Sans décrocher la lune 4

 

Photographie : XL-Dans la lune (Luke Jerram/Museum of the moon/Biennale Art & culture d'Aix en Provence 2022)

C’est désormais demander la lune

Que de vouloir vivre 

Pas seulement sur-vivre

C’est demander la lune

Que d’échanger un regard

Un petit geste d’affection

Ces petits « trucs »

Qui n’engagent à rien

C’est demander la lune

En pays où chacun fait état de ses peurs

Peurs de tout et de rien

Peur d’être libre

Peur d’être dominé

Mais niant de l’être

C’est désormais demander la lune

Que d’être payé pour son travail

D’être payé pour vivre seulement

Pas un cadeau juste un souci

Une once d’humanité posée là

Sous un regard de lune

Un peu d’amour tapis

Dans l’ombre de nos nuits

C’est demander la lune

Que d’avoir le temps de dormir

Le temps de rêver quand tout se précipite

Au bord du gouffre béant

Ouvert par tristes personnages

C’est demander la lune

Que d’ouvrir les bras à la beauté

Xavier Lainé

4 octobre 2022

Sans décrocher la lune 3

 

Photographie : XL-Dans la lune (Luke Jerram/Museum of the moon/Biennale Art & culture d'Aix en Provence 2022)

Plus que le lit de la rivière

M’y endormir sous le regard complice

Des étoiles et de la lune

Éradiquer toutes formes de dépendance

D’un monde qui n’en vaut pas tripette

Puis marcher dans les chemins creux de l’histoire

Pour y conter la légende de l’humain

Sous un regard de lune

Au coin d’un feu ardent

Dire et redire les possibles

Lorsque tout semble s’effondrer

Conter et raconter

La légende du serpent à sornette

Si répandu en des couloirs d’or

Lorsque l’humain se laisse embarquer

Loin de sa propre respiration

Je ne décrocherai pas la lune

Je n’irai pas sur Mars

Je ne prendrai pas la première fusée

En partance pour nulle part

Je me contenterai d’un bon feu

Et de bras attendris sous le regard complice

D’un ciel qui nous a vu naître

Qui nous a vu grandir et nous prendre les pieds

Dans le tapis de nos infinies certitudes

Xavier Lainé

3 octobre 2022

Douche Froide

 

Désormais les pigeons devront se doucher à l’eau froide.

Je répète :

Désormais les pigeons devront se doucher à l’eau froide.

Les récalcitrants seront mis sous surveillance dronique et recevront, par la voie médiatique et publique leur condamnation à l’amende universelle de cent trente et cinq euro.

Je répète ?

Restez chez vous, tricotez vous des cols roulés car ceux du commerce, dont la fabrication ukrainienne a été interrompue, font preuve d’une absence prolongée sur les étalages et à des prix hors de la portée du gueux moyen.

Surtout pas d’affolement, les barons du commerce et du CAC 40 réunis, les oligarques qui gouvernent en sous-main vos destinées miséreuses ont la main sur le tiroir caisse, non pour dégainer menues monnaies mais pour vider vos poches encore un peu.

Leurs mains avides sont sous la surveillance complaisante du Grand Résident et des cordons de la bourse policière (seule la bourse policière d’ailleurs se porte bien, toutes les autres sont vides et sans objet).

Un sou est un sou que diable ! 

Faut bien que les riches ayant quitté votre monde maintiennent leur standing tout de même !

Désormais les pigeons devront se doucher à l’eau froide.

Je répète :

Désormais les pigeons devront se doucher à l’eau froide.

Xavier Lainé

19 octobre 2022

Sans décrocher la lune 2

 

Photographie : XL-Dans la lune (Luke Jerram/Museum of the moon/Biennale Art & culture d'Aix en Provence 2022)

Si je savais

Je décrocherais la lune

Pour un sourire

Pour un baiser

Or voilà que trop lointaine

Sans cesse la lune se dérobe

Elle me nargue dans la nuit

Éclaire de lumière blanche

Mes rêves et cauchemars

Si je savais l’atteindre

Sûr que je la décrocherais

Juste pour lui apprendre

À éclairer mes rêves 

Et éteindre mes cauchemars

Si je savais

Je la décrocherais

Juste pour un baiser

Pour un sourire

Un élan de tendresse

Non demandé ni calculé

Juste pour ce moment entre deux sommeils

Où il est si simple de se glisser

Sans appréhension aucune

Dans le lit d’une rivière

Si je savais, je ne fréquenterais plus

Que le lit de la rivière

Xavier Lainé

2 octobre 2022

Sans décrocher la lune 1

 

Photographie : XL-Dans la lune (Luke Jerram/Museum of the moon/Biennale Art & culture d'Aix en Provence 2022)

Si je savais

Je décrocherais la lune

Je décrocherais la lune pour vous voir

Pour vous voir un peu heureux

Un peu heureux d’être en ce monde

En ce monde revu de fond en comble

De fond en comble revu et amendé

Amendé pour ne pas revenir sur nos pas

Sur nos pas si hésitants parfois

Parfois à se poser l’un devant l’autre

Devant l’autre qui ne montre

Qui ne montre que ce qu’il veut montrer

Montrer derrière un masque de convenance

Si je savais

Je décrocherais la lune

Je vous prendrais par les pensées

Vous porterais sur des ailes de rêves

Vous retrousserais les manches

Pour ne pas les salir en vous mettant à l’oeuvre

Si je savais

Je décrocherais la lune

Une lune magique qui se poserait 

Sur vos têtes obscurcies par le temps

Qui toujours se fait lourd

Lourd de tous nos découragements

Si je savais

Je décrocherais la lune

Xavier Lainé

1er octobre 2022

Prévention des frimas politiques

 

Photographies : La fabrique des cols roulés - Xavier Lainé

On ne sait jamais ce qui advient d’un appel à repeindre le monde à nos couleurs.

Il suffi parfois d’un Etat qui refroidit l’ambiance, qui comprime nos vies.

Ou, tout simplement que nous ayons besoin d’un peu de chaleur humaine.

Et voilà qu’un rendez-vous pour la parole insoumise se fait école de tricot.

Mesdames, vous avez un talent fou !

Mes doigts gourds d’homme mal éduqué ont bien tenté.

Mais où vous accomplissiez dix rangs, mes mains de poète engourdies n’en tricotaient que deux.

Raison de plus pour nous convaincre que vous êtes le ferment d’un autre monde. (Ce que les femmes kurdes ont bien compris depuis longtemps :  Kurdistan, la guerre des filles - Arte 8 mars 2016

Rien n’empêche de repeindre le monde, les doigts occupés à préparer les cols roulés pour les frimas politiques à venir…

Xavier Lainé

17 Octobre 2022

Je vous écris de très loin 30

 

Dans la boue de l’histoire, ma nuit.

Cauchemar toujours que ces chemins creux, ces routes encombrées de débris.

Cauchemar que ces âmes errantes, ces corps faméliques pourrissant sous le ciel gris de l’histoire.

Ainsi se finira cet écrit des lointains.

Dans la boue d’un cauchemar sanglant.

Dans la boue de cette guerre de tous contre tous.

Où plus personne ne sait très bien pourquoi il se bat.

Mais il se bat quand même sans la mémoire de qui donna le coup d’envoi de ces nouvelles boucheries dont l’histoire est jalonnée.

On a dit que certains y allaient en chantant.

Pas si sûr, et beaucoup déchantèrent.

Alors au matin je vois mon député, au garde à vous devant drapeau, tandis qu’un galonné en décore en autre.

Je vois mon député avec juste raison saluer la mémoire des harkis, ces oubliés de l’histoire.

Mais il est vrai qu ‘un président l’a si bien formulé : la guerre d’Algérie ? « Une histoire d’amour » (Sic).

Mon cauchemar dépité se poursuit.

Qui sommes-nous frères humains pour encore nous étriper et en quel nom ?

Quel dieu cynique et corrompu nous dresse les uns contre les autres, dans ce cauchemar boueux qui berce l’entrée en automne.

Je ne quitte plus le crépuscule sombre, même si parfois lune me sourit.

Quant au sein même de nos maisons paisibles en apparence, s’immisce l’indifférence assassine.

Lorsque le moindre geste d’amour finit par être oublié, remisé aux nostalgiques souvenirs, il ne reste pas grand chose de notre humanité.

Xavier Lainé

30 septembre 2022