Partie impubliable de l'iceberg

 





Etats chroniques de poésie (2007 - 2016) :

Etats chroniques de poésie (Préambule)


- C'est grave, Docteur ?

- Mais non, mon ami, juste une bouffée passagère : vous verrez ça finira par vous passer, avec l'âge !

- Mais ça fait si longtemps que ça dure, Docteur : tous ces livres avalés, ces longues ruminations nocturnes, ces jaillissements soudains de mots...

- Puis-je vous faire remarquer que tout ceci vous vient sans fièvre apparente ?

- Comme vous dites, sans fièvre apparente ! Détrompez-vous, ce que vous nommez fièvre est sans rapport avec mon état. Je ne peux rien voir, rien sentir ; je ne peux fermer les yeux sans que des mots apparaissent ; je ne peux marcher sans que le rythme de mon pas ne précipite des vers qui s'agencent, puis s'oublient ! Ce que je vis est bien pire que la fièvre, croyez-moi !

- Calmez-vous, s'il vous plaît. Notre science ne sait comment expliquer cet état si particulier qui est le vôtre. Croyez-moi, vous êtes un cas !

- Inca ? On m'avait plutôt affublé jusqu'ici du vocable de poète... J'avais fini par m'y faire, bien que je ne me sois jamais mis dans la peau de ces poètes qui ravissent mes nuits...

- Ne vous avait-on pas prévenu de ne point trop errer dans les allées pernicieuses de ces lieux de perdition que sont les bibliothèques et autres librairies ?

- Si, mais les gestionnaires de ces lieux savent y faire. C'est à croire qu'ils posent des aimants et que, subrepticement, on m'ait infiltré sous la peau quelque objet métallique...

- Ecoutez mon brave. Je ne peux rien pour vous. Que votre problème vous soit endémique, que vous ayez ces crises à répétition d'écriture compulsive, voilà qui est le cadet de nos soucis, comprenez-vous ? Notre soucis se formaliserait davantage si la poésie qui vous touche était portée par quelque virus et se mettait à menacer la planète !

- Vous n'avez donc rien à me proposer qui me soit soulagement ?

- Rien, mon brave, écrivez donc, lisez tout votre saoul, et pensez à me dédicacer vos livres si toutefois vous trouvez éditeur assez sot pour publier cette marée qui est la vôtre… (Il chuchote) Il m'arrive d'aller vous lire, lors de mes insomnies, vous savez ? C'est pas mal du tout, ce que vous écrivez, mais comprenez que vos propos sentent parfois le soufre... Mais rien de viral, juste un état chronique, et qui nous donne à réfléchir... Mais vous savez combien réfléchir fait peur à nos contemporains, non ?

Xavier Lainé

Manosque, 1er septembre 2009

1. Année 2007

Prologue au premier volume

C’est un si étrange regard que pose le poète en ses déambulations diurnes. Il vaque, anonyme parmi les anonymes. Il travaille ou tente de le faire, si souvent en pestant contre ce temps qu’il ne peut consacrer à son écriture…

Mais il marche, il respire, il se réjouit (rarement), se met en colère (souvent), car le monde s’il est beau en son lit de nature, se trouve si souvent abîmé par la main des hommes.

Il ne reste alors que le rêve pour avancer encore. Et, par-dessus tout cet espace, par delà les rumeurs et les folles courses, qui accueille en ses mains de roc la transpiration des mots…

C’est l’été. Il fait terriblement chaud. Heureusement il reste l’aurore, fidèle compagne des mots sagement alignés sur des pages indéfinies d’avance…

Le hasard tire le premier. L’homme regarde la balle sortir du canon à vocabulaire. Il se penche un peu, cligne des yeux sur un écran rouge sang.

L’aventure commence. Elle le porte très loin sous des regards égarés, des yeux voyageurs ou parfois voyeurs qui se posent, et s’envolent aussitôt, frêles papillons de jours ou de nuit…

Lui-même, peu à peu, goute avec délectation à ce breuvage d’ermite infiniment partagé. Le hasard porte des pensées de plus en plus nombreuses à l’accompagner sur cet étrange chemin où tous prétendent se connaître, mais où nul ne se rencontre jamais.

Il peste bien parfois contre cette toile ajourée qui parfois lui fait la farce de dissimuler ses mots.

Il contemple avec un certain désarroi, les troubles digestifs où les textes sont lentement digérés, vérifiés par des yeux de censure.

Il apprend à connaître l’outil et ses vicissitudes. Il fait son expérience sur le tas.

Et le tas lui rend parfois de bien belles émotions. Certains soirs, c’est comme un parfum d’amour qui flotte tout autour. Alors, les mots s’envolent avec une légèreté déconcertante. Les rives glauques où la vie est si dure à gagner s’éloignent entre des bras qui ne sont pas.

Le regard se perd, des heures et des heures se perdent à écrire des textes qui resteront sans doute inédits.

Du moins en a-t-il la conviction. Car il écrit pour le plaisir, parce qu’ainsi fonctionne en haut lieu son cerveau qu’il considère encore comme très primitif.

Rien ne paraît de ce qui pourrait être une œuvre qu’il nie avant même qu’elle naisse. L’œuvre n’existe qu’au regard de celui qui la contemple, marmonne-t-il dans sa barbe de quelques jours…

Xavier Lainé

Manosque, 8 octobre 2009


2. Année 2008

2a. Premier trimestre

Prologue au second volume


Ecrire, la belle affaire  !

Sait-on seulement où nous mène ce chemin lorsque, matin après matin, sans attendre que l’aube ne vienne nous tirer du sommeil, les doigts se mettent, machinal, à taper sur le clavier sans même que les yeux ne regardent la trace…

Seule, elle compte, dans l’ouragan des lettres.

On met un doigt dans l’engrenage. Tout y passe  : la main, l’avant-bras, le bras, l’épaule…

Lorsque la cage thoracique arrive dans le rouleau des mots, elle peine encore à trouver son inspiration. Un réflexe de survie lui donne cependant un ultime sursaut.

Et les pages se noircissent, chaque jour un peu plus. Sur un fond rouge sang, les mots s’épanchent, rencontrant des centaines d’yeux qui observent la lave qui s’écoule des veines ouvertes.

Il en est qui, timidement, déposent leur commentaire, puis s’en vont, sur la pointe des pieds.

D’autres font une entrée plus fracassante, déstabilisant le type, penché sur son clavier. Un instant, le voici qui perd l’équilibre et saborde tout à grands gestes rageurs.

Qu’est-ce que cette folie qui nous porte au devant de regards qui lisent ce que nous n’avons point écrit.

Car le fleuve vient d’une source que nul ne peut connaître, tant les ramifications qui sont les siennes, se perdent au souterrain de l’être.

Le pauvre bougre écrit cependant, se sentant défaillir, parfois, sous le poids des pupilles qui l’observent.

Ainsi nait une responsabilité nouvelle, celle d’alimenter l’imaginaire pour éviter la panne de carburant.

C’est cette impératif qui fait ouvrir un œil neuf sur le monde et les êtres.

Comme s’il devenait vital de n’être pas seulement un naufragé de l’intérieur, mais encore d’emprunter les chaloupes aux navires sans gréement qui dérivent à la surface de cet océan parfois bien incompréhensible.

Il ne s’agit pas de définir, mais de se laisser traverser et d’écouter la musique qui jaillit, à l’autre bout… C’est, chaque jour ravissement qui dure que d’observer, puis boire, l’eau pure des mots agencés par les doigts du hasard…


Xavier Lainé

Manosque, 15 janvier 2010



2b. Deuxième trimestre

Prologue


C’est tout l’avantage de l’aube : elle nous laisse, avec yeux neuf, glisser paisiblement vers le jour. Il reste alors à laisser venir, bien avant que les premières lueurs ne s’annoncent, le flot continu des images, des sons, la réverbération du monde qui entre, porté par les cieux…

Tout commence d’abord par cette clarté particulière de la voûte céleste. Comme le peintre en Arles, le poète s’assoit et regarde. Ce qu’il voit ne ressemble à rien de ce qui est. Il assiste avec ravissement à ce grand rassemblement d’étoiles. Elles ont chacune leur éclat particulier, un scintillement dans le regard qui les fait aimer pour ce qu’elles sont : inaccessibles muses qui cependant chuchotent.

Dressant l’oreille, on peut les entendre alors papoter. Ce qu’elles disent est un écho à ce que chaque jour sème de haine, de discorde mais aussi de graines d’amour qui voguent bien au-delà de ce que nos rêves mêmes sont capables de concevoir. Elles portent, dans leur langue, les messages de mondes bien au-delà de nos pauvres lucarnes ouvertes. Leur chant n’est audible qu’aux lève-tôt. Mais il faut attendre l’heure sublime qui précède l’extinction de ces feux pour entendre le chœur des astres déposer, sur le parapet de ponts tendus entre les êtres, les invisibles mains qui les rapprochent par-delà leurs différences.

L’instant sublime ne dure que très peu. Il s’éteint très vite pour plonger dans la noirceur totale qui précède les premières lueurs. On sent alors, déjà, que des êtres, un peu partout s’acheminent vers le jour. Il va falloir laisser les rêves amoureux, abandonner les formidables rencontres que ces heures délivrent, comme cadeaux entre les doigts de celui qui écrit…

Un instant encore, il reste là, bercé de ces visions douces qui l’ont promené, par delà son monde, vers d’autres univers… 

Quelque chose fait que, dans ces rares minutes, il est alors possible de vivre à l’unisson de l’humanité et de la terre qui lui a donné naissance. La peau, le cœur et l’esprit se mettent à trembler de chaque misère dont le son résonne dans les moindres trames d’os. Mais aussi les ondes amoureuses viennent, en ressac, se heurter aux rochers du cœur, et c’est de larmes que sont baignées les marées de mot qui viennent chaque jour nous emporter.

Les puristes diront peut-être qu’il est bien peu de poème dans la protestation sauvage contre un monde qui perd sa boussole, dans la contestation d’un ordre que beaucoup considèrent comme la fin de toute histoire, invitant du même coup au naufrage de l’espérance.

La poésie, la poétique défendue ici cherchent un autre chemin que celui emprunté par le commun des connaisseurs, et par eux seuls. Le siècle qui s’éveille chaque matin devant mes fenêtres, m’invite à explorer d’autres destinations que celles tracées par la rime et le vers mesuré…

Les miens ne font que déverser leur lot de chagrins et de bonheurs, déposés en alluvions fertiles par la multitude des pépites étoilées…


Xavier Lainé

Manosque, 17 janvier 2010


Etats chroniques de poésie Volume 3 Tome 1

Etats chroniques de poésie Volume 3 Tome 2

Etats chroniques de poésie Volume 3 Tome 3


2c. Troisième trimestre

Prologue 4


Je ne sais que dire ni que faire tant la relecture laisse un étrange goût.

Chaque jour qui passe laisse un vague à l’âme si puissant, de si tendres souvenirs, comme, parfois, une mémoire amère.

C’est chose étrange que ce défilement des heures.

On saisit le flacon, on ôte le bouchon : un parfum exquis s’aventure au dehors. Rien en nous n’aurait fait imaginer qu’il nous fût destiné. On en hume l’essence, cependant, et l’ivresse gagne chaque aurore…


Les fragrances se diffusent, emplissent tout l’espace.

Parfois, des doigts d’amour viennent accompagner un instant l’errance solitaire.

Alors, on se laisse guider par un regard, le cœur battant.

Un soupir exulte en des gorges foisonnantes de vie. On écrit et on écrit encore. Rien n’arrête le fleuve des incertitudes.

Sans cesse nous mettons en chantier le doute et le questionnement. Chaque instant nous accompagne dans une quête qui n’a ni début, ni fin.

Impuissant à accompagner le pas lourd du monde, il nous reste ce recul à prendre.


Il demeure en la mémoire ces pas hésitants qui de génération en génération parcoururent les rives d’un bassin où la mer prend si souvent teinte de sang.

On s’étripe de partout en ces rives qui ont pour vocation d’être ferment de paix et d’amitié, d’échange et de compréhension.

Il nous reste l’écriture en dernier rempart contre toutes les ignominies qui se répandent, ferment de trouble et de secrètes défaites.

Alors, chaque matin, avant l’aube, on sème. Du flacon, un fumet s’élève qui tente de brouiller les pistes des violences sourdes. On espère. On lit et on relit. C’est de surprise que les yeux se remplissent : qui a écrit ces mots ?

Serions-nous traversés par une parole qui nous vient d’on ne sait où, bien avant l’aurore délicate ?

Les mots sont nôtres mais ne nous appartiennent plus. Ils sont déjà partis, frêles bouteilles à la mer soumises aux aléas des tempêtes humaines.

On ne sait ce qui nous pousse. On voit seulement le résultat, étonnant. Etonnés, on suit les méandres de ces sentiers où l’amour et la beauté côtoient les sombres présages et les sourdes colères.

C’est un fragile témoignage qui nous dépasse déjà. La page se tourne. Nous sommes arrivés au port du lendemain.


Xavier Lainé

Manosque, 27 février 2010



2d. Quatrième trimestre

Prologue 5


Qui aurait pu deviner qu’en ouvrant un clavier, ce 29 septembre, viendrait ici se déverser une ode quotidienne ?

On marche dans la rue, des images s’en viennent, imprègnent la rétine qui ne demande pas mieux que de recevoir ces dons.

Ils empruntent, en une mythologie secrète les dédales d’un cerveau, d’une histoire.

Des personnages, assez brutalement, prennent vie. Ils sont et ne sont pas le fruit d’une imagination. Sans doute gisent-ils dans les méandres de la mémoire, comme trace de multiples rencontres.

Ils ont une existence entre des pages amoureusement lues. Qui dira ce que le roman qui vient doit à Arto Paasoliina ? 

Cette débauche joyeuse, sans doute vient-elle de lui, ou d’un autre, ou d’un rêve éveillé qui se met à hanter chaque heure du jour au point de rendre l’auteur absent à lui-même, aux siens, au bruit et fureurs d’un monde que pourtant il déverse en flot continu chaque aube de ce long automne.

Il n’est plus possible de perdre le fil. L’histoire vient par bouffées dans des journées qu’on aimerait passer à écrire, sans autre souci que d’exister devant la page blanche.

Marcher dans la rue devient un exercice périlleux. On y risque sa vie plus surement que jamais lorsque jaillit, venue de nulle part, la fiction.

On  se met à embrasser des poteaux de passage, à ne rien voir des véhicules lancés à vive allure aux abords de passage officiellement protégés.

Te voilà habité d’un autre espace, celui où s’épanchent d’étranges rêves, où se construit un monde bien différent de celui-ci mais qui n’en est que la chambre d’écho.

Ecrire alors n’est pas vraiment une fuite, juste cette ligne qu’il faut suivre au jour le jour pour ne pas basculer, ni d’un bord, ni de l’autre. Ecrire devient ce jeu qui permet d’éviter le naufrage.

Ecrire est une bouée qui permet d’échapper aux récifs absurdes d’un monde qui refuse de tenir compte des phares qui lui sont tendus.

Ecrire est une perche que l’homme retiré tend à ses contemporains avec la tendre utopie de l’inviter à s’inventer un autre univers, plus fraternel.

C’est fou, où cela paraît comme tel : mais n’est-ce pas, tous comptes faits, plus réaliste que de se complaire dans une résignation complice de toute les barbaries ?


Xavier Lainé

TGV Paris Aix en Provence, 9 mai 2010



3. Année 2009

3a. Premier trimestre


3b. Deuxième trimestre


3c. Troisième trimestre


3d. Quatrième trimestre


4. Année 2010

4a. Premier trimestre


4b. Deuxième trimestre


4c. Troisième trimestre


4d. Quatrième trimestre 


5. Année 2011

5a. Premier trimestre


5b. Deuxième trimestre


5c. Troisième trimestre


5d. Quatrième trimestre


6. Année 2012

6a. Premier trimestre


6b. Deuxième trimestre


6c. Troisième trimestre


6d. Quatrième trimestre


7. Année 2013

7a. Premier trimestre


7b. Deuxième trimestre


7c. Troisième trimestre


7d. Quatrième trimestre


8. Année 2014

8a. Premier Trimestre


8b. Deuxième trimestre


8c. Troisième trimestre


8d. Quatrième trimestre


9. Année 2015

9a. Premier trimestre


9b. Deuxième trimestre


9c. Troisième trimestre


9d. Quatrième trimestre


10. Année 2016

10a. Premier trimestre


10b. Deuxième trimestre


10c. Troisième trimestre

















Impubliés/Impubliables :

1 commentaire:

  1. Imbert Catherine1 novembre 2022 à 16:06

    Entre nous je suis sidérée. Avec ton caractère imbuvable de critiques systématiques et d'auto flagellation, je retrouve ici un immense talent doté d'intelligence, d'humour, et les références d'une énorme encyclopédie.
    Tu es depuis le début qq un d'inlassable à lire. Pour le coup ici tu as fait très fort. Bouleversée. Qd je disais que les phrases toutes faites ne te ressemblaient pas...en voici une preuve parmi d'autres. Je perçois un roman... Tt cela reste entre nous et ne sera pas délivré sur fb. Chapeau bas

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