mercredi 15 mai 2024

Pas savoir 22

 





Les mammouths laineux n’ont en fait jamais totalement disparus

Ils étaient en sommeil et rêvaient de revenir sur la scène sous d’autres traits

Celui de jeunes apparatchiks dont les dents comme des défenses rayent le plancher des édifices publics

Ils ne mesurent pas trois mètres de haut mais regardent le monde du sommet de leur bêtise

Ils entendent faire marcher au pas cadencé de leur histoire rance les peuples soumis par les flots de la misère

Ils ne sont pas nombreux les mammouths mais ils écrasent tout de leur poids dogmatique

Ils s’assoient sur les droits de l’homme

Méprisent du haut de leur barrissement toute parole contraire à la leur


On aimerait qu’ils soient vraiment en extinction mais ils sont coriaces 

Car ce sont mammouths de garde qui veillent au profit de leurs semblables



Xavier Lainé

22 avril 2024


mardi 14 mai 2024

Pas savoir 21

 




Ma ville était dans le pré

Mais le pré n’a qu’un seul bord


Ma ville est en proie au délire

La méthode Coué y bat son plein


Ma ville est tellement bien tenue

Que selon les banques tout y va de mal en pis


Ma ville est dans le dogme

Du commerce et de l’animation


Ma ville vieillit comme moi

Sa jeunesse s’enfuit ou s’y ennuie


Ma ville ne connaît qu’une pensée

Toute opposition en est bannie


Ma ville est devenue un monstre

Converti à celui de la consommation


Ma ville va mal ma ville va pas bien

On y vit comme on peut

Ma ville se proclame ville du livre

Ma ville ferme librairie et bibliothèque

Ma ville n’offre rien d’autre à sa jeunesse

Qu’un départ vers d’autres horizons

Les vieux il est vrai sont plus « gérables » que les jeunes

Parfois d’ailleurs on croit confier son sort à la jeunesse

On ne regarde pas son esprit terriblement vieux



Xavier Lainé

21 avril 2024


lundi 13 mai 2024

Pas savoir 20

 




Il semble qu’on s’offusque

Que pouvoir puisse interdire

Que pouvoir puisse faire taire

Toutes voix discordantes

Il semble


C’est oublier qu’en règne de bourgeoisie

En système capitaliste

La parole se doit d’approuver les maîtres

Ne doit point contredire celle

Qui se soumet aux intérêts de la minorité

Il semble


Que ma parole par exemple

Ne trouve pas refuge entre pages livresques

Devient presque un hommage

Du vice à la vertu

Je ne demande donc pas

Que ma parole trouve preneur

Parmi les chiens de garde du système


Qu’attendre d’autre des esprits dominants

Que la matraque la camisole et la prison


Prétendre que ces gens là pourraient accepter

De rendre ce qu’ils doivent au commun

En dénonçant les manigances visant à faire croire 

Que nous serions encore en démocratie

C’est semer l’illusion

La démocratie en France est morte en 1958 (si un jour elle fut)



Xavier Lainé

20 avril 2024


dimanche 12 mai 2024

Pas savoir 19

 




On parle

On cause

On fait des discours

Mais


Discours moralisateurs

Discours haineux

Discours


On parle

Bla bla bla

Mais


Mais la vie

Elle

Ne sait que devenir

Dans ce déferlement 

De mots dits

De maudits mots


On parle 

On cause

Tandis qu’autour

Tout chancelle

Tout tremble

De peur et de froid

De peur et d’effroi


Tandis que peur et effroi

On parle

On émarge aux dividendes de divine corbeille


Mais

Chut

Il ne faut pas dire

Que peur et effroi

Ne sont que discours

Résultat de discours hypocrites


On parle

Pour ne rien dire

Surtout pour ne rien faire

On aime poésie qui aide

À détourner le regard

À ne pas regarder en face

L’ignoble et le cynique

Celui qui vient sur les ondes

Vous dit « mes pauvres 

Qui n’êtes rien et le demeurerez

Prenez votre mal en patience

Le bout du tunnel est proche »


Sauf qu’à l’autre bout on creuse

Pour que tunnel dure

Jusqu’à faire de vie

Un enfer admis sur terre

Dans l’espoir religieusement imposé

D’une rédemption dans un au-delà

Au-delà de tout


Tandis qu’ici même

Les démons du capital s’activent

De discours en palabres

Cachant leurs monstrueux profits



Xavier Lainé

19 avril 2024


Pas savoir 18

 




C’est un combat contre soi-même

Que de ne pas accepter les dogmes dominants


C’est une lutte de tous les instants

Que de ne pas sombrer dans les dépendances


Ce que ce monde aime bien

Il te faut le détester

Où il veut que tu ailles

Il te faut t’en détourner


Et puis marcher la tête haute

De n’avoir jamais courbé l’échine

Devant les monstres ivres de pouvoir

Ni signé le moindre compromis

Avec les stupides injonctions


C’est toute une vie d’apprentissage

Que de ne jamais se soumettre

Aux dictatures absurdes

Aux injonctions contradictoires

Aux mensonges et hypocrisies


*


Mais voici que le Landerneau « Culturel » s’agite

Diable !

Des écrivains venant du monde des riens

Se mettent à obtenir renom

Même à obtenir « Prix Nobel » !


Voici que le Landerneau de la « Culture »

Celui qui a ses clefs dans le beau monde

Dans celui bien poli mais pas toujours honnête

De la bonne bourgeoisie confortablement installée

S’émeut de ces « transfuges »

Qui sortiraient de leur classe pour envahir la leur !

Quelle outrecuidance !


*


Car dans leur monde il faut rester

Dans l’entre-soi

Ne pas chercher à sortir de sa classe

En préserver l’essence

Les plus riches d’un côté

Avec leur bagage de « culture »

Les autres de l’autre côté

Considérés sans


Que parmi les « rien » on se mette à écrire

Ne dérange pas ceux de la « classe »

Du moment que ceux-là ne trouvent aucune notoriété


C’est injure à la culture bourgeoise

Que les prolétaires sachent écrire

Puissent avoir célébrité même passagère

Ça ne colle pas avec les canons de leur pensée rance

Alors dans le Landerneau de la « culture » bourgeoise

On épilogue à l’envie sur les « transfuges de classe »

Comme si écrire et publier n’était l’apanage que de la leur


Ils sont les ferments de la ségrégation

Mais il ne faut surtout pas le dire



Xavier Lainé

18 avril 2024