Liberté ! Photographie de Juan Conca (avec son aimable autorisation)
Je cherchais en vain, à part ces samedis qui se succèdent à être aux côtés de ceux qui se battent contre l’infamie de mesures despotiques, sans relâche, comment inviter à saisir la perche, ouvrir la porte entrebâillée et commencer à changer l’eau croupie d’une société plus fermée que bocal à poisson rouge malade.
Je cherchais en vain : j’aurais pu signer un appel à voter, mettre mon nom dans une liste que presque personne n’aurait parcourue. Je n’ai pas voulu.
Alors, ma plume virevoltant sur des pages qui resteront secrètes, elle a fini par se poser ainsi : la poésie, c’est encore ce que je sais faire de mieux. Ça n’est pas très politique, ça voudrait être poétique ; c’est peut-être cette porte qu’il nous faut pousser, celle d’une poétique du Tout Monde si chère à l’ami Edouard Glissant.
C’est celle-là que je voudrais que, pour une fois, mes amis, mes frères et soeurs en territoire infiniment contraint, nous ayons le culot de pousser.
Voici donc pourquoi je voterai pour Jean-Luc Mélenchon, à coup sur et que j’aimerais que vous saisissiez cette perche, car elle est la seule clé, désormais, qui nous ouvrirait la porte d’un autre avenir, où tout sera à construire, à reconstruire, sans fin.
Pour ne pas vous voir rejoindre la longue cohorte des noyés.
Te voici noyé ami
Dans le bouillon infâme d’un monde
Noyé
Vois-tu la perche tendue
Celle qui ne te dis pas
Qui ne te dis rien
Celle que tous t’invitent
À négliger
Car
Vois-tu
Ils te préfèrent noyés
Agonisant sous les mauvais coup
Du moment que leur argent est sauf
Combien de crimes ont-ils
Cachés sous le tapis de leur « bienséance »
De leur « bonne gouvernance »
Combien de noyés
Combien de désespérés
La corde au cou
Sous le joug de leur totalitaire volonté
Et tu négligerais la perche tendue
Tu accepterais d’être le poisson nageant
En l’eau trouble d’un temps aveuglé
Qu’on vaccine sans rien changer
À l’eau croupie qui l’étouffe
Et tu négligerais la perche tendue
Qu’il te faudrait au contraire
Saisir et ne plus lâcher
Nul ne sait
Ni celui qui tend la perche
Ni ceux qui pourraient s’en saisir
De quel monde accouchera celui-ci
Mais
De toute évidence
Il aura la couleur qu’ensemble
Joignant nos diversités d’esprit
Nous saurions lui donner
Si une porte est entrouverte
Entre un dedans irrespirable
Et l’air pur du dehors
Ne la pousserais-tu pas
Ami
Si une brèche
Une seule
Apparaît sur le vernis
De leur monde rance
Ne faudrait-il pas l’écouter
Ne serait-ce que pour aller voir
Derrière
Le monde qui s’ouvre
Ils s’en vont
Les esclaves de leurs maîtres
Disant que rien n’est possible
Que tout n’est que démagogie
Sauf qu’il ne s’agit pas là
De laisser faire mais d’agir
Pas le choix ami
C’est l’heure
C’est l’heure d’agir
L’heure de saisir la perche tendue
De pousser la porte entrouverte
D’agrandir la fissure dans le mur des certitudes
Rien n’arrive
À qui ne fait qu’attendre
Rien jamais ne fut acquis
De liberté et de joie
Sans mettre la main
À la pâte d’une vie à construire
Il est l’heure
Il est l’heure
Tu le sais
Tu le sens
Ami
Rien ne se fera sans toi
Un tour
Un seul et la petite fenêtre de l’espoir
Pourrait s’ouvrir enfin
Aurais-tu peur
Aurais-tu peur du chantier terrible
Qui nous attend derrière la porte
Derrière le mur
Que je ne pourrais que
Te comprendre
Mais
Rien n’arrive sur le terreau de la peur
Rien n’arrive à qui ne se saisit pas de la perche
Rien n’arrive à qui n’ose pousser la porte
Rien n’arrive à qui rejette les mains tendues
Sinon la noyade assurée
Sous les sourires goguenards
Des soldats d’un temps révolu
Nous le savons
Nous le sentons
Que leur temps est révolu
Que quelque chose nous attend
Qui changerait l’eau du poisson
Qui en prendrait soin
Avec bienveillance
En place d’appât du gain
Il est l’heure
Ami
De saisir le manche et la cognée
De travailler à abattre ce vieux monde
Croupi dans l’eau infâme
Où tant d’hommes
De femmes et d’enfants
Ont perdu leur précieuse vie
C’est pour eux qu’il nous faut construire
Pousser la porte entrouverte
Changer l’eau du poisson
Le purger des poisons avalés
Ils ne savent rien de la singularité du vivant
Laissons les où ils sont
Nous n’avons rien à attendre d’eux
Sinon qu’ils nous tiendront la tête sous l’eau pourrie
Jusqu’à notre noyade
Sans une larme
Moi je ne cesse d’en avoir
Des larmes et des soupirs
De vous voir errer
Pauvres âmes en peine
Vous précipitant vers les récifs
Où leurs fausses lumières
Leurs sémaphores de pacotille
Vous attirent
Je ne cesse d’en avoir
Des larmes et des soupirs
M’offrirez-vous
Avant qu’il soit trop tard
De vous voir
Un sourire aux lèvres
Vous mettre à construire
L’humanité qui nous manque
Je vous attends
Je saisis la perche et vous la tends à mon tour
Il est temps
Il est l’heure
Poussez la porte
Poussez la
Xavier Lainé
4 février 2022
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