mardi 22 novembre 2022

Une infinie nostalgie 6

 




Tournent dans ma tête 

Comme dans un manège

Les souvenirs


Souvenirs d’un temps qui ne fut jamais

Hors de l’imagination de l’enfant

L’enfant qui ouvrait grand les yeux

Sur une mer qui ne charriait alors

Aucun cadavre dans ses eaux transparentes


Souvenirs d’une époque qui ne fut jamais

Hors du cerveau de l’enfant

Enfant qui rêvait comme beaucoup

D’un monde sans misère et sans guerres

Enfant qui ne voyait pas celle qui se tenait

Tapie derrière le pointillé d’une frontière 


Ici se tient toute la nostalgie

Parce que l’enfant y a cru

L’enfant ne savait pas

Qu’il vivait dans un monde divisé

Entre deux vérités

Entre deux rives qui s’ignoraient

L’enfant naïvement

Comme tous les enfants

N’imaginait même pas possible

Qu’on vienne montrer du doigt

Ses petits copains aux billes de terre

L’enfant vivait dans un monde 

Qui était le sien installé dans sa pureté


Xavier Lainé


6 novembre 2022

lundi 21 novembre 2022

Une infinie nostalgie 5

 






Dans quel catalogue des pathologies me mettrez-vous

Moi qui ne cesse d’osciller entre optimisme et profond découragement

Dans quelle case me rangerez-vous pour la commodité de votre diagnostic

À vous lire je cherche moi-même 

Je cherche sur internet quel nom mettre sur mon malaise

Je cherche dans des livres de vulgarisation médiale

Je cherche en me rendant chaque jour en vos cabinets

Je cherche


Mais jamais ne trouve

Et le malaise dure

Alors vous me prescrivez quelque molécule magique

Qui mettra un terme à mon indépendance

À mon auto-suffisance thérapeutique

Car au fond

À de rares exceptions je suis mon propre médecin

Sinon que j’oscille

Que parfois la succession des hauts et des bas

Me rend la vie pas facile


Alors je cherche au fond de mes vieilles histoires

À quoi accrocher cette nostalgie constitutive

Çà ne règle rien

Ça ne fait que m’ouvrir les yeux sur ces parties enfouies 

Ça me permet d’admettre que la vie est ainsi

Qu’elle n’est droite sans doute pour personne

Sauf à s’en persuader

Juste pour ne pas souffrir 

Juste pour oublier ce tiraillement

Entre ce qui est et ce qui aurait pu être


Xavier Lainé


5 novembre 2022


dimanche 20 novembre 2022

Une infinie nostalgie 4

 




C’était choses vécues pourtant

Qui virent se côtoyer sur les bancs de l’école

Enfants de toutes couleurs

Toutes croyances

Toutes fortunes ou infortunes


À moins d’avoir rêvé

C’était choses vécues


Alors quand un député noir se lève

Prend la parole au pays des droits de l’homme

Et qu’un autre l’invective au nom de sa couleur

Au nom de son origine

C’est coup de couteau planté

Dans la mémoire de l’enfant que je fus


À moins d’avoir rêvé 

Et que le rêve ait tourné au cauchemar


Ma mémoire git aux portes du désert

Le désert a pris ses aises

S’est répandu jetant son sable

Dans les esprits englués de haine

Tandis que tirent les ficelles

Ceux à qui profite le crime

Ceux que tout le monde connaît

Tant leurs fortunes sont honte jetée

À la tragédie des misères


La nostalgie me prend et ne me quitte plus


Xavier Lainé


4 novembre 2022


samedi 19 novembre 2022

Une infinie nostalgie 3

 




Mais peut-être

Peut-être mémoire d’enfance 

Se trompe

Elle voit le paradis

Sans regarder l’enfer d’à côté

Elle voit la lumière

Ne distingue rien des ombres au tableau

Elle imagine ce qui n’est pas

Ou qui est

Mais à hauteur d’enfant

Tout plus grand

Tout plus beau

Tout plus aimable


L’enfant passe à côté 

Ne voit rien des tragédies du temps

Il s’amuse

Il saute dans les vagues

C’est un bonheur certes

Mais dans son sillage

Rien n’apparaît du drame

De la décolonisation brutale

De l’abandon en rase misère

De peuples trop longtemps sous le joug


L’enfant rêve

Il échange ses billes de verre

Contre des billes en terre

Sans voir le symbole

Tapis dans cette infime différence


Xavier Lainé


3 novembre 2022


vendredi 18 novembre 2022

Une infinie nostalgie 2

 




Nostalgie = blessure ?

Quelque chose de l’enfant qui s’est perdu

Quelque chose qui ne peut être oublié

Qui demeure 

Qui ne demande qu’à rejaillir

Quelque chose comme un balancier

Qui va et vient

Marque de son empreinte

Le mouvement du temps

Celui de la vie


Mes yeux s’ouvrent sur un monde

Ils ne savent rien de ce qu’ils voient

Que déjà en dedans mon cerveau

(Ou autre chose

Allez savoir où se niche ma mémoire)

Enregistre quelque chose

Quelque chose de subtil 

Quelque chose d’éphémère

Mais il enregistre


Puisque chaque chose vue

Entendue

Ressentie

Vient modifier ma substance

Tout est là

Moments heureux ou malheureux

Tout est là

Tout ne demande que revenir à la surface

Il ne manque que la petite flamme


Xavier Lainé


2 novembre 2022


jeudi 17 novembre 2022

Une infinie nostalgie 1

 




La nostalgie est une saison

Une saison qui traverse toutes les autres

Une qui se nourrit dans les méandres de la mémoire

Qui nous prend par la main

Nous retient parfois

Parfois nous pousse


La nostalgie est de saison

Elle a le teint gris des jours de pluie

Parfois prend couleur d’or et de pourpre

En marchant sous une averse de feuilles

Elle se cache entre les racines

Te conduit au coeur des forêts

Où ta mémoire peut errer

Verser ses larmes sans témoin


Je m’en vais en ce territoire

Je me souviens

Je ne cesse de me souvenir

Je regarde ce qu’ils ont fait 

De l’esprit des luttes

De la soif de vivre

Le tout réduit à portion congrue

Dans les chemins creux des tragédies


Chaque jour commence

Avec ce sentiment 

Celui d’avoir perdu quelque chose

Que rien ni personne ne saurait remplacer

Chaque jour vient dans cette brume 


Xavier Lainé


1er novembre 2022


mercredi 16 novembre 2022

Sans décrocher la lune 31

 



Photographie : XL-Dans la lune (Luke Jerram/Museum of the moon/Biennale Art & culture d'Aix en Provence 2022)



Je navigue et j’écoute

Je navigue d’un livre à un autre.

L’un qui revient sur une histoire qui me touche

Car j’en fus

De ces militants désirant profiter d’un moment

Pour faire évoluer le monde

Libérer les opprimés de toujours

Ne serait-ce qu’un peu

Qui paya dans sa vie

D’avoir un bref instant déstabilisé

Un ordre établi

Qui se sentit souillé lorsque 

Tournant le dos aux engagements pris

On revint dans les clous d’un système

Qui ne sait de la vie 

Que sa réification et son exploitation


Je navigue et j’écoute

J’ouvre des pages qui captivent mon attention

Il y en eut si peu qui témoignèrent

De ce qu’ils ont subi sous le joug

D’une dictature établie en 1973

Dont la logique et la philosophie

N’ont fait que se répandre

Sans qu’aucune frontière

N’en empêcha la pandémie


Je navigue et j’écoute

Tandis que j’écris

Un cours sur les violences sexistes et sexuelles

Et voilà que ça me renvoie à mon malaise permanent


Xavier Lainé


31 octobre 2022