dimanche 6 avril 2025

Ivresse et solitude 22

 





Je trainais les pieds dans la boue

Car les rues ici n’avaient plus forme de rues avenantes

Elles n’étaient plus que chemins infâmes

Qu’on rencontre d’habitude aux flancs des collines


Les visages semblaient aussi défaits que les rues

Les places n’étaient plus que failles béantes

Que même les prières en l’église murée de barrières

Ne suffisaient plus à combler dans l’air gris


Jamais vu si peu de monde aux samedis allègres

Où vont gens de peu dans petite ville lointaine

Causant ici et là des bruits que font les courants d’air

Lorsqu’ils demeurent cloitrés derrière façades en travaux


Je trainais des pieds dans la boue

Mes yeux n’en pouvaient plus de contempler

La triste cohorte des citoyens fourbus et soumis

Qui n’osent dire en quel labyrinthe ils errent


Ils ont le regard éteint des gens prisonniers 

Pliés sous le joug des tristes conventions

Qui interdisent aux bourgeois colère et révolte

Quand il faudrait pourtant un soulèvement 


Ici monsieur on vit soumis car c’est petit pays

Si petit pays que dans les brumes la pensée s’envole

Qu’il n’en reste que vagues empreintes dans la boue

Où mes pieds traînent vague souvenirs de bonheurs


J’allais par les rues boueuses

Traînant le spleen d’un temps déboussolé

D’un temps d’effroyables effondrements



Xavier Lainé

22 février 2025


samedi 5 avril 2025

Ivresse et solitude 21

 





Que tu croies en Dieu Bouddha ou Vishnu

Que tu espères en Allah ou Yahveh

Ils ne viendront ni les uns ni les autres

Au secours de ta souffrance


Mais


Ce n’est pas non plus dans ta solitude

Que quelque chose pourrait se mettre en mouvement

Humains nous sommes solitaires

Mais aussi solidaires

C’est notre marque de fabrique

Celle qu’au nom de sombres profits

Certains cherchent à gommer

Effacer de nos mémoires et de nos comportements


Nous faire croire qu’il serait un sauveur suprême

Est l’ultime supercherie

Celle qui nous enfonce dans le déni

Celle qui nous embarque dans des soumissions sans fin


Et pourtant


Et pourtant il semble que nous ayons désappris

À nous soutenir dans l’adversité

À rire des difficultés et misères de l’autre


Combien de fois ai-je entendu

Que si je ne m’en sortais pas c’était faute de savoir y faire


Certes


Mais le meilleur savoir faire et d’ouvrir les bras



Xavier Lainé

21 février 2025


vendredi 4 avril 2025

Ivresse et solitude 20

 





Il semble que ça en amuse

Que la folie des hommes s’empare du monde

Flagelle la terre de sa puissance 

Tue et martyrise leurs semblables

Sans état d’âme aucun


Il semble que ça en amuse

Qu’il faille à ceux-là se précipiter 

Dans le vide abyssale creusé par les premiers

S’y jeter avec la mâle assurance

De ne jamais mourir

Puisque leur science les rendra ainsi

Immortels


Pauvre espèce livrée en proie au pire

Mufle hideux à peine masqué

Sous l’apparente courtoisie 

Des corbeilles où s’épanche l’or et l’argent

Les dividendes comme médailles

Sur les poitrines de combattants 

Qui ne sont qu’assassin officialisés


Derrière et dans leur sillage

Ne resteront que ruines

Ils regardent ça avec indifférence

Suivis par les badauds qui s’amusent

Devant le pitoyable spectacle

D’une tragédie humaine

En voie d’accélération


D’autres autrefois 

Partaient à la guerre en chantant

Ils y vont désormais l’oeil rivé sur leurs écrans


*

Je suis de cette nature 

Qui ne cesse d’attendre

Un signe


Un insigne 

Un geste


De cette nature qui ne cesse d’en commettre

Des signes et des gestes

Par pur souci de l’accueil


Par pur souci est un mauvais terme

Ce n’est pas souci

Que de vivre à bras ouverts

De les refermer sur qui en a besoin


Ce n’est pas souci

C’est parfois pur bonheur

Lorsqu’une âme en peine

Toute contractée et repliée

Se dépose là

Déplie ses ailes

Trouves un chemin vers l’envol

Comme un oiseau blessé après sa guérison


Je suis de cette nature

Qui ne cherche qu’une chose

Se trouver à la juste place

Pour accueillir qui a besoin de repos



Xavier Lainé

20 février 2025


jeudi 3 avril 2025

Ivresse et solitude 19

 





Il est agressif le temps qui passe

Il ne me laisse aucun répit

Pas un soupçon rien

Rien de rien

Juste comme un train à grande vitesse

Il ne cesse de passer

Tandis qu’essoufflé

Je tente de l’arrêter

Avant le grand fracas



Xavier Lainé

19 février 2025


mercredi 2 avril 2025

Ivresse et solitude 18

 





Désolé

Difficile de me faire

À une ville livrée pieds et poings liés


Une ville où le livre peu à peu

N’a plus droit de cité

Sinon pour que quelques huiles

Quelques jours

Viennent y pérorer 

Une ville sans ambition 

Sinon quelques belles façades

Des places rutilantes et propres

Mais dont la vie s’est exilée


Désolé

Difficile de m’y faire

À cette ville qui se vide

Peu peu de toute son âme


Encore deux coups de pelleteuses

Il n’en restera rien

Sinon belles apparences

Dans des rues mornes et vides

Vous aviez cru en la jeunesse

Vous ne saviez pas que parfois

Jeunesse sans esprit se fourvoie

Dans les pires détresses


Désolé

Difficile de m’y faire

À cette ville qui meurt

Sous les mauvais coups


*


Je vais par les rues éventrées

À la recherche de l’impossible

Celui qui se présente juste au coin

Des mots qui dégoulinent de bienveillance


Je vais par les rues mortes

Sous un soleil de printemps

Au plein coeur de l’hiver

Où nos coeurs saignent 


Je vais par les places défoncées

À la recherche des ultimes mots

Posés entre deux couvertures

Pour qu’ils ne prennent pas froid


Je vais en ma ville perdue

Son âme vendue au plus offrant

Si sûr de lui qu’on lui donnerait

Bon dieu sans confession 


Je vais en ma ville qui saigne

Sous le joug implacable 

Des certitudes établies

Des dogmes de l’argent roi


Je vais d’un pas lourd

Cherchant une once de pitié

Dans les artères exsangue

Où errent l’oeil morne

Les citoyens d’un monde vendu

Aux pires démolisseurs

Que notre espèce connaisse


Je vais d’un pas pesant 

Courant dans ma ville vouée à la mort



Xavier Lainé

18 février 2024