samedi 26 novembre 2022

Une infinie nostalgie 10

 




J’ai un trouble de l’identité

On me demande ce que je fais

De quoi je vis

À quel parti j’adhère

Si je suis de droite ou de gauche

À quelle religion je suis acquis

Comme je suis un homme et que ça se voit

On ne me pose pas de question à ce sujet

Mais parfois et selon qui

Je sens poindre comme un reproche larvé

Un non dit lourd de sous-entendus

On me demande si je suis marié ou pas

Si j’ai des enfants

Dans quelle catégorie d’âge je me tiens


Ouf


Puis-je seulement vivre

Être qui je suis

Ne pas entrer dans des cases imparfaites

Assumer mes imperfections

Mes manques et mes erreurs

Traverser les heures et les jours

Sans me méfier de mes gestes

Qui me placeraient hors

Hors des cases prévues à cet effet

Celui de m’emprisonner me corseter

De m’interdire de rire à gorge déployée

De trouver une insouciance perdue

Sous le sceau de mon identité 


Xavier lainé


10 novembre 2022


vendredi 25 novembre 2022

Une infinie nostalgie 9

 




Ce qui crée la nostalgie

Ce temps qui passe et nous empêche

De revenir sur nos pas


On rêverait parfois

De pouvoir tout recommencer

Rejouer la partie


Le temps devient l’obstacle

Qui nous contraint

Une seule direction à sa flèche


Xavier Lainé


9 novembre 2022


Nous y voilà

 




L’évidence n’est pas toujours perceptible, même si elle saute aux yeux.

Trois années plus tard, des années plus tard, la ville qui se voulait « sans histoire » s’y trouve mêlée comme jamais.

On ne joue pas avec l’extension du domaine de la pauvreté sans risquer de s’y brûler.

Le paradoxe est qu’il nous faut être la proie des flammes pour sentir le roussi et alors réagir par nécessité.

Mais quand le navire prend l’eau de toutes parts, est-il possible de le sauver du naufrage ?


Ma ville s’enfonce, elle glisse sur cette pente qui sidère le pays tout entier tant la violence en devient « bonne gouvernance ».

Elle s’enfonce, selon les statistique officielles, dans un état de pauvreté qui en gangrène toutes les relations sociales.

A la violence systémique, s’opposent trois comportements :

- la soumission, au nom de la fatalité, faute de savoir inventer mieux ;

- la colère symbolique qui se niche dans des comportements addictifs, des violences verbales, des attitudes plus ou moins suicidaires ;

- la colère pure qui conduit un jour ou l’autre au renversement de tous les pouvoirs, avec les yeux rendus aveugles par les souffrances endurées mêlées à l’inquiétude d’une « déchéance sociale » inéluctable.


Ma ville s’enfonce, sous la baguette tragique d’un homme, d’une équipe qui, s’ils ont usé de leur jeunesse pour s’attribuer le pouvoir, n’en proposent pas moins des remèdes éculés dans un système dont tout le monde sent bien qu’il mène notre humanité commune à sa perte.

Nous voici prisonniers d’une logique qui était palpable, dénoncée, annoncée, et comme nous invite à y réfléchir les observations de l’éthologie, lorsqu’un animal est blessé à mort, ou qu’il ne peut se sortir du piège, il n’hésite pas à sacrifier ses enfants, à se sacrifier lui-même.

Les belles âmes et les bien-pensants diront, avec des airs offusqués, que nous ne sommes pas des animaux.

À y regarder de près, il semble bien que, désormais, face au tsunami qui menace de nous submerger, la plupart des « vivants » développent plus d’intelligence que ceux qui se prétendent humains : ils fuient quand les humains ne les ont pas purement et simplement éliminés.


Ma ville s’enfonce sous les coups d’une gestion stupide d’une « pandémie » que tous les scientifiques un peu sérieux ont depuis trois années qualifiée de « syndémie » tant elle mettait en relief toutes les tares d’un système qui persiste à n’enrichir que les un pour cent de la population mondiale cotisant aux fonds des affaires financières.

Ma ville s’enfonce sous les coups d’une conception autocratique de la gestion de la cité.

Ma ville s’enfonce : au moment où certains voient dans la corrida une persistance de notre passé barbare, un homme seul entouré de ses affidés subjugués par sa verve jeunesse, plantent profondément les banderilles dans les échines trop longtemps courbées des acteurs de l’économie locale.


On avait vu comment la priorité fut donnée au commerce mortifère des rois de la finance aux dépends des commerces de proximité.

On a vu, sous les mandats précédents, la ville se structurer en une cité dortoir avec pour toute perspective de vie solitaire la voiture et le supermarché. 

Le nouveau, malgré le masque de la jeunesse ne fait pas mieux : il plante les dernières banderilles dans ce qui reste de vivant dans sa cité.

Ce qu’il cherche ? Une ville bien proprette, avec des avenues tirées au cordeau, une vieille ville vidée de toute vie, sauf à l’ouvrir à la bonne bourgeoisie bien propre sur elle. 

La recette est connue : elle a fait florès depuis les années soixante dix et quatre vingt du siècle dernier dans la plupart des centres villes anciens de Lyon, Marseille, Bordeaux, Paris. 

On paupérise un maximum, puis, au nom de la salubrité, on expulse les pauvres en périphérie pour « coloniser » l’habitat ancien en le nettoyant des traces vivantes de son histoire.

Derrière les façades ripolinées, on ne voit pas la mort économique et sociale d’un monde livré à l’individualisme le plus sauvage.


Nous y sommes, la révolte gronde à juste titre, mais…

Mais quand donc apprendrons-nous à réfléchir collectivement à faire de nos lieux de vie des endroits où nous serions en capacité d’inventer le commun nécessaire à notre survie dans un contexte de bouleversement climatique devenu incontournable.

Il ne s’agit plus de repeindre les façades, mais de regarder en face la tragédie où nous jettent les fervents d’un capitalisme du désastre aux commandes depuis les années soixante dix.

Il s’agit de faire oeuvre d’intelligence commune pour rester, bâtir contre vents et marées, nous donner les moyens de traverser les tragédies prévisibles, déjà là, sous nos yeux, dans la désertion d’un centre ville qui semble amuser les jeunes imbéciles et les vieux cons.

Qu’ils se méfient : nous pourrions bien, sous les pavés, faire surgir la plage de nos soifs de vivre trop longtemps enfouies.


Xavier Lainé


Manosque, 25 novembre 2022


jeudi 24 novembre 2022

Une infinie nostalgie 8

 




Me vient la nostalgie

Lorsque deux s’écroulent

Que les larmes viennent ici

Qui se savent écoutées

Prises au sérieux

Me vient la nostalgie

D’un temps qui n’est plus

Où le lien n’était pas si évident

Entre vie contrainte

Et douleurs 


Me vient la nostalgie

D’un temps où peut-être

Trop jeune et naïf

Ne me posait pas tant de questions

Sur vos souffrances déposées

Au secret de mon antre


Peut-être

Nostalgie me vient

D’être si longtemps passé

À côté de ce monde qui vous brise

Qui me brise aussi

Me rendant impuissant

Devant vos larmes versées

Vos douleurs rebelles

D’avoir été si longtemps

Contenues


On vit comment dans un monde qui nie l’humain ?


Xavier Lainé


8 novembre 2022


mercredi 23 novembre 2022

Une infinie nostalgie 7

 




Alors je creuse

Autant dire que je ne comprends pas mieux

Je creuse

Pour le plaisir de bousculer un peu 

Nostalgies et ordres établis

Volontairement au pluriel

Volontairement pluriels


D’autres construiraient remparts

Digues pour arrêter ce flot

Moi je creuse

Je sabote les digues et les murs

Je construits des ponts

Entre ce qui semble avoir été

Et la révélation progressive d’avoir rêvé


C’est bien connu

Quand tu rêves trop fort

Plus dure en est ta chute

Tu restes alors là sur le bord du chemin 

Avec ce sentiment d’avoir ou de ne rien avoir

Mais dupé certainement

Dupé par soi-même

C’est sans doute 

La plus douloureuse révélation


Celle qui justifie que chaque matin

Tu contemplas le monde

Tandis que monte des profondeurs

L’incroyable vague de tes nostalgies


Xavier Lainé


7 novembre 2022


mardi 22 novembre 2022

Une infinie nostalgie 6

 




Tournent dans ma tête 

Comme dans un manège

Les souvenirs


Souvenirs d’un temps qui ne fut jamais

Hors de l’imagination de l’enfant

L’enfant qui ouvrait grand les yeux

Sur une mer qui ne charriait alors

Aucun cadavre dans ses eaux transparentes


Souvenirs d’une époque qui ne fut jamais

Hors du cerveau de l’enfant

Enfant qui rêvait comme beaucoup

D’un monde sans misère et sans guerres

Enfant qui ne voyait pas celle qui se tenait

Tapie derrière le pointillé d’une frontière 


Ici se tient toute la nostalgie

Parce que l’enfant y a cru

L’enfant ne savait pas

Qu’il vivait dans un monde divisé

Entre deux vérités

Entre deux rives qui s’ignoraient

L’enfant naïvement

Comme tous les enfants

N’imaginait même pas possible

Qu’on vienne montrer du doigt

Ses petits copains aux billes de terre

L’enfant vivait dans un monde 

Qui était le sien installé dans sa pureté


Xavier Lainé


6 novembre 2022

lundi 21 novembre 2022

Une infinie nostalgie 5

 






Dans quel catalogue des pathologies me mettrez-vous

Moi qui ne cesse d’osciller entre optimisme et profond découragement

Dans quelle case me rangerez-vous pour la commodité de votre diagnostic

À vous lire je cherche moi-même 

Je cherche sur internet quel nom mettre sur mon malaise

Je cherche dans des livres de vulgarisation médiale

Je cherche en me rendant chaque jour en vos cabinets

Je cherche


Mais jamais ne trouve

Et le malaise dure

Alors vous me prescrivez quelque molécule magique

Qui mettra un terme à mon indépendance

À mon auto-suffisance thérapeutique

Car au fond

À de rares exceptions je suis mon propre médecin

Sinon que j’oscille

Que parfois la succession des hauts et des bas

Me rend la vie pas facile


Alors je cherche au fond de mes vieilles histoires

À quoi accrocher cette nostalgie constitutive

Çà ne règle rien

Ça ne fait que m’ouvrir les yeux sur ces parties enfouies 

Ça me permet d’admettre que la vie est ainsi

Qu’elle n’est droite sans doute pour personne

Sauf à s’en persuader

Juste pour ne pas souffrir 

Juste pour oublier ce tiraillement

Entre ce qui est et ce qui aurait pu être


Xavier Lainé


5 novembre 2022