mercredi 19 mars 2025

Ivresse et solitude 4

 





J’habitais dans un trou

Un no man’s land

Un lieu inconnu et invisible


J’habitais en zone interdite

Un non lieu


Par la grâce d’édiles en soif de travaux

Mon trou ne cessait de s’approfondir

Chaque pas me menait au précipice


Un grand vide s’ouvrait devant mes pensées

Elles se mettaient à errer en zones marécageuses

S’enfonçaient dans les sables mouvants de l’absence


Lentement mais surement on y allait

Certes parfois on râlait

Mais c’était de pure forme

On se contentait de déplorer

La boue et l’instabilité du sol


J’habitais un non lieu

Un trou noir dans la géographie locale

Des ombres passaient dans les rues apocalyptiques

Ne pouvant que regarder leurs pieds

Elles avançaient tête baissée

Droit dans le mur des indifférences


J’habitais en lieu hébété

Un lieu dont l’esprit était aspiré

Dans le trou noir des apparences

Certes ce serait beau un jour

Mais vide

Si vide que même les corbeaux

Finiraient par s’en détourner


*


Alors que j’me suis dit

Avant qu’ils ne s’envolent

Faudrait que je crée des passerelles

Pour passer d’un côté à l’autre

Du vide ouvert sous nos pieds

Par d’insondables inconsciences


Alors que j’me suis dit

Je vais jeter mes mots 

Comme poussières dans les yeux

Des démolisseurs en règle

Ils sauront bien mes mots

Être grains de sable dans les rouages

Des machines qui creusent


Des machines qui creusent nos âmes

Qui vident nos poches

Font de ma ville un trou noir

Qui aspire toute création


Alors que j’me suis dit

Je vais faire de mes mots digue ou barrage

Pour que tous les oiseaux musiciens

Les migrateurs de la danse 

Les peintres de l’avenir soient pris dans leur filet

Pour élire domicile au bord de ces gouffres

Ouverts sous nos pieds


Alors que j’me suis dit

J’irai de nuit boucher toutes les tranchées

De cette guerre menée à nos mémoires

Avec les mots d’espoir et de désespoir



Xavier Lainé

4 février 2025


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