jeudi 23 novembre 2023

Conjurer l’horreur 31

 




Mais peut-être faudra-t-il offrir au monde une page blanche.

Une page de silence.

Une page muette de sidération.


« Il n’y aura pas de cessez-le-feu »

Il n’y aura pas

Cadeau sur la tête des enfants et des femmes

Cadeau de terreur au jour d’halloween


Ici ils vont quêter bonbons

Les enfants de la sainte consommation

Une religion comme une autre

Qui anesthésie autant qu’une autre

On joue à se faire peur

On ne dit rien de la terreur là

Pas si loin


Jusqu’au jour où

Car qui pourrait imaginer que l’horreur puisse s’arrêter

Un 31 octobre noyé dans le sang et les larmes

Qui pourrait prédire

Misère et rancoeur répandues comme lisier

Sur le terreau fertile d’humains invités à ne plus penser

Plus se penser 

Plus se projeter


Je dis qu’on meurt à Gaza

Je dis qu’on meurt en Ukraine

Je dis qu’on meurt au haut Karabagh

Je dis qu’on meurt en Turquie

Je dis qu’on meurt en Syrie

Je dis qu’on meurt en Iran

Je dis qu’on meurt innocent un peu partout

Dans le silence de ma page qui

Si elle devait demeurer blanche

Serait alors complice de ces morts innocentes


Pourrai-je encore écrire demain

Saurai-je passer à autre chose 

Que l’ignoble qui poursuit son oeuvre

Devant ma porte

Mes antennes cérébrales dressées vers le monde

Mes nuits se font cauchemar

Que seules saines lectures peuvent calmer


Je dis qu’on meurt

Simplement parce que je ne voudrais pas

Qu’à force d’indifférence

On finisse par mourrir ici aussi

Sous le poignard encouragé 

Par l’extension du domaine de la misère


Il semble que les puissants n’aient qu’une ligne d’horizon

Celui de la croissance infinie de leurs capitaux

Ces bouffis font ventre de tout

De la faim comme du crime

Ils lèvent un doigt indigné

Lorsqu’un misérable passe à l’acte

Ivre de haine et de rancoeur

Mais jamais ne s’interrogent

Sur le système qui arme le bras vengeur


Puis ils vont

Les bouffis de fortune

Faire la morale à ceux qu’ils ne cessent d’appauvrir

Et se rangent du côté de leurs semblables

À l’extrême droite d’un échiquier dont ils éliminent les gêneurs


Nous en sommes là

En ces temps de tragédies répétées

Comme une résurgence du pire déjà vécu

On s’indigne avec raison des étoiles de David sur les murs

On s’indigne bien peu de la crainte aux ventres musulmans

On brandit les religions comme preuve des pires exactions

C’est pour faire oublier que le pire est d’avoir faim

Et de ne pouvoir se nourrir


On oublie

Tandis qu’on se dresse derrière des frontières dont tout le monde sait

Qu’elles ne sont que cloisons fictives ne protégeant de rien

Sinon ceux qui s’isolent derrière les barbelés du désespoir

Et revendiquent la propriété d’une Terre qui appartient à tous 


Dans ma nuit je vois des larmes d’enfants

Je vois et je me lève

J’entends le bruit assourdissant des immeubles qui s’effondrent

Dans un fracas qui couvre les cris qu’ils enterrent

Je vois et j’entends

Mon cerveau cogne aux parois de mon crâne

Je voudrais moi aussi crier dans le noir

Me lever et arrêter les bras assassins


Mes rêves se heurtent à ce monde en loque

Sous le rire malsain de ceux qui s’y engraissent

Mes rêves sont blessés comme mon humanité

Je ne sais comment demain ouvrir une nouvelle page 

Qui saurait cicatriser mes blessures



Xavier Lainé

31 octobre 2023


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