dimanche 31 mars 2024

Folies 7

 



Image : Graphèmes enfantins- Xavier Lainé (avec l'accord de l'enfant)



Je vous écris

Je vous écris du fond de la mine

Du fond de moi-même enfoncé dans la mine

Je suis de cette espèce en voie de perdition

Qui ne sait vivre autrement qu’en vivant

Qui ne sait rien calculer

Qui n’a d’ailleurs jamais su


Je vous écris

Je vous entends railler mon inconséquence

De n’avoir rien calculé en vue de ma vieillesse

Au point que demain peut-être

Il me faudra larguer les amarres d’une vie 

Aux apparences trompeuses

Rien parmi les riens

Minable idéaliste dont les rêves pourtant

Avaient parfois belle allure


Je vous écris

Vous me dites

Tu aurais dû

Tu aurais pu

Calculer

Prévoir

Te projeter


Mais

Dans quel avenir sinon cette épouvantable défaite

De l’esprit et du corps

Où nous enferme le monde jailli d’un coup d’Etat

Dans la violence et le meurtre d’un peuple


Est-ce dans ce monde là

Dans cet univers là 

Que vous me suggérez n’avoir pas su me projeter

Un monde où tout s’achète et tout se vend

Un monde où sauf à lisser les apparences

L’existence n’est rien d’autre qu’une façade

Un vernis sans contenu

Un tableau qui n’exprime rien

Que la sauvegarde de lui-même

Est-ce donc ça votre monde


Je vous écris

Je vous écris du fond de ma colère

Colère rentrée 

Qui ne trouve sortie que dans les mots

Maudits mots qui chantent à mes oreilles

Depuis toujours

Vains mots maudits

Qui disent ce qui travaille

Dans les profondeurs d’un monde absurde


Je ne suis pas de ce monde là

Qui s’échine à gagner sa vie

En en perdant l’âme et l’espérance

Sur les ruines de ce qui fait la beauté

Je suis de ceux qui sont les éternels perdants

Ceux qui repartent avec leur petite valise

Une fois les grands destructeurs de mondes passés

Huns parmi les Huns

Ils ne savent parler que de guerres

Ils la font mais pas par eux-mêmes

Ils y envoient encore mes congénères 

Qui ne sont rien aux yeux des apparences dorées



*


À Michèle Durand et Virginie Besançon


Il suffit parfois d’une bulle de beauté

D’un espace d’humanité

Où brille l’art de créer


De mots en textures

Quelque chose se noue et se dénoue


C’est comme un message lancé

Dans les vagues du temps


Parfois le fil des mots

Raccommode les fragments


La vie est ainsi qui nous laisse

Un peu brisés 

Un peu amers


L’art est un refuge

À qui veut 

Ne pas perdre pied



Xavier Lainé

7 mars 2024


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