lundi 11 mars 2024

Debout au milieu du gué 17

 




Je me suis arrêté au milieu du gué

Les galets de mots se faisaient toujours plus instables

Puis espacés 

L’eau de la vie était particulièrement froide


Je me suis arrêté

Autour de moi n’étaient qu’étendues solitaires

Une brume montait qui obscurcissait la rive


Impossible de savoir ce que je faisais là

Isolé au milieu des flots qui montaient

Les mots prononcés se perdaient

Dans les rapides qui avalaient tout


Je me suis arrêté

J’aurais voulu que les mots prennent un autre envol

J’aurais voulu qu’ils trouvent port d’attache quelque part

Qu’ils quittent comme moi la rive éphémère

Où ils se fomentaient en silence


Je me suis arrêté

Mes mots plein la bouche

Qui ne trouvaient plus d’issue

Les pages ennuyeuses du passé

Dormaient dans les régions de la toile

Où l’araignée du contrôle guettait


Pour rester debout les mots doivent rester inédits

C’est une règle implacable en ce monde fini


*


Je reste là

Au milieu du gué

Combien de morts 

Cloués au pilori des pouvoirs

Je ne sais

Mon pas chancelle au milieu des mots

On trouvera toujours du tort

À tel ou tel opposant

Rien ne justifiera jamais

Sa condamnation et sa mort mystérieuse

Dans les geôles d’Etats criminels


Je reste là 

Au milieu du gué

Un homme est mort

Dont le seul tort fut de s’opposer

À la tyrannie d’un seul

Un autre croupit en prison

Sous les foudres 

D’un Etat prétendu démocratique


Je reste là

Mots suspendus 

Au-dessus du vide

Tandis que chacun vaque

À ses petites occupations

Masques posés sur visages d’indifférence


*


Debout au milieu du gué

Les souvenirs s’effacent 

Dans la brume de l’autre rive


Il suffit d’un baiser

Et déjà ce n’est plus que vague réminiscence


Il suffit d’un baiser

Qui illumine le monde

Le voilà vite emporté

Dans les brumes d’une rive lointaine


Debout au milieu du gué

Les galets de mots 

Roulent sous mes doigts malhabiles

Mes pieds vacillent

L’eau froide menace

D’emporter mes rêves

Vers un ailleurs toujours brumeux


Il suffit d’un baiser échangé

Pour que bascule la vie 

Dans des rêves impossibles


Il faudrait d’un baiser

Savoir sauver de la noyade

Les perdus les paumés

Les errants en quête

D’un semblant d’avenir


Me voilà cloué au milieu du gué

À ne savoir aller de l’avant

À ne savoir rebrousser chemin

Perdu dans la mémoire des baisers oubliés



Xavier Lainé

17 février 2024


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