vendredi 31 mai 2024

Pas dire 7

 





J’écrivais et je me trompais

Pour qui écrivons-nous

Pourquoi


Pourquoi dire sur la page

Sinon pour prononcer des mots

Imprononçables ailleurs

Tant le joug est pesant


Il y a ceux qui sont « autorisés »

Ceux qui savent faire preuve de leur « autorité »

Ceux qui savent créer leurs réseaux

Ceux qui savent jouer des coudes

Pour paraître ne serait-ce qu’un temps

Sur le devant de la scène médiatique


Il y a les autres

Ceux qui se sentent toujours privés de parole

Qui ne savent pas dire

Pas user des mots au point d’être entendus

Sinon compris


On me dira qu’il en est ainsi

Comme toujours


Mais

S’il en est ainsi depuis toujours

Peut-être pourrions-nous ouvrir le champ de la parole

Partout où elle est confisquée

À l’usage unique de ceux qui savent



Xavier Lainé

7 mai 2024


jeudi 30 mai 2024

Pas dire 6

 





Pas dire

Pas dire le sang ni les larmes

Ni les enfants perdus

Ni les noyés

Pas dire


Car si tu dis

Te voilà cloué au pilori 

Des suppositions sans fondement

Des accusations mensongères

Des suspicions délatrices


Alors 

Alors pour beaucoup

Mieux vaut pas dire

Préférer ne pas

Pour éviter d’apparaître

Pour ce qu’on n’est pas


Ce pays a perdu la boussole de l’esprit

Ce pays est en errance 

Entre les mains mafieuses des délirants

C’est un festival

Celui des 8èmes délirants

Celui des propos vengeurs

Des insultes avilissantes

Contre toute contestation


Ce pays a perdu la boussole

Mais ne s’étonne pas lorsque ses citoyens perdent le Nord


*


Pas dire la ruine et le désastre

Les corps souffrants et les âmes perdues

Les vies brisées sur les écueils économiques


Pas dire un pays qui sacrifie les enfants

Qui enferme sa jeunesse en enfer sans horizon

Tandis que plus haut on se gave


Pas dire les propos blessants qui stigmatisent

Les blessures sans cesse ouvertes

Qui plongent chaque citoyen dans un gouffre de précarité


Pas dire

Et si parler

Parler d’autre chose

Détourner les attentions

Projeter les écrans de fumée

Vers le pain et les jeux

Tandis que dans les rues on crève


Pas dire

Pas dire l’effroi devant la violence

Instituée en mode de gouvernance

Tandis qu’un jeune président 

Ne parle que pour s’écouter lui-même


Pas dire ce qui se cache derrière le paravent

Derrière la censure établie sans prononcer son nom

Derrière les insinuations journalistiques

Proclamées en dogmes unilatéraux

Pas dire la violence ressentie quand ce couperet te cloue le bec



Xavier Lainé

6 mai 2024


mercredi 29 mai 2024

Pas dire 5

 





Le plus simple est d’étouffer

Étouffer la parole quand elle dénonce

N’autoriser que celle qui va compter fleurette

Regardant papillons voler

Pour ne pas voir ruines et misères


Le plus simple est d’étouffer

Ou de faire craindre l’étouffement

À qui voudrait dire ce qui est

Sans se réclamer d’aucune vérité

Sinon celle du constat accablant


Le plus simple est d’étouffer

Toute révolte dans l’oeuf

Par l’usage immodéré de violence

Sans un mot pour les meurtris

Tombés sous les mauvais coups


Le plus simple est d’étouffer

De pousser chacun à se cloitrer

Devant ses médias muselés

N’osant plus bouger de peur

De troubler la « paix sociale »


Le plus simple est d’étouffer

D’empêcher tout dire de jaillir

Quand les souffrances endurées

Ne sont plus seulement symptômes

Mais maladies qui accusent


*


Le plus simple est de ne pas accepter

D’user et abuser de notre droit humain

À la parole contraire


*


Toujours à revers et dans le sens contraire du poil

Si possible en trempant la plume 

Dans du poil à gratter

Histoire de vous donner de l’urticaire

Mes pages seront d’orties


Car je n’arrive pas à m’y faire

À ce silence pesant

À ces yeux qui ne voient rien

À ces bouches qui ne disent rien

Où qui lorsqu’elles s’ouvrent

N’ont rien à dire d’autre

Que psalmodier les mantras

Des puissants et des possédants


Toujours à revers et dans le sens contraire du poil

Mes mots se font poil à gratter et orties

Mes mots voudraient vous y rouler

Histoire de voir si vous êtes morts ou vivants


Ne voyez rien contre qui que ce soit

Juste caillou dans la chaussure ou épine dans le pied

De ceux qui traversent sans s’émouvoir

Tandis qu’à une encablure des enfants meurent sous les bombes

Qu’importe celui qui en commande l’usage et sa croyance

Pour son acte criminel et le silence qui l’accompagne

Je m’en vais souhaiter qu’il ait le cul qui gratte

Pour le restant de sa vie (de leur vie quand les témoins se taisent)


*


Étrange climat

Qui nous soupçonne d’être ce que nous ne sommes pas


Au motif de ne pas être d’accord

Avec un gouvernement

Nous voici assimilés à des « terroristes »


L’accusation est lancée sur toutes les ondes

Sans preuve 


Juste le fait de n’être pas du même bord


Mais voici que religion s’en mêle

Qu’il faut prêter allégeance

Non seulement au pouvoir

Mais aux dogmes divins


À défaut nous voici accusés


Sur ce banc d’infamie

Nous sommes trainés dans la boue

Tandis qu’avec les puissants

Ils dépècent à belles dents

Tout ce qui aurait pu contribuer

À réduire la misère


Étrange climat que celui-ci

Qui sème ses nuées d’orage et de bombe

Sur la tête des innocents



Xavier Lainé

5 mai 2024