lundi 4 mars 2024

Debout au milieu du gué 10

 




Alors je suis resté en panne 

Sous la pluie bienfaisante


Des nuées noires roulaient dans la nuit sans fin

Je ne trouvais pas mes mots

Je restais sans voix

Sur le bord de ce chemin creux

Mes oreilles aux aguets

Écoutaient et entendaient


Un murmure gagnait la Terre

Un murmure mêlé de plaintes

Un chant montait qui disait 

D’une voix rauque

Toute la tragédie d’exister

De se savoir en devoir de devenir

Humains tournant le dos aux pires 

Tournant le dos 

Aux empires

À ce que certains nomment

Civilisation

Construite dans le sang et la sueur

Des esclaves plus ou moins consentants


Alors je suis resté en panne

Sous la pluie bienfaisante


Du bord de la route 

Je faisais signe

Mais vous passiez sans ralentir

Peut-être même ne me voyiez vous pas

L’attention tellement fixée

Sur vos impératifs de survie

Sous le joug millénaire

De la mâle domination


Sous cette pluie battante

J’écoutais

J’entendais

Les sourdes plaintes ancestrales

Des esclaves plus ou moins consentants

Les mots montaient en chant

En hymne à la mémoire des riens

Des laissés pour solde de tous comptes

Dans la marge des empires 

Des fortunes colossales

Inutiles paravents

Masques de perversité

Posé sur les mufles hideux

Qui faisaient leurs choux gras

De l’exploitation sans limite des autres


Et l’autre à leurs yeux n’avait rien de semblable à eux

L’autre était cette variable d’ajustement dans les lignes

D’un chiffre d’affaire honteux


Moi

Perdu sur le bord de la route

Sous la pluie battante des détresses

Mon chant puisait à cette source

Celle où notre humanité commune se reconnaît

Hors des coffres et des bonnes fortunes



Xavier Lainé

10 février 2024


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