dimanche 4 avril 2021

Rouge misère 6 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




Il me faut emboiter le pas, défaire les pavés, danser la carmagnole, sous les murs de la Bastille.

Il me faut aimer, marcher le nez en l’air sur des quais et des places ou s’épanche la liesse et le goût de la liberté.

Je suis de cette engeance qui ne sait vivre sous couvercle, enfermé et soumis.

Alors j’étais là, j’étais de tous les rêves au moment de choisir.

Encore bien maladroit, comme tant d’autres, je ne savais pas très bien ce qu’il fallait faire.

Pour ne pas me faire, nous faire confisquer cet élan.

C’est un peu notre travers : toujours cette naïveté.

De croire que comme moi, comme toi, comme nous, la soif de liberté et d’amour serait le fil rouge d’un monde en permanente construction.

Car toujours les fondations sont branlantes, et l’état un chantier sans fin.

À défaut c’est une dictature qui nous prive de notre esprit, de notre ingéniosité, de notre créativité.

Bien sûr, l’espoir semé fleurit un instant sur les bancs de 93.

Un vrai pouvoir sans absolu, un pouvoir par et pour nous, le peuple.

Et ça ne pouvait pas durer, car nous ne savions pas.

Enivrés de cette provisoire victoire, nous ne savions pas voir qu’une classe allait en chasser une autre.

Notre marche fut si longue pour atteindre cet instant éphémère.

Comment imaginer que ça finirait dans le sang et la guerre.

Nous ne voulions que danser sur les places libérées du joug féodal.

Nous ignorions qu’un esclavage plus sournois remplacerait notre servage.

Qu’il serait inventé pour durer bien plus longtemps que nos rêves.

Nos utopies ne s’arrêteraient pas à ce retour de bâton.

Nous allions nous relever, mais il faudra du temps, beaucoup de temps.

Si nous sommes naïfs, nous sommes aussi très patients, vous avez remarqué ?


Xavier Lainé


6 mars 2021


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