Un violon dans le matin calme 9

 

Marc Chagall-Le violoniste bleu (source :  Passion estampes)

La nuit si courte

Lorsque l’amour s’y love

Au creux des rêves

Tourne et retourne

Ne trouve pas ta place

Cherche à bras ouvert

Une étoile

La nuit est sombre

Sous les nuées rageuses

Qui se groupent 

En troupeaux d’orage

Y aurait-il pluie tendre

À déposer sur le regard de l’aube

Paupières fermées

Pour garder la mémoire

D’un baiser déposé

Sous la Voie lactée

La nuit se fait courte

Le corps tourne et retourne

Ne sait où se poser

Voudrait savoir voler

S’envoler sur des ailes paisibles

Les rêves jouent des tours

Au matin gris les yeux s’entrouvrent

Voudraient rester fermés

Goûtant plus longtemps

Le plaisir d’un rêve si doux

Blotti au coeur de la mémoire

Xavier Lainé

9 mai 2023

Un violon dans le matin calme 8

 

Marc Chagall-Le violoniste bleu (source :  Passion estampes)

« Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous être perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n’est à personne. » Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes

Ce qui nous mine

Ce qui nous torture

Cet instinct de possession

Cette folie dominatrice

Et que rien n’étant nouveau

Nous poursuivions sur cette route

Pavée de tristes intentions

Avoir 

Avoir toujours plus

Arborer titre et identité

Prouvant notre triomphe

Mâles arborant leurs attributs

Au point de rendre vie impossible

À qui voudrait se défaire de cette vaine gloire

Nul ne sort vainqueur 

Lorsque la vie se bâti 

Sur la ruine de l’autre

Rien ne peut subsister 

À cette même arrogance

Ni l’amour

Ni l’amitié

Xavier Lainé

8 mai 2023

Un violon dans le matin calme 7

 

Marc Chagall-Le violoniste bleu (source :  Passion estampes)

Tu ne sais que faire du mot « non »

Tu ne sais comment l’employer

Ni à quel moment il pourrait être dit

Sans blesser

Alors tu te tais

Parfois c’est comme un retour de bâton

Tu ne sais pas dire « non »

Alors te reviens l’image de ta faiblesse

Car le monde exige de toi d’être fort

De ne jamais plier ni verser de larme

D’être attentif et tendre

Mais sans jouer de supériorité

De mettre sous surveillance tes pulsions

Tes désirs et tes rêves

Le monde exige

Tu ne sais pas dire « non »

Tu embrasses 

Tu étreins

Tu ne sais pas dire non

Sauf que parfois c’est l’autre qui le dit

Tu restes alors les bras ballants

Prenant en retour ce que tu ne sais pas faire

L’art de ce « non » que tu devrais plus souvent 

Utiliser pour toi-même

Dire non à tes sentiments pour te fondre

Disparaître dans la boue du temps

Xavier Lainé

7 mai 2023

Un violon dans le matin calme 6

 

Marc Chagall-Le violoniste bleu (source :  Passion estampes)

Combien d’avatars pour faire un homme

Combien de traits de plume différents

De langages et de rêves 

Combien d’actes

Avant de savoir qui je suis

Course permanente après une ombre

Je 

Sans cesse un autre

Et je

Qui demeure étourdi

Sur le bord du sentier

Regardant d’un oeil un peu perdu

L’agitation brownienne des foules

Tant qui semblent savoir qui

Mais peut-être fausse apparence

Car à mieux les connaître

Ils ne sont jamais qui tu crois

Ils virevoltent d’identité en apparence

Parfois savent si bien faire semblant

Qu’ils te laissent coi

Tu marches ton petit sac à pain à la main

Tu fais ci ou fais ça

Croyant toujours bien faire

Tu te trompes si souvent sur toi-même

Que le vertige s’ajoute au vertige

Tu te parles à toi-même du fond d’une infinie solitude

Xavier Lainé

6 mai 2023

Un violon dans le matin calme 5

 

Marc Chagall-Le violoniste bleu (source :  Passion estampes)

Mais peut-être au fond c’est de silence que tu te nourris

De silence et de douce lumière

Ne pas vivre dans l’attente de

Ne pas

Ne pas soupirer

Ne pas 

Juste écouter la douce mélodie qui vient

Un violon dans le matin calme

Une lumière tamisée sur l’aube délicate

Et le vague souvenir

Très vague

Si vague qu’il s’en fait houle

Tu ne sais

Tu ne sais où va ta dérive

Le courant est trop fort

Tu sais seulement ne plus vouloir te cramponner

Au bastingage d’un rafiot balloté par les courants

Dont la chaine et l’ancre augmentent la gite

Jusqu’à la nausée

Vagues effluves de tendresse se posent

Puis s’effacent dans l’âpre réalité du jour

Tu demeures muet

Xavier Lainé

5 mai 2023