mardi 15 avril 2025

Ivresse et solitude 28

 





Toujours je m’égare

J’erre sans trop savoir

Où déposer mes mots

Comment mettre mes pieds

Même si je ne les compte jamais


Toujours je m’évade

Lorsqu’il ne faut pas

Mes yeux partent ailleurs

Mes oreilles se ferment

Sur les sifflements permanents

Que les bruits du siècle provoquent


Toujours je me mets

Devant la page sans trop savoir

Ce que mes doigts vont bien savoir dire

Quand mon esprit se présente vide


Écrire est un joyeux délire

Un acte d’insoumission totale

Écrire est une transgression

Dès lors qu’ici on se doit

De montrer patte blanche

Pour exister aux yeux de ce monde


Écrire me permet seulement d’être témoin

De léguer sur les pages

La longue litanie de ce que mes yeux voient

De misères et de tragédies

Mais aussi de cette cacophonie

Que font les justifications absurdes

Pour ne pas dire les crimes commis

Au nom d’une supériorité raciale



Xavier Lainé

28 février 2024


lundi 14 avril 2025

Ivresse et solitude 27

 





Bien sur que je pourrais

Plonger en moi-même jusqu’au vertige

Voguer de contemplation en méditation

Jusqu’au plus profond de mon être

Que mon être en serait 

Il paraît

Plus être que ce qu’il est


Bien sûr que je pourrais

Suivre le chemin des gourous de la sagesse

Chercher dans le puits de mon âme

Quelque chose d’insondable

Quelque chose d’indéchiffrable

Tourner autour des mots

Pour en dire substantifique moelle


Bien sûr que je pourrais

Voguer à la surface de moi-même

Chercher une beauté introuvable

Car à trop me contempler 

Je finirais par me détester

Jusqu’au vertige existentiel


Bien sûr que je pourrais

Tourner tellement autour de mes gouffres

Que je n’en goûterais que l’amertume

Sans jamais y trouver 

Ce qui me fait vivant parmi les vivants

Humain parmi les humains

Cette chose insondable

Qui gît dans une communauté d’êtres

En recherche de ce commun

Qui les tisse dans leur humanité



Xavier Lainé

27 février 2025


samedi 12 avril 2025

Du courage d’écrire dans l’ombre, d’éditer les écrivains du silence et de donner chance à leurs livres.


Du courage d’écrire dans l’ombre, d’éditer les écrivains du silence et de donner chance à leurs livres.

(Un merci du premier aux seconds et encore plus aux troisièmes)


À Claire et Laurence des éditions Ex Aequo

Aux libraires de la Librairie Le petit pois 





C’est très difficile d’écrire, encore plus de considérer avec enthousiasme ce qu’on écrit.

Très difficile pour une raison simple : pour écrire un peu, il faut lire beaucoup.

Or plus on lit et moins on se trouve fier de ce qu’on écrit.

On trouve toujours que d’autres disent bien mieux les choses.

Alors on écrit quelque chose qui ne semble pas avoir été trouvé dans ce qui est déjà écrit et publié.

Dans ce que éditions, critiques et libraires mettent en avant ou pas, mais qui un jour, plus ou moins par hasard vient à notre portée.

On se jette dessus comme la misère sur le pauvre monde.

On dévore à pleins yeux ce qui se cache entre les pages.

Voilà que nos propres écrits paraissent bien mièvres comparés à.

L’ego en prend pour son grade.

Il n’est absolument pas certains que ce qui sort sous les doigts du matin puisse intéresser quelqu’un.

Mais on écrit, parce que c’est une pulsion impossible à réprimer.

On écrit, puis, sans logique aucune, on se surprend à réunir quelques écrits pour en faire un volume. Trop gros au premier abord. On s’y colle. On remanie, on coupe, on colle, on en retranche et on en rajoute.

On tombe par hasard sur l’adresse d’une éditrice.

On se dit qu’on a peut-être des chances.

Comme on est dans le doute existentiel, on vérifie à deux fois pour être bien certain qu’il s’agit bien d’un compte d’éditeur.

Le compte d’auteur relève d’une prétention qui ne sied pas à ceux qui doutent.

D’un doigt hésitant, on appuie sur « envoyer ».

Puis on attend.

On attend parfois longtemps.

On attend parfois sans retour.

Un matin pourtant, alors qu’on ne s’y attend plus : « Votre recueil a attisé notre attention. Après signature du contrat, nous nous mettrons au travail pour publication. »

Plusieurs mois s’écoulent et le livre paraît.

On pourrait croire que voilà, mais non, pas voilà.




Premier obstacle : une Agence Régionale du Livre qui met en doute que vos contrats soient bien à compte d’éditeur et met à votre charge d’en apporter la preuve. À défaut, vous n’existez pas (ou plus) dans la liste des auteurs de votre région. Les porteurs de projets littéraires ou artistiques, assurés de briller, sont bien là, mais vous, avec vos doutes, point.

Deuxième obstacle : les voies impénétrables des médias. Car qui pourrait s’intéresser à un auteur qui doute de lui-même ? On préfère bien évidemment ceux qui ont des certitudes. Alors, silence radio. Ou juste petits signaux trahissant un intérêt mesuré.

L’écrivain de l’ombre mesure alors tout le courage qu’il faut à ses éditrices pour publier des textes voués à si peu de considération.

Il mesure aussi, lorsqu’il découvre une pile de ses livres chez ses libraires préférées, le courage des libraires lorsqu’ils osent sortir des sentiers battus de la « grande édition », et qu’ils mettent en avant l’auteur inconnu. 

Si peu gonflé de lui-même, l’auteur de l’ombre, qu’il s’étonne qu’en un point au moins de ce monde obscurci du bruit que font les présomptueux, l’oeuvre de son esprit trahie par ses doigts sur le clavier trouve havre où cheminer enfin au grand soleil.

Pour combler les doutes, il suffit d’une forme, même timide, de reconnaissance.



Xavier Lainé

Manosque, 10-11-12 avril 2025


vendredi 11 avril 2025

Ivresse et solitude 26

 






Le tempo s’accélère

Les heures tournent

C’est vertige au crépuscule


Le tempo s’emballe

La danse se fait vertige

Jusqu’à rendre l’âme


Parvenu aux heures nocturnes

Essoufflé je regarde la page

Qui n’a cessé de se dérober aux mots


Il serait temps d’avoir le temps

De ne plus courir après les ombres

Vivre à plein régime sans ralentisseurs


Le tempo s’accélère

La vie fermente sous les doigts engourdis

Un petit message d’amour et de patience

Se dépose à l’heure de plonger dans les rêves



Xavier Lainé

26 février 2025


jeudi 10 avril 2025

Ivresse et solitude 25

 





On ne devrait pas écrire par temps gris

Par temps gris persistant

En pays qui n’en a pas habitude

On ne devrait pas


On ne devrait pas écrire par âme grise

Par âme grise oscillant

Entre moments apaisés et tempêtes existentielles

On ne devrait pas


On ne devrait pas écrire par époque de tempête

Lorsque plus rien de ce en quoi on croyait

Ne tient la route face au déferlement

Des mauvaises nouvelles du monde

On ne devrait pas


On ne devrait pas écrire lorsque les doigts sont gourds

Plombés au clavier du matin

Avec envie furieuse de s’évader

De courir loin pour ne plus rien endurer

Plus rien subir plus rien

On ne devrait pas


On ne devrait pas écrire par esprit fugueur

Qui ne tient plus en place devant la vie qui défile

La vie qui se défile

Avec moins d’avenir que de passé

Le souci de survivre en plus

On ne devrait pas


On ne devrait pas écrire

Tout simplement on ne devrait pas

Ça laisse des traces sur le linceul du jour



Xavier Lainé

25 février 2025