vendredi 31 octobre 2025

Une autre nef des fous 15

 





Rien ne distingue le génocide en cours de ceux qui l’ont précédé. 

Rien.

Sinon qu’aujourd’hui tout ce passe sous nos regards, que les crimes sont parfaitement établis et documentés en temps réel.

Ce que nous voyons n’est que la répétition de ce qui s’est déjà produit .

Le crime qui nous souille est de plus en plus visible.

Nous sommes aussi de plus en plus nombreux à ne plus supporter cette souillure.

Car si autrefois les criminels passaient pour princes, rois, empereurs ou explorateurs, ils ont désormais des visages et des noms. Ceux qui les soutiennent aussi.

Leurs finances sont traçables, les armes qu’ils fournissent aussi, ainsi que le commerce qu’ils entretiennent avec les bourreaux.

C’est peut-être ce qui explique leur animosité à l’encontre de celles et ceux qui s’élèvent contre.

Ils voudraient bien que, comme autrefois, le crime se passe dans un silence glacé voire soit travesti en formidable conquête de la « civilisation ».

Ils voudraient encore nous faire prendre la tragédie pour un progrès. Ils sont passés maîtres dans cet enfumage.

Ce qui fut possible et rendu glorieux dans nos manuels d’histoire, désormais apparaît pour ce qui est : un crime contre l’humanité, aboutissant à un génocide accompagné de déportation de populations.

Le droits international ne tolère en la circonstance aucune neutralité.

Se déclarer neutre devant le crime de masse revient à le cautionner, donc à en être complice.

Où, hier, seuls quelques individus connus pour leur collaboration pouvaient être confondus et jugés, désormais la foule est immense de ceux qui, du fait de leur silence, leur commerce, leur soutien tacite ou actif, leur neutralité devant l’ampleur de la catastrophe (Nakba), devraient l’être.

Il faudra des années pour guérir notre humanité de cette souillure.

Il faudra des années pour traduire devant le tribunal international, les persécuteurs et leurs complices actifs ou passifs.

Ce sera nécessité pour que notre humanité grandisse.



Xavier Lainé

15 septembre 2025


jeudi 30 octobre 2025

Une autre nef des fous 14

 





Alors j’admets une fois pour toute d’en découdre

Avec le poème comme avec la vie

Avec les mots qui me manquent 

Avec ceux qui me trottent nuit et jour dans la tête

Pour demeurer secs au matin 

Devant le blanc de la page


Alors j’admets une fois pour toute d’en découdre

Avec ce monde égaré

Avec ces humains qui laissent derrière eux

Pitoyables traces de leur passage

Je n’admire pas les travaux pharaoniques

Qui traversent les siècles 

Mais au moins ont-ils une certaine beauté

Tandis que partout ce temps ne sème

Que ruines et détritus


Alors j’admets une fois pour toute d’en découdre

De tordre les mots jusqu’à en tirer jus

Tandis que l’amour comme l’art

Ne sont plus qu’objet de cupides convoitises

Réduits à produits étalés

Dans les gondoles du commerce roi


Alors j’admets une fois pour toute d’en découdre

De dresser mes mots comme barricades

Visant à protéger des flots boueux

Les âmes encore vivantes 

Vibrantes d’humanité à venir

Pauvres petites flammes encore allumées

Dans le massacre en cours

De tout ce qui fut au-dessus des pages

Construit pour en transmettre le flambeau



Xavier Lainé

14 septembre 2025


mercredi 29 octobre 2025

Une autre nef des fous 13

 






Comment dire dans le flot des lectures ce qui vient, ce qui contredit le propos d’hier ou parfois l’alimente ?

J’hésite sur le seuil de la page. Un projet en tête qui ne sait comment sortir et se construire.

Revenir à cette histoire. Mais tout ne commence pas dans le choc culturel entre les malfrats de Colomb (colon ?). Lisant l’histoire de l’Algérie avant 1830, je découvre que l’esprit colonial était typique de Rome.

Grandeur et décadence de ce qu’on nous fait prendre pour civilisation quand ce n’est qu’oeuvre de domination d’un peuple sur les autres.

Rome fut expert en la matière, s’appropriant tout ce que la Grèce avait inventé pour s’en nourrir.

Rome ne fut sans doute pas le premier Etat à considérer ses voisins comme des barbares à civiliser.

Ne fut pas premier et en tous cas, l’histoire vient nous le montrer, pas le dernier.

Mais on nous dit que ce fut oeuvre de civilisation que d’exterminer tout ce qui ne fut pas grec ou latin.

À simplifier l’histoire, en la limitant à ses prétendus grands hommes qui ne furent pour la plupart que tyrans abominables, on greffe dans nos esprits un mythe : on nous parle de civilisation gréco-latine, aujourd’hui on nous assène une civilisation judéo-chrétienne.

Que ne ferait-on pas pour gangrener nos esprits et ceux de nos enfants en leur racontant des fables sans moralité.

Car le monde prétendu civilisé se chiffre en millions de morts sacrifiés pour la gloire des dieux, des empereurs, des dictateurs de toutes sortes, dans un effroyable carnage.

Il faut lire et relire des ouvrages fort peu prisés pour se rendre compte de la supercherie.

Sur les ruines de Carthage, on faisait ânonner aux enfants une histoire de gaulois qui n’ont jamais existé tels qu’ils étaient présentés et du bon roi St Louis venu mourir à Tunis au retour d’une croisade.

Pas un enfant ne pouvait se reconnaître dans cette histoire mais le ver de la ségrégation était introduit dans les jeunes fruits.



Xavier Lainé

13 septembre 2025


mardi 28 octobre 2025

Une autre nef des fous 12

 





Le choc et le chaos

Le chaos comme conséquence du choc

Les vies éparpillées

Sous l’impact de chocs et chaos

Les vies écartelées

Entre vague plaisir

Intenses nécessités


Le choc et le chaos

Écrire comme on pose

Des points de suspension

Pour dire que rien n’est jamais fini

Qu’il nous faut creuser

Puiser en vies éparses

La force encore de penser

Celle d’écrire

Sans chercher queue ni tête

Écrire décousu

Commencer sur une idée

Poursuivre sur une autre

Chacune en résonance

Avec la précédente et la suivante


Le choc et le chaos

Se disent en fragments épars

En fractures mal consolidées

En plaies mal cicatrisées

Qui se recouvrent à chaque instant

Dans les tiraillements du temps

Dans les pleurs trop vite enfouis

Dans les silences qui font mauvais suaire

Autour des corps encore vivants

Enfouis sous les décombres



Xavier Lainé

12 septembre 2025


lundi 27 octobre 2025

Une autre nef des fous 11

 





Bien sûr tout ne commence pas avec 1492.

L’adoption du droit romain fut aussi celle du droit de dominer et de coloniser.

La culture grecque considérait qu’il y avait les bons d’un côté et les barbares de l’autre : un autre versant de ce même esprit.

1492 est l’aboutissement d’un esprit blanc européen qui considère le monde comme sa propriété, sa religion comme la seule vraie, la Terre comme objet d’exploitation sans limite.

Le blanc européen a nommé indiens des gens qui n’avaient rien à voir avec l’Inde, a nommé Amérique un continent qui n’avait à voir qu’avec Amerigo Vespucci : une invention de cartographes blancs européens.

Car être blanc européen implique de mal supporter qu’une Terre n’ait pas de nom, ne soit pas possédée mais habitée.

Ce qu’était ce continent bien avant que les blancs européens ne l’envahissent et en fassent leur colonie, y envoyant leurs repris de justice pour remplacer les peuples premiers, décimés par maladies, guerres et misères.

Alors on fit commerce des noirs, on en fit des esclaves au service des mêmes blancs européens qui prétendaient à la supériorité de leur « civilisation » avec la bénédiction de leurs églises.

Tout esprit qui s’opposait à cette domination était passible des interrogatoires musclés de l’inquisition.


Coloniser les peuples premiers de toute la Terre comme les mâles blancs européens dominaient la moitié féminine de l’humanité.

Les femmes rebelles étaient vouées au bucher après procès en sorcellerie.

Certes la bienséance des siècles invita la population blanche européenne à glisser sous le tapis la malfaisance de son esprit.

Il vaut mieux ne pas parler de ce qui fâche et inculquer aux enfants, y compris miséreux la supériorité de sa couleur et de sa culture.

Buvez donc au biberon l’esprit de domination mâle et coloniale.

«  Nos ancêtres les gaulois étaient grands, blonds, aux yeux bleus », m’invitait-on à ânonner sur les bancs de mon école tunisienne : je regardai autour de moi, aucun n’avait un tel profil !



Xavier Lainé

11 septembre 2025


dimanche 26 octobre 2025

Une autre nef des fous 10

 





Je me suis blotti dans le nid des Arawaks

Non loin ils avaient construit un fortin

Mes amis tentaient de les aider

Leur laissaient nourriture

Nuitamment devant la porte

Ils se jetaient dessus goulument


Je me suis blotti dans le nid des Arawaks

Les uns après les autres

Mes compatriotes s’éteignaient

Pris d’un mal que mes nouveaux amis

Ne pouvaient connaître

Un mal qui ne tarderait pas à les atteindre


Je me suis blotti au nid des Arawaks

Un matin il n’y eut plus signe de vie

Au fortin des colons

Le mal commençait à se répandre

Au nid des Arawaks

Lorsque les colons revinrent

De leur lointaine contrée

Il ne restait presque plus personne

Dans la tribu de mes amis

Les colons s’en réjouirent

Je trouvai le moyen de m’enfuir

De ne pas me trouver nez à nez

Avec si tristes sires

Je partis me blottir

Au nid d’autres peuples

Que je vis s’éteindre du même mal

Les uns après les autres

Tandis que colons s’appropriaient leurs terres



Xavier Lainé

10 septembre 2025