mardi 21 novembre 2023

Conjurer l’horreur 29

 




Tu me disais planter des arbres jusqu’à l’ivresse

Jusqu’à ce que ton petit territoire en soit si plein

Qu’il te faudrait trouver un nouvel espace plus grand

Où poursuivre ton oeuvre


Observant la longue litanie des enfants perdus

Sous les décombres de Gaza et d’ailleurs

Je t’imaginais

Dans un geste d’amour sublime

Traduire chaque âme envolée

En racines

Troncs

Feuillages


Comme la liste ne cesse de s’allonger

Bien évidemment ton territoire d’amour

Devient trop étroit

Comme la bande de terre 

Coincée entre colonisateur et mer

Mer devenue elle-même gigantesque cimetière marin

Où errent âmes d’enfants et de femmes

Et d’hommes fuyant les bombes et les décombres


Ton territoire devient bien trop étroit

Pour les contenir toutes

Leur donner un nouveau souffle

Une mémoire qui se poursuive

Bien au-delà de nos pauvres existences


Tu me disais planter des arbres jusqu’à l’ivresse

Dans un sublime geste d’amour

Offert à toutes les âmes en errance


*


Bien sûr on peut toujours tourner le dos

Mais

Nos cerveaux ont des antennes

Branchées sur chaque point du monde

Où notre humanité chancelle


C’est difficile d’assumer ne jamais être seul

Assumer être solidaire

Dans les profondeurs de nos êtres

Au point de ne pouvoir vivre sereins

Même en faisant semblant

Lorsqu’un enfant disparaît

Sous les ruines 


C’est délicat de se regarder dans le miroir

Que nous tendent les misères

Les soumissions et les compromissions

Quels que soient les motifs

Nous sommes tous un peu de cette violence

Nous sommes tous de chaque bord

De chaque culture ou religion

Touchés dans notre chair

Ébranlés dans la profondeur de notre être


Car


Nous ne serions strictement pas humains

Si en nous ne se nichait pas

Un peu de terroriste

Un peu de guerrier

Un peu de victime des deux précédents


*


L’odeur des bûchers

Des procès en sorcellerie

Ce n’est pas histoire si ancienne


Il suffisait de mettre en cause

Les croyances établies

Pour finir sous les crachats

Dans l’enfer des geôles ecclésiastiques


Quelle que soit la religion

Il s’avère qu’elle font pâles figures

Une fois aux mains d’un pouvoir temporel

Qui use des croyances

Pour assoir pouvoir totalitaire


Voici que ces temps oubliés

Ressurgissent en un siècle

Dont on aurait pu croire

Qu’il aurait regardé en face

Les crimes du passé


Erreur


Les gens de pouvoir ne tirent leçon

Que pour imposer un peu plus

Leur joug obscène 

Sur les épaules des innocents



Xavier Lainé

29 octobre 2023


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