lundi 6 mai 2024

Pas savoir 13

 







Mais voilà que je m’égare

Que j’aligne des mots en perdant le fil


Je m’inquiète

Je m’inquiète de cette indifférence symptomatique

Signe d’une maladie qui nous ronge

Qui s’insinue par toutes les failles de notre attention


Ça commence par les copinages d’élus assoiffés de pouvoir

Ça continue en plaçant les amis puis les amis des amis aux postes clés

Ça se poursuit en stigmatisant toute forme d’opposition

Toujours au nom de vérités auto-proclamées

De dogmes éculés

De savoirs incontestables mais tournés dans un seul sens

Celui qui convient à qui détient pouvoir et puissance

Pouvoir et puissance qui imposent aux autres

Aux riens qui ne sont pas du côté du manche

Obéissance et soumission


Là je ne m’égare plus

Au risque de vous lasser je voudrais appeler les choses par leur nom

Dans ma ville une librairie ferme

Que les imbéciles dits de « droite » n’en disent rien ne m’étonne pas

Que les imbéciles qui se disent de gauche n’en disent rien m’écoeure

Que tous viennent sous peu pleurer 

Lorsque les idiots qui se proclament d’extrême droite

Fiers de leur victoire viendront parader devant les vitrines en deuil

D’une culture bourgeoise épuisée par ses promoteurs

Voilà qui me désole tant le schéma n’est que redite d’une histoire

Dont tous avaient proclamé qu’elles ne devaient pas se répéter


Le fascisme répond à une rhétorique

C’est une lente descente en enfer

Ont peut toujours le dénoncer lorsqu’il s’installe

Il faudrait peut-être pointer du doigt la philosophie qui lui ouvre les portes

Celle qui dit qu’il y en a qui sont quelque chose 

Tandis que les autres ne sont « rien »

Celle qui tolère que des hommes des femmes et des enfants se noient à nos portes 

Celle qui tolère qu’un mort israélien est supérieur à des milliers de morts palestiniens

Celle qui tolère qu’une religion soit stigmatisé au nom de ses « intégristes » stupides

Celle qui accepte que des élites causent de tout sans rien savoir de la vie de ceux dont ils causent

Celle qui considère que certains savoirs seraient plus « sérieux » que d’autres

Celle qui stigmatise tout propos critique au nom d’une science prétendument exacte


Le processus est en marche et nous n’en disons rien

Nous continuons à faire comme si de rien n’était

Sans entendre les esprits déjà acquis au mufle hideux

Sans observer comment la déshumanisation du monde

Est une accélération vers le mur de l’horreur pourtant déjà connue

Déjà vécue


Déjà vécue

Comment pouvons nous l’ignorer

Dans un pays qui est sensé enseigner l’histoire

Mais qui accepte que des hommes tuent leurs compagnes

Que des enfants soient jetés à la rue

Que les orientations sexuelles soient stigmatisées


Ce pays là est déjà l’objet d’une gangrène


Comment accepter que tant de connaissances soient disponibles

Tandis que l’ignorance gagne du terrain

Chacun tourne ses vidéos pour dire sa vérité

Chacun sauve son petit ego sur la scène d’une culture spectacle

On idolâtre les « meilleurs »

Sans voir qu’en d’autres temps les idoles nous menèrent

Tous marchant au pas et le bras tendus

Dans le gouffre des crimes contre toute humanité


Pardonne-moi lecteur

Cette profonde colère

Poussée dans le silence abyssal d’une ville enfoncée dans un mutisme pesant

Ma ville se dit « ville du livre et de la culture »

Mais des gens cultivés acceptent qu’une librairie ferme en son coeur

Tandis que la misère y croit dans les zones marginales d’une ville vieillissante

La jeunesse s’en va sous d’autres cieux

Ne revient qu’en situation d’échec

Il y a ceux qui s’en sortent 

Et ceux qui ne sont « rien »

Méprisés par les premiers

Tout ceci dans le lit dressé par les dogmes néo-libéraux

Bien installés dans une rhétorique du pire

Au nom d’un commerce confondu avec le pléthore de tout

Pléthore qu’on jette 

Pléthore que les miséreux vont chercher dans les poubelles

Une fois la nuit tombée


Pardonne-moi lecteur de cette poussée d’urticaire

Mais le néo-libéralisme

S’il n’est pas lui-même un fascisme

Nous y mène tout droit en étouffant toute voix divergente


*


Mais bien sur que vous ne l’êtes pas

Imbéciles

Vous qui ne lisez pas

Ma colère me pousse à propos trop forts

Dont vous pourriez me juger arrogant


Vous ne l’êtes pas

Vous pourriez simplement 

L’être encore moins si


Que dans ma ville une librairie sur trois ferme

Peut-être demain deux sur trois

Me semble simplement terrifiant

Quand à chaque coin de rue on trouve coiffeurs

Ou commerces de vêtements


La parure et l’apparence

Si possible de la couleur des pavés

La couleur et l’apparence de la ville

Tandis que sa population vieillit

Sans que rien ne soit imaginé 

Qui en enraye le déclin


Le poète solitaire rêve d’autre chose

D’une ville ardente où jeunesse et vieillesse seraient 

D’un commun accord capable de vivre leurs rêves


Le poète solitaire imagine une ville

Où créer soit un mode de vie

Et non un enterrement de première catégorie



Xavier Lainé

13 avril 2024


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