jeudi 30 novembre 2023

Si étroit est le chemin 7

 




Dès lors tout devient piètre bataille

Le plus ordinaire demande un effort colossal

Rien de la vie ne peut être simple

Il faut se battre

Se battre 

Se battre


Catalyseur entre vous et vous

Pour ne pas dire entre vous et votre corps

Ce qui serait encore renforcer votre dichotomie

Qui n’est pas une opération chirurgicale

Mais une manière de penser

Qui nous conduit chaque jour

À mener bataille contre nous-mêmes

Corps toujours regardé comme objet

Misérable à mener à la dure

Surtout s’il est récalcitrant


Or

Puisque tout est bataille

Guerre de tous contre tous

Fastidieux combat pour survivre

Quelles que soient les conditions

Il faudrait être pur esprit 

Pour nager à la surface sans dégâts


Ce tout que nous sommes entre en souffrance

À chaque humain maltraité dont nous acceptons

Les infinies souffrances

Car nous sommes humains donc en résonance les uns avec les autres



Xavier Lainé

7 novembre 2023


mercredi 29 novembre 2023

Si étroit est le chemin 6

 




Nager dans un monde en naufrage

Surnager sur les vagues de tempêtes

Qui se succèdent et se renforcent


L’avis en serait-il entendu

De quoi pourrions-nous nous prémunir

Étant demeurés sourds si longtemps


*


Puisque Maldoror a pris le pouvoir partout

Que ses clones sévissent en tous points du globe

Que la réalité se met à dépasser les pires fictions

Il nous reste en effet à tourner dos et pages

Créer les liens d’insubordination nécessaires

À un ordre du monde qui verse dans crime 

Et misère dans la jouissance obséquieuse

Des émules d’Orwell et Huxley


Ici et là lentement émergent d’autres volontés

L’envie et le besoin de vivre et penser autrement

Hors des voies tracées de la pensée unique

Et inique imposée comme aboutissement

D’un monde sans boussole mais pas sans Nord

Celui qui aimante toutes les richesses

Vers la corbeille sans fond des avides et corrompus


Les mots ne seront pas dis en vain

S’ils fomentent l’insurrection nécessaire

Des consciences jusqu’ici sidérées



Xavier Lainé

6 novembre 2023


mardi 28 novembre 2023

Si étroit est le chemin 5

 




« L’onde de choc de la chute du Mur. La fameuse réunification, mais l'argent comme distance. Le fait que posséder permette d'élever de nouveaux murs ou de jeter entre sa propriété et celle du voisin autant de mètres de barrières, clôtures ou palissades qu'on le souhaite. » 

Antoine Wauters


Je me souviens

Je me souviens de ce jour

Dont beaucoup ont cru

Qu’il serait jour de libération

Et il le fut

En quelque sorte


Je me souviens

Je me souviens de ce jour

D’un joug rompu

Avec le mur qui l’enserrait

Qui tenait les humains

Entre ses mains de fer

Au nom d’une idée travestie


Je me souviens

Je me souviens

Avoir espéré

C’était sans voir qu’un autre joug 

Dans l’explosion de joie 

Des libérés d’un camp

Se frottait les mains

Dans l’ombre


Je me souviens

Je me souviens de ce jour

D’espoir et de crainte

Devant un équilibre rompu

Équilibre de la terreur

À l’ombre d’un parapluie

Sous la menace nucléaire

D’humains capables

De se détruire


Je me souviens 

Je me souviens de ce jour

Où à bourses débridées

Les tyrans aveuglés de finance

Se sont précipités sur le cadavre 

Encore fumant

De nos idées travesties


Je me souviens

Je me souviens de ce jour

Qui ne libéra en rien

Ceux qui vivaient à l’Est

Ne donna qu’à ceux de l’Ouest

De s’enrichir un peu plus

D’étendre le joug financier

Qu’ils prétendent sans visage


De guerres qui ne disent pas leur nom

En absurdes compromis

Avec les héritiers de l’horreur 

La lente dérive

Depuis ce jour se produit

Les « plus jamais ça »

Se trouvent réduits au silence



Xavier Lainé

5 novembre 2023


lundi 27 novembre 2023

Si étroit est le chemin 4

 




« Souvent, les minoritaires sont des pollinisateurs. Ils rôdent, ils virevoltent, ils butinent, ce qui donne d'eux une image de profiteurs, et même de parasites. C'est quand ils disparaissent que l'on prend conscience de leur utilité. »

Amin Maalouf


J’abandonne

Je me délivre 

Je m’éloigne du cimetière marin

Je rompt avec ce monde devenu fou

J’écoute


Il en est tant avec qui je partage

Rêves de paix et de fraternité

Soif de douceur

De tendresse et d’amour


Pas si sûr que nous soyons minoritaires

Juste que nous ne savons pas comment 

Faire entendre nos voix

Éteindre celles des parasites et des profiteurs


À l’égard des égarés sur le chemin de la violence

J’ai utilisé comme beaucoup le terme

« Terroriste »

À la réflexion c’est manière de noyer le poisson

De faire avaler le poison de la suspicion généralisée

Les criminels de toutes espèces 

À ce titre là

S’en sortent plutôt bien

C’est toujours l’autre qui est dans le mauvais camp

Le camp des mauvais



Un crime en égale un autre

Je l’ai tant écrit

Un humain qui meurt sous les coups d’un autre

C’est toute notre humanité qui en est meurtrie

Qu’importe qu’il soit d’ici ou d’ailleurs

Qu’importe la couleur de sa peau

Qu’importent ses croyances

Sa mort est une plaie au flanc de notre humanité

Une plaie difficile à soigner

Une plaie qui pour certains exacerbe les rancoeurs

Les esprits de revanche et de vengeance


Que vaudrait le poème qui n’inviterait 

À réfléchir un peu à ce que pourrait vouloir dire

Le mot « humain »

Si le crime est catégorisé devant la justice des hommes

L’humain est une notion difficile

C’est pourtant cette idée là qui doit encore grandir

Qui doit sortir grandie de nos épreuves

De nos plaies ouvertes

De nos yeux ouverts sur nos propres désirs de vengeance

Pour qui ne serait pas dans cet état d’esprit

Pour qui viendrait de perdre son enfant sous les décombres


J’abandonne

Je m’isole pour réfléchir

Pour éviter le bruit que font les « commentateurs »

Ils ne cessent de commenter l’indicible

Ils nous épuisent de leur jactance

Non pour nous aider à réfléchir

Mais pour nous perdre un peu plus

Et laisser le champ libre 

À qui passe à l’acte meurtrier

Dans le silence des blessures


*


Qu’importe que nous soyons minoritaires ou pas

La vie ne se dit pas en colonnes de chiffres

Elle se décline en infinies variétés d’états d’âmes


Chaque vie est précieuse

Pour elle-même

Non pour ce qu’elle représente


*


J’avance

Nietzsche accompagne mes pas

Derrière lui Lautréamont avance

Lui aussi


Bientôt il ne restera plus que refuges imaginaires

Sur une Terre rendue inhabitable


Maldoror sans le savoir

Se projetait en ces temps que nous vivons

Ce temps où le crime est passé sous silence

Où l’homme devenu pire que loup pour lui-même

S’acharne

Détenteur de pouvoir et d’argent

À rendre la vie des humains toujours plus difficile


*


Je croyais avancer

Je faisais du sur-place 

Car le monde autour de moi ne cessait de reculer

Vers les ténèbres de son origine


Dès lors me restait comme ultime bouée de sauvetage

Le rêve et la poésie sous le ciel gris

Qui pleurait de froides larmes éparses

En prémisses de nos rigoureux hivers


Je suivais les sinuosités du chemin de Kessel

Dans la traversée du siècle qui me donna naissance

Saurais-je l’en remercier

Ou constater que les horreurs décrites

Me poursuivent de leur froidure


J’aurais aimé un autre héritage

J’aurais rêvé laisser derrière moi

Autre chose que cette cruauté toujours renouvelée


Paradoxe humain que d’être à la fois capable 

De la plus brillante des splendeurs

Tandis que dans l’ombre on s’échine

À en saper la moindre trace


Ce que les tyrans d’aujourd’hui détruisent

Touche à nos racines profondes

Atteint notre mémoire 

Pour y déraciner les fondements mêmes

De nos plus brillantes capacités

À laisser dans notre sillage du beau



Xavier Lainé

4 novembre 2023