dimanche 31 mars 2024

Folies 8

 



Image : Graphèmes enfantins- Xavier Lainé (avec l'accord de l'enfant)




À Michèle Durand


Tu vois que toi aussi

Tu en es arrivée à voir rouge

Du fond de cet enfermement


C’est toute la puissance de l’art

De l’esprit créateur

De l’esprit humain

Que de pouvoir s’évader

Des prisons où nous plongent

Les absurdes assoiffés de pouvoir


Ainsi donc tu as vu rouge

Avant de réparer d’or les fractures du temps


De bols en bols réparer la matière

Raccommoder les fractures imposées

En faire un chemin de lumière

Où les mots pourraient plonger

Dans une ultime liberté


Dans cette danse

Entre mots et matière

C’est de vie que le message cause


C’est de vie que femmes nous nourrissent

Lorsqu’elles viennent à pas feutrés

Nous ouvrir les portes créatives

D’une façon d’être au monde


*


À Virginie Besançon


Raccommoder la mémoire

Évoquer les visages sans les reconnaître

Coudre de coeurs en coeurs

Les liens qui nous font humains


Raccommoder

Oublier les murs de lamentations

En construire qui soient

De simple réparation


Tirer le fil 

Qui de vies à vies

Invite à la beauté 

Éphémère 

Comme toujours la beauté

Mais on s’en souvient


On tisse

On coud

On répare les âmes perdues

Les coeurs éperdus

Posés là 

À même la pierre


Ici même où les mots tournent sous les voûtes

Le temps se dépose en sédiments de souvenirs

Les plaies cherchent baumes de douceur

À l’abri des fragments 

L’âme y demeure silencieuse



Xavier Lainé

8 Mars 2024


Folies 7

 



Image : Graphèmes enfantins- Xavier Lainé (avec l'accord de l'enfant)



Je vous écris

Je vous écris du fond de la mine

Du fond de moi-même enfoncé dans la mine

Je suis de cette espèce en voie de perdition

Qui ne sait vivre autrement qu’en vivant

Qui ne sait rien calculer

Qui n’a d’ailleurs jamais su


Je vous écris

Je vous entends railler mon inconséquence

De n’avoir rien calculé en vue de ma vieillesse

Au point que demain peut-être

Il me faudra larguer les amarres d’une vie 

Aux apparences trompeuses

Rien parmi les riens

Minable idéaliste dont les rêves pourtant

Avaient parfois belle allure


Je vous écris

Vous me dites

Tu aurais dû

Tu aurais pu

Calculer

Prévoir

Te projeter


Mais

Dans quel avenir sinon cette épouvantable défaite

De l’esprit et du corps

Où nous enferme le monde jailli d’un coup d’Etat

Dans la violence et le meurtre d’un peuple


Est-ce dans ce monde là

Dans cet univers là 

Que vous me suggérez n’avoir pas su me projeter

Un monde où tout s’achète et tout se vend

Un monde où sauf à lisser les apparences

L’existence n’est rien d’autre qu’une façade

Un vernis sans contenu

Un tableau qui n’exprime rien

Que la sauvegarde de lui-même

Est-ce donc ça votre monde


Je vous écris

Je vous écris du fond de ma colère

Colère rentrée 

Qui ne trouve sortie que dans les mots

Maudits mots qui chantent à mes oreilles

Depuis toujours

Vains mots maudits

Qui disent ce qui travaille

Dans les profondeurs d’un monde absurde


Je ne suis pas de ce monde là

Qui s’échine à gagner sa vie

En en perdant l’âme et l’espérance

Sur les ruines de ce qui fait la beauté

Je suis de ceux qui sont les éternels perdants

Ceux qui repartent avec leur petite valise

Une fois les grands destructeurs de mondes passés

Huns parmi les Huns

Ils ne savent parler que de guerres

Ils la font mais pas par eux-mêmes

Ils y envoient encore mes congénères 

Qui ne sont rien aux yeux des apparences dorées



*


À Michèle Durand et Virginie Besançon


Il suffit parfois d’une bulle de beauté

D’un espace d’humanité

Où brille l’art de créer


De mots en textures

Quelque chose se noue et se dénoue


C’est comme un message lancé

Dans les vagues du temps


Parfois le fil des mots

Raccommode les fragments


La vie est ainsi qui nous laisse

Un peu brisés 

Un peu amers


L’art est un refuge

À qui veut 

Ne pas perdre pied



Xavier Lainé

7 mars 2024


vendredi 29 mars 2024

Folies 6

 



Image : Graphèmes enfantins- Xavier Lainé (avec l'accord de l'enfant)



La plus grande des tragédies

Est que

Soutenant les innocents d’un côté

Sans oublier les innocents de l’autre

On se retrouve condamné

Sous peine de soutenir l’insoutenable

À devoir suivre l’un ou l’autre camp

Mais puisque je vous dit

Que je vous répète refuser de choisir

Qu’un innocent violenté 

Un innocent mutilé ou violé

Est

Est quelque soit sa religion

Sa « patrie » ou sa couleur de peau

Est

Est un innocent

Que la violence qu’il subit

Sa mutilation ou son viol

Quel qu’en soit l’auteur

Est et demeure un crime


Mais il semble qu’en société ayant adopté 

Sans sourciller la rhétorique du pire

Cette logique là est inadmissible

Inaudible et incompréhensible

En pays bercé du chant médiatique

Il y a distinction entre les crimes

La violence d’Etat (quel que soit cet Etat)

Est d’avance blanchie 



Xavier Lainé

6 mars 2024