mardi 26 mai 2020

Tourner le dos aux lendemains qui déchantent






Un des signes les plus nets du déclin de l’intelligence critique est l’incapacité d’un nombre croissant de contemporains à imaginer une figure de l’avenir qui soit autre chose que la simple amplification du présent. Ce que nous avons désappris à savoir, en somme, c’est qu’une civilisation peut être mortelle. Il est vrai que c’est là un savoir très lourd, dont beaucoup préfèreraient être divertis.
Jean-Claude Michéa, Impasse Adam Smith


Il est temps de prendre la vie à pleines mains.
Non comme ils veulent qu’elle soit, mais comme nos coeurs le désirent.
Ne plus répondre à aucun ordre.
Ne plus obéir à aucun maître.

Vivre.

Mais voilà.
Lorsque nous aurons désappris les fondements même de notre humaine condition.
Lorsque nous ne saurons plus nous embrasser sans méfiance, nous étreindre sans suspicion.
Lorsque nous aurons intégré les gestes barrières qui soumettent nos vies à autorisations expresse d’un gouvernement.
Lorsque nous ne saurons plus prendre en nos bras naturellement l’enfance du monde.
Lorsque nous nous méfierons de chaque individu croisé, de nos enfants à notre table, de nos femmes ou nos hommes couchés dans le même lit.
Lorsque nous aurons détricoté ce que des millénaires de vie ont construit.
Lorsque nous nous laverons les mains et les pieds avant et après avoir fait l’amour.
Que nous aurons appris à ne le faire qu’après lavage de bouche, aseptie contrôlée par les experts de l’OMS.
Lorsque pas une bribe de nos vies n’échappera plus aux « applications » d’un contrôle à distance.
Qu’il ne nous restera que ce profond sentiment de solitude au coeur même de nos maisons, de nos couples, de nos familles bien encloses dans leur bourgeoise conception.
Lorsqu’ils auront réussi à nous poser des mines au coeur et des barrières en nos esprits.
Que nous ne verrons plus que statistiques morbides alignées sur nos relevés de vie bancaire.
Lorsque…

Le monde de demain alors sera pire que celui d’avant.
Il ne sera même pas nécessaire au climat de nous assassiner.
Nous serons assez grands pour aller jusqu’au bout de la mortifère logique.
Il restera de nous des coffres et des corbeilles d’argent.
Et puis des monticules d’immondices résultat de notre folie consumériste.
Nous aurons perdu le sens de la parole et nos yeux figés sur nos compteurs, nos prompteurs, nos écrans de virtuelle condition, le nez collé au masque de nos visages rendus uniformes.
Nous aurons perdu notre âme en la vendant aux diables qui gouvernent leurs propres bourses avec l’aplomb de nous faire croire qu’il s’agit de nos affaires.

Ils auront gagné, ils auront construit leur monde de demain.
Nous n’aurons rien appris du lever de soleil et du bruissement du vent dans les branches du printemps.

Regardez.

C’est vers ce monde là qu’au volant de vos vies volées vous vous précipitez.
Et moi avec vous pris dans votre tourbillon sans but et sans esprit.

De quel réveil faut-il user pour que s’arrête le saccage ?
De quel onguent panser nos plaies pour que notre regard s’ouvre ?
De quels mots user pour que nos esprits ne s’égarent plus ?


Xavier Lainé

26-27 mai 2020

jeudi 21 mai 2020

En l'humus des mots





« L’avenir des hommes n’est écrit nulle part. Pour le meilleur et pour le pire. »
Jean-Claude Michéa, Impasse Adam Smith

Il vous faut vos gourous, vos penseurs patentés qui vous disent quoi faire de vos vies.
A défaut vous errez comme âmes en peine, ne sachant quoi faire de vos défaites intelligences.
Vous voici lavés de toute pensée critique.
On vous confine et vous le faites, mais sitôt levée cette privation de liberté, vous voici fébrile faisant la queue devant les magasins du désespoir.

Invisible travail que celui qui soulève les hommes et les mets en mouvement.
Invisible force qui en conduit certains au suicide, tandis que d’autres avec patience construisent les souterrains de nos libertés à venir;

En l’humus des mots, germent des spores d’espérance.
À la condition que vous cessiez d’attendre.
Or vous voici pris au dépourvu.
On vous libère et vous ne savez pas quoi faire de votre liberté.
Vous avez soif d’agitations vaines.
Vous n’avez tiré aucun conclusion de votre confinement.
Moment propice à la réflexion, la passivité de l’instant générant la patiente résurrection de nos processus d’évolution.
Rien n’est écrit, tout reste à écrire.
Il faut s’y mettre sans attendre.
À défaut, vos gourous de la pensée unique, inique, sauront vous guider vers l’impasse.
Vous n’aurez alors que larmes de n’avoir pris garde au précipice derrière les parapets abolis.


Xavier Lainé

20 mai 2020

dimanche 17 mai 2020

C'est parfois dans les braises...






Ils ont peur 
De la vie comme de l’amour
De la poésie comme des livres
De la scène où brûlent nos paroles
Dans un baiser de printemps

Ils ont peur surtout
Du monstre qu’ils sont devenus

Tu me diras : es-tu heureux ?
Non.

Puis je me ressaisirai : enfin oui, enfin peut-être, ça dépend.

Tu me diras : ça dépend de quoi ?
De l’amour, je crois que seul l’amour nous offre le bonheur.
Et le pire c’est quand il s’effiloche, s’éteint, ne provoque plus le moindre élan de tendresse.

Tu me diras : c’est question de désir ?
Oui, peut-être, sans doute, mais de désir qui en reste un.
Car j’observe que le désir assouvi laisse un arrière goût de malheur.
Tandis que celui qui demeure là, petite flamme vaillante au coeur, celui-là te rend heureux.

Tu me diras : et là, c’est quelle flamme qui te brûle ?
Je ne te répondrai pas, pour ne pas me brûler.
Pour ne pas devoir assumer le feu qui couve et la douleur de brûlure qui vient après.
Je ne peux dire que je t’aime


Xavier Lainé

12 mai 2020 (1)