vendredi 26 avril 2024

Pas savoir 3

 




Car c’est un peu mon histoire derrière ce nous

J’entrais à peine dans la conscience militante

Aussi dans l’âge adulte bien que majorité

Ne fut pas encore de mon âge il fallait attendre


C’est un peu mon histoire que celle de ce onze septembre

Que les barbares ont tenté d’effacer sous les décombres 

De deux tours jumelles s’écroulant sur l’image d’un empire

Qui trente ans plus tôt avait mis un terme à l’espérance


Il leur fallait vaincre toute forme d’utopie

Briser nos rêves dans l’oeuf avant qu’il n’éclose

Et se répande dans l’histoire d’un monde

Qui n’a cessé depuis de s’enfoncer et nous avec


C’est un peu de mon histoire que d’avoir écouté beaux discours

Qui tournaient en rond dans une union qui n’était qu’un piège

Dans lequel nous allions tous perdre une partie de notre âme

C’est tout l’art du fascisme moderne que d’avancer masqué


C’est tout son art que de trouver moyen de détourner attentions

Lorsque la mémoire voudrait déterrer nos histoires disparues

Onze septembre mille neuf cent soixante treize

Combien de cadavres à jamais enfouis sous les décombres


C’est cette mémoire là que je voudrais déterrer

Que je voudrais voir ressusciter des profondeurs des stades

Où les doigts de Jara bougent encore

Que sa musique hante encore mon âme

Pour ne rien oublier et encore reconstruire



Xavier Lainé

3 avril 2024


jeudi 25 avril 2024

Pas savoir 2

 




À quoi reconnait-on la déprime du siècle

Sinon à l’absence d’humour un premier avril


La neurasthénie gagne du terrain

On se lève fatigué

On traverse le jour fatigué

On se couche fatigué

Chaque jour apporte son grain

À l’épuisement général


Il est évident que depuis trop longtemps

Nous avons perdu le contrôle de nos vies

Invités à en confier la destinée

En des mains peu secourable 

Qui ne travaillent qu’à leur petite gloire

Quand il faudrait oeuvrer au commun


C’est là que

Abasourdis par la violence systémique

Nous sommes restés prostrés

Tandis que les égoïstes en tous genres

Prenaient les rênes pour ne plus les lâcher

Indigents de la pensée ils ne rêvent

Que d’être élus 

De voir leur nom sur une affiche 

Les voici bouffis d’orgueil


Lorsque le bâton de l’abstention se retourne

Ils trouvent encore le moyen de crier victoire

Ils ne savent que nous enfoncer

Dans des discours généreux certes

Mais devenus stériles car incompréhensibles


Ils ont oublié leur vocation première

Éduquer et instruire

Donner les outils de la lutte

À ceux qui en sont dépourvus

Oublier leur petite gloire

Pour mieux défendre les humains du commun


C’est là que quelque chose a foiré

Quelque chose d’essentiel

Qui fut le ferment des dépossessions successives

À la sidération d’un coup d’Etat violent et sanguinaire

A succédé l’abattement et la solitude absolue

Chacun voué au culte de la débrouille individuelle


Le ver était dans le fruit

Que le fascisme néo-libéral a su faire fructifier

Chacun seul devant sa lucarne télévisuelle

Puis devant son écran d’ordinateur 

Puis devant son téléphone

Devenu consommateur programmé

Ne pouvait qu’oublier ce qui nous distingue

L’élan de solidarité qui fait de nous des humains


On regarde sans réaction le malheur des autres

Les famines et les guerres

Les nettoyages ethniques et les génocides

Comme s’ił s’agissait de fictions

L’indifférence devient la règle

Cultivée par médias aux ordres de leurs possédants

Faisant de nos cerveaux un espace libre pour Coca-Cola

Nous voici devant l’apparence de leur victoire



Xavier Lainé

2 avril 2024


mercredi 24 avril 2024

Pas savoir 1

 






Tant d’histoires qu’on raconte

Qui se font culte et parfois dogmes

Mais qui restent des histoires

Pour occuper les esprits

En mal de vivre


Il faudrait pouvoir ne rien croire

Juste poser les jalons printaniers

D’une vie follement arrosée

D’un espoir à créer


Je pourrais moi aussi

Écrire de vaines blagues

Qui vous feraient sourire

À défaut d’en rire


Il ne resterait qu’à attendre

Que vienne d’un au-delà de ce monde

Une résurrection des morts

Qui serait sélective

Les plus pauvres d’abord

Les pauvres cons de morts pour rien

Disait le berger des mots


Mais dans ce sens là ça ne marche pas

Car certains meurent plus que d’autres

Certains ont la mort qui pèse plus que d’autres

On a la mort sélective le premier avril

Mais pas seulement


*


Ce n’est pas une blague

Quelque part nous n’avons pas su

Dire cette confiscation néo-libérale

Dénoncer cet ordre construit 

Sur le meurtre et la torture


Ils n’ont cessé de vous dire 

Que nos pensées étaient mauvaises

Qu’en détruisant leur domination

Nous détruirions aussi nos petites vies

Nos vies minuscules au regard des fortunes

Qu’ils étaient décidé à engranger et défendre


Nous n’avons pas su depuis ce demi-siècle

Montrer que nos idées sont irréductibles

Car elles n’ont pas la rigidité des monolithes

Elles ne sont pas gravées dans le marbre des dogmes

Tandis que parmi nous les fauteurs de désespoir

Signaient trop souvent pacte avec le diable


Sous la contrainte qu’ils disaient

Mais c’est qu’ils avaient peur eux-mêmes

Les fossoyeurs de pensées généreuses

Ils avaient peur pour eux-mêmes

Que vous soyez noyés dans cet enfer

Réduits à n’être que les suppôts du commerce

Dont les fossoyeurs de toutes démocraties

Tiraient profits et dividendes


Nous n’avons pas su maintenir 

Du fond du gouffre où ils nous ont plongés

Coupant les doigts de Jara

Assassinant Pablo Neruda

La parole d’espoir qui était la nôtre

Qui n’était pas celle d’un bloc dogmatique

Condamnant aux goulags les révolutionnaires 

Qui espéraient en des idées communes

Construire un autre monde


Celui dont vous héritez est la suite logique

D’une tragédie dont les propriétaires de la presse

Font tout pour effacer la mémoire


Vous voici vous cognant aux murs trop étroits

De leur monde ensanglanté

Qui ne cesse de s’étendre en ruines et misères


C’est que nous avons vu surgir

Cette bête immonde détournant l’idée même de liberté

Pour la réduire à celle de consommer toujours plus

Tandis qu’ils réduisent la terre elle-même

À devenir potentiellement notre tombeau


Et nous avons laissé par naïveté malsaine

Le pouvoir à des trompes-l’oeil

Des fac-similés des avatars sans pensée

Détournant nos idées généreuses

Pour mieux les mettre à genoux

Les corrompre et les retourner comme gants

Au service de leurs maîtres


Ce n’est pas une blague

Nous devons relever le gant des espérances refoulées

Trop longtemps enfouies et murées

Sous la pression des dogmes assassins

Formés dans les écoles du fascisme néo-libéral



Xavier Lainé

1er avril 2024