d’hiver, arrivant à préserver encore quelques temps mon séjour en montagne dans un camping à 140€ pour quatre.

Et puis il m’a fallu considérer que c’était encore une dépense somptuaire. 

J’ai donc décidé que nos « vacances » se passeraient à la maison.

J’ai supprimé les frais de comptabilité et décidé de faire seul ce que je confiais à d’autres (et à ce titre, j’ai été plus souvent qu’à mon tour, soumis au flot roulant des questions de mes associations de gestion, car bien sur, celui qui n’a pas les moyens de se payer un comptable est suspect, dans le monde « libéral »).

J’ai même un moment, supprimé la notion même de vacances pour vous recevoir encore, sans  discontinuer, cinq jours sur sept, dix heures par jour, douze mois sur douze.

Depuis deux ans, j’ai bien senti que si je voulais encore vous recevoir longtemps, puisque ma retraite, dans deux ans, ne me permettra pas de vivre, il me fallait  me ménager un peu.

J’ai donc décidé de profiter des jours fériés pour « poser » ici et là, une semaine de « congé » que je passe à faire tout ce que je n’ai pas le temps de faire pendant mes périodes d’activité.

Puis est venu la « crise » du COVID. L’ordre des kinésithérapeutes m’a demandé de fermer mon cabinet pour aller vous voir à domicile. J’ai hésité, suis resté disponible. Vous veniez ou ne veniez pas, j’étais là.

Pour vous rassurer puisque la propagande d’Etat ne cessait de vous angoisser, j’ai réduit le nombre de rendez-vous, chaque jour, au risque d’allonger une liste d’attente qui n’avait pas besoin de ça, et entre chaque rendez-vous j’ai pris le temps de tout désinfecter, aérer.


J’ai vu passer Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron.

J’ai vu passer au pouvoir LR, PS, PCF, EELV, tous ont contribué à banaliser l’affront national pour sauver leurs postes d’élus.

Je vous ai vu et entendu aller dans leur sens, parfois en me disant ouvertement que vous alliez confier votre âme à ce diable aux aguets et qui ne rêve qu’épuration ethniques, repli sur soi et guerre de tous contre tous.

Je me suis souvent insurgé lorsque vous me prétendiez que le problème, ce n’était pas ceux qui tenaient le pouvoir, tous les pouvoirs,  mais l’autre, le migrant, l’immigré, les SDF, les chômeurs. 

J’ai continué cependant à vous soigner, en mon âme et conscience, parfois en serrant les dents car il faut bien faire face à une vie qui se réduit à la survie.


Je vous ai entendu,  lorsque, pour continuer à travailler dans les meilleures conditions possibles j’ai été contraint comme beaucoup à vous demander un dépassement d’honoraire, me dire que vos moyens comme les miens s’érodant sous le joug des mêmes, vous n’aviez plus les moyens de me payer cette obole. Alors j’ai accepté, parce que vous méritez d’être épaulés, contre vents et marées (toujours contre vents et marées), de vous faire grâce de cette obole nécessaire à ma propre survie.

Je vous ai vu, cependant, parce que votre boite vous offrait cette chance, partir en des vacances dont je ne pouvais même pas caresser l’espoir.

Je vous ai vu vivre par la grâce des impôts (quand j’en payais encore) et cotisations (dont je ne remet pas en cause la nécessité) qui me laissaient parfois exsangue à me demander avec quoi j’allais encore régler les traites de ma maison, comment remplir le frigo vidé par l’appétit grandissant d’enfants passé de la petite enfance à l’adolescence.

J’ai entendu un gouvernement et vu passer des « aides » pour faire face à la « crise », un prêt garanti par l’Etat qui n’était à zéro pour cent que pour ceux qui avaient les moyens de le rembourser en totalité un an après son versement (pour les autres, dont je suis, ce ne fut qu’un endettement supplémentaire qui ira au-delà de mon âge de départ à la retraite).


J’ai vu passer au gouvernement tous ceux qui se répandent sur les ondes pour dire que le problème, ce serait Monsieur Mélenchon.

J’ai même entendu qu’il serait l’ennemi de la République. 

Je ne suis pas mélenchoniste, je suis soignant et je ne souhaite qu’une chose, c’est de pouvoir continuer à vous recevoir dans la dignité le plus longtemps possible puisque je devrai en passer par là faute de trouver remplaçant qui accepte d’en passer par cette lutte quotidienne pour survivre d’un métier qu’on a contraint à vendre son âme et son art aux marchands de matériels et sociétés pharmaceutiques.

Un métier qui finit même par exiger de vous des tests et autres vaccins pour ce protéger lui-même, des fois que votre bonne santé ne soit qu’un masque posé sur votre potentielle contagiosité.

Chaque jour est devenu un cauchemar et vous venez me dire que le problème ce serait Monsieur Mélenchon.


Je ne suis pas mélenchoniste, je ne suis qu’un soignant bien ordinaire.

Je n’irai pas écouter le bonhomme puisque, aujourd’hui, dimanche 4 juillet, il viendra poser son discours non loin de chez moi.

J’irai voir ma mère, sérieusement ébranlée par cette succession d’angoisses projetées sur notre quotidien par tous ceux qui vous affirment que le problème ce n’est pas la dinde de l’affront national, ni ceux qui gouvernent et ont tous les pouvoirs (politique, économique, médiatique) ou qui ne rêvent que de prendre leur place sans le souci de savoir comment vous pourriez encore être soigné (mais qui croient en la télé-médecine, télé-kinésitharapie pour palier au manque cruel de praticiens qu’ils ont sciemment, depuis les années 70, organisé).


Je ne suis pas mélenchoniste, je n’attend rien d’un homme providentiel.

Je suis juste contraint de constater qu’il n’y a que deux options possibles dans le système mis en place par un usurpateur qui s’appelait Charles de Gaulle (et dont j’ai connu la stature dans mon enfance, que j’ai vu tomber dans mon adolescence, que j’ai entendu critiquer —vous vous souvenez ? « Le coup d’Etat permanent » — par celui qui nous a avait fait miroiter le changement en se coulant dans le moule, comme tous les autres avant et après lui.

Deux options donc dont vous ne semblez pas vouloir, vous qui pensez que le problème, c’est Monsieur Mélenchon :

1. nous ne voulons pas de la violence et entendons en passer par les règles « démocratiques » pour pouvoir passer à autre chose et réhabiliter ces communs de notre vie, donc de la mienne qui consiste à vous soigner  et la votre qui parfois entre en souffrance pour les mêmes motifs que la mienne qui bascule inexorablement dans un cauchemar, donc il faut bien en passer par un homme que nous conduirions au pouvoir pour qu’il nous aide à renverser ce qui nous contraint depuis tant d’années (avec le risque qu’il ne tienne pas sa parole et donc nous précipite,  faute de choix encore possible, dans la deuxième option ;

2. faute de pouvoir déverrouiller un système qui ne cesse de glisser depuis 1958 dans une forme totalitaire de pratique du pouvoir, nous devrions nous faire à l’idée que c’est par la rue que passerait le changement quelqu’en soit le prix à payer (mais l’histoire est là pour nous prouver qu’il y aura toujours quelques versaillais à l’affut pour mettre un terme à nos folles espérances).


Je ne suis pas mélenchoniste, je suis soignant et citoyen. 

J’observe les grenouilles qui depuis cinquante ans se voudraient plus grosses que le boeuf, les vizirs qui se voudraient califes à la place du calife se disputer la place tandis que, à juste raison, vous vous détournez des urnes dont rien ne sort sinon toujours plus de misère, plus de contraintes sur nos petites vies qui ne rêvent pas de faire fortune mais seulement d’en être, des vies.


Je ne suis pas mélenchoniste, juste un soignant et un citoyen comme un autre, pas plus qu’un autre.

Je ne suis pas un ennemi de la République, juste un homme qui revendique, chaque jour, d’être à sa juste place et qui revendique de n’être, au moins, pas insulté quotidiennement par ceux qui considèrent que le problème, ce ne serait pas ceux qui ont tous les pouvoirs et ne font rien hors satisfaire les grossiers appétits de leurs copains de la finance, mais Monsieur Mélenchon et sa bande d’insoumis.

Ceci dit, je ne suis pas mélenchoniste, et si je suis insoumis, ça ne date pas d’hier et je n’ai pas attendu que le terme soit une marque déposée pour l’être le vivre.


Il serait temps d’apprendre à réfléchir et non répéter bêtement ce que le pouvoir médiatique au s service du pouvoir politique et économique ne cesse de vous seriner.


Bon dimanche à tous.


Xavier Lainé


4 juillet 2021


samedi 3 juillet 2021

Inaudible

 




Je t’admire, moineau qui t’égosille par dessus les moteurs.

Ton chant tenace vient à ma rencontre en ce lieu désespéré.

Tu ne me vois pas.

Mon oreille est là, aux aguets.

Me parvient le vague murmure de conversations couvertes, elles par le fracas des véhicules sans âme.

De quelle vie parlons-nous ?


La mienne, comme tant d’autres, avance, le nez collé au guidon des nécessités absolues.

Ne pas flancher.

Tenir contre vents et marées.

Ne rien attendre de personne puisque désormais plus rien ne vient.

Me contenter, comme beaucoup, du miracle d’être encore vivant, chaque matin.

Quand viennent les élans de tendresse et d’insouciance, les mettre sous le boisseau pour ne pas trop rêver.

Puis revenir sur la page déposer quelque utopie nouvelle.

Sans laisser la naïveté me prendre et me conduire au naufrage.


Ils nous disent ainsi, mais ils se trompent : le devoir de survivre ne nous laisse pas le choix.

Une fois calculé le fragile équilibre qui permet de simplement ne pas finir trop dans le rouge de comptes sans cesse exsangue, il ne reste rien pour le plaisir.

Seul le plaisir d’écrire et de rêver demeure.

De tenter de répondre aux insultes et médisances en tous genres qui pleuvent aux moindres propos qui ne vont pas dans le sens du courant.

Abonné à la parole contraire inaudible, il faut en plus répondre aux injures.


Xavier Lainé


26 juin 2021


vendredi 2 juillet 2021

Sauver les communs

 




Ce n’est pas l’individu qui doit être sauvé, c’est sa relation aux communs.


Et le poète est celui qui, derrière le miroir sans tain de ses yeux et de son coeur, regarde, contemple.

Et ce qu’il voit parfois lui intime l’ordre d’intervenir mais il ne sait comment franchir la paroi de verre.

Il voit ce qui se déchire et qui geint.

Il voit ceux qui se noient dans les océans et sur les trottoirs de la vie.


Le poète est ce type qui appelle Alice au secours.

Pour qu’elle lui explique comment passer de l’autre côté du miroir.

Comment franchir cette barrière impalpable qui fait de lui un témoin du crime sans le moindre pouvoir d’arrêter le bras des assassins.

Le poète est celui qui demeure humain quand, de l’autre côté du miroir, on s’entretue pour trois sous.


Ce n’est pas l’individu qui doit être sauvé, c’est sa relation aux communs.


Je suis de cette espèce qui marche dans la rue.

De cette espèce qui voit et sent, mais que le miroir sans tain isole.

De cette espèce dont la main qui vole au secours de ses semblables se heurte aux murs de l’incompréhension.

De cette espèce qui n’a pas d’existence hors des communs.

De cette espèce que par un raccourci de l’histoire et de la philosophie on nomma communarde puis communiste.

De cette espèce qui ne cherche à rien imposer, mais se rend à l’évidence.

De cette espèce qui ne cesse dans sa tête de fabriquer des utopies en lieu et place des dystopies bien visibles.

Des utopies capables de lui faire franchir le miroir sans tain qui l’isole du monde et le laisse incompris sur le trottoir des effondrements.


Xavier Lainé


25 juin 2021


jeudi 1 juillet 2021

Textes en Résonance

 




Mes moyens ne m'avaient pas permis d'acquérir le beau livre édité chez Jacques Flament. J'ai pu enfin combler ce vide.

C'est du bel ouvrage, vraiment. Pas eu le temps de tout lire, mais ça vaut le détour. Et si j'écris ça, ce n'est pas parce que trois de mes textes y sont présents.

Mais parce que tant de belles plumes (sans compter ma modeste contribution) méritent d'être lues et relues, donnant vies littéraires à l'art photographique.

Merci donc à Jacques Flament pour ce merveilleux travail.

Pour commander l'ouvrage, c'est ici : Résonances 3/Editions Jacques Flament